Chatelin (Jean Gabin) tient un restaurant en
plein cœur des Halles de Paris. Il attire le gratin de la capitale par sa
cuisine réputée. Il a pris sous son aile Gérard (Gérard Blain), un jeune homme
qui a rompu avec son oncle aisé et préfère payer ses études de médecine en
travaillant la nuit aux Halles. Un petit matin, Catherine (Danièle Delorme)
entre dans le restaurant et se présente à Chatelin comme étant la fille de son
ancienne épouse, Gabrielle, dont elle lui apprend le récent décès. Chatelin,
touché, accueille sous son toit cette jeune fille qui semble bien perdue. Il
lui aménage une chambre dans son appartement de vieux garçon et lui propose un
emploi de réceptionniste. Mais Catherine se révèle bientôt un être pervers et
calculateur, qui parvient à force de mensonges à séparer Chatelin et Gérard. On
découvre bientôt qu'elle rejoint en cachette sa mère prétendument morte. Cette
dernière, ruinée et droguée, manœuvre pour que son ancien mari épouse Catherine
afin de faire main basse sur sa petite fortune...
Sorti en 1956, dix ans après le
magnifique Panique avec Michel Simon, Voici le temps des assassins consacre le retour de Julien Duvivier à
la veine la plus noire de son cinéma, une veine pouvant autant évoquer le
Clouzot des Diaboliques que certains
romans de Zola ou Balzac. Dès le générique, Duvivier donne le ton : le Paris magnifiquement reconstitué en studios du quartier des
Halles va être progressivement gangrené par le sordide.
Sur un implacable scénario, il
dresse le portrait d’une humanité sans scrupules, cupide, avide de gains et éprise
de vengeance et de vampirisation d’autrui. Une humanité dominée par des femmes manipulatrices
aux intentions épouvantables, qui telles des sangsues vont se jeter sur des caractères
faibles. Lesquels ne seront pas en reste in fine.
Démon au visage angélique, la jeune
Catherine (Danièle Delorme, magnifique dans un contre emploi) se révèlera à la
fois le bras armé et la victime d’une revanche, celle de sa propre mère qui se
fait passer pour morte et qui en coulisses tire les ficelles, animée par la
haine. Catherine incarne toute l’abjection humaine dont elle maitrise à
merveille la panoplie :
appel à la
pitié, mensonges, séduction, double-jeu, trahison … Comme le personnage de Chatelin, nous tombons
nous aussi sous son charme trouble, avant que celui-ci ne révèle petit à petit
sa véritable nature vénéneuse. Vice incarné, Catherine est aussi l’instrument
tragique du destin familial et d’une société qui l’a maintenue dans la plus
humiliante des pauvretés et s’est acharnée à la garder plus bas que terre.
La mère du personnage joué par Jean
Gabin ne vaut guère mieux que les deux autres. Mesquine, acariâtre et
dominatrice, elle tient en joug son fils et semble être à l’origine de sa
faiblesse de caractère. On la devine avoir été particulièrement active dans la séparation
d’avec son ancienne femme et déterminée à faire le vide autour de lui. Et la manière
avec laquelle elle traite Catherine, allant jusqu’à la fouetter comme on le
ferait avec un chien, la catalogue sans équivoque dans le camp de ces êtres
vils au cœur sec.
Avançant tout droit vers un dénouement
tragique, ce sombre chef d’œuvre misanthrope de Julien Duvivier ne laisse
aucune fenêtre ouverte sur quelque espérance que ce soit. En ce cloaque où règnent
en maitre l’égoïsme et la cupidité, seuls les assassins et les âmes noires parviennent
à se faire une place ici-bas.
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