Elle a vu de la lumière et est
revenue causer dans la lucarne, la petite Marion. Au moment où les Républicains (comme deux ans auparavant le PS) se sont échoués
sur le pire score de leur histoire, la plus jeune retraitée de la politique française
est incidemment sortie de son silence. Le soir où
Wauquiez a rendu son sceptre sous la pression et de l’échec électoral historique
de son parti, et de ses ennemis de l’intérieur, la voilà qui se lance telle
Circé dans une mélodie pleine de charme à destination de ces électeurs de
droite en deuil. Le même soir ! Hasard du calendrier …
Marion dont l’école de formation de
ses futurs lieutenants est à quelques centaines de mètres du Conseil Régional présidé
par Laurent Wauquiez …
La nature a horreur du vide, la
jeune dirigeante de l’ISSEC l’a bien compris. En fine politique, débordant
tantine sur sa droite avec son accord, elle a planté les contours de sa feuille
de route avec l’air de pas y toucher. Actant une évidence et posant en même
temps ses jalons. Non le Rassemblement National ne peut gagner seul. Oui il
faut des alliances et donc que des digues sautent.
Ça tombe bien, le parti
centralisateur qui d’en haut faisait jusqu’ici pression sur ses élus pour ne
pas céder aux appels du pied de la bête immonde vient de connaître un
enterrement de première classe. Que vaudra demain la menace du dirigeant d’un
parti moribond de se voir retirer son investiture locale pour un actuel élu des
Républicains ? Plus grand chose si la base qui a déserté le navire le suit !
Certains élus LR, tel Thierry Mariani, l’ont bien compris et anticipent déjà leurs
mouvements pour les prochaines municipales. Ce que Chirac, Juppé ou Sarkozy
pouvaient à l’époque obtenir, nul doute que le futur remplaçant de Wauquiez
aura bien du mal à réitérer. Localement, dans le Sud de la France entre autres,
certains politiciens de droite feront vite leurs calculs. Ma réélection avant
tout !
L’ex l’UMP est en mille morceaux,
exactement comme le PS depuis 2017. On peut saluer Macron, qui a achevé la
droite française en l’annexant aux deux tiers après avoir tué la gauche. Les européennes
pour Macron ce fut contrairement aux jugements hâtifs le couronnement d’une stratégie
défensive de type gagner par défaut, laquelle s’était donnée pour priorités à
la fois d’éliminer la droite, de faire boire la tasse à la France Insoumise et
de remettre le RN en selle comme principal adversaire. Les juppéistes de 2016
ont rejoint LREM, ainsi que 20% des électeurs de Fillon. Comme hier la moitié
des électeurs de Hollande avaient déposé un bulletin Macron. L’électorat de
Wauquiez s’est éparpillé entre la liste Renaissance, celle du RN et un paquet d’abstentionnistes
déboussolés. A peine les résultats annoncés, Edouard Philippe est apparu sur
les écrans requinqué et confirmé dans ses fonctions.
Cela faisait des années qu’on nous
parlait de frontières poreuses et de valeurs communes entre la droite et l’extrême
droite, il fallait juste que les élus suivent les plus radicalisés de leurs électeurs
en y trouvant leurs intérêts bien compris, nous sommes sur la voie. Douze ans après
l’annexion des thématiques du FN par Sarkozy, on risque d’assister avec
amusement à la valse de certains élus. Vu que la Maison Mère est en vente à la découpe
ça va faire évoluer certaines convictions jusque-là chevillées au corps.
D’où la réapparition
miracle au moment clef de Marion, laquelle met le curseur là ou il faut pour
ratisser les orphelins. A droite, clairement à droite. Avec un argumentaire
bien rodé. Autour de la valeur du conservatisme, qu’elle place sur un terrain
civilisationnel et identitaire, contre tous les excès du progressisme apatride.
Bien sur qu’elle ne revient pas en
politique, voyons, bien sur que non, elle ne fait rien d’autre que proposer ses
services au cas où on ait besoin d’elle ! Elle pose le cadre du nouveau
clivage, et sans jamais dire un mot contre tantine et sa stratégie limitée par
un éternel plafond de verre, elle ouvre en grand ses bras.
Comme par enchantement, dès le
lendemain, encore un hasard du calendrier, on apprend que Samuel Maréchal, le papa
de Marion, ainsi qu’Arnaud Stephan, son ancien attaché parlementaire, ont déposé
les statuts d’une association, Alliance
pour la France, en vue des prochaines
présidentielles de 2022. Alliance, ça cadre bien avec l’argumentaire de la
veille.
Du côté des électeurs la digue,
lentement, commence à se fissurer. 6 électeurs sur 10 de Mélenchon en 2017,
nous apprend un sondage, voteraient Le Pen contre Macron. 15% des électeurs de
Fillon se sont déjà reportés sur le RN. A force de répéter que la seule
opposition solide face au macronisme est le parti de Madame Le Pen, et face au
spectacle de la débâcle de tous les partis de l’avant dégagisme de gauche comme
de droite, on a créé un appel d’air. Marine étant dans les esprits à peu près certaine de perdre à nouveau dans
trois ans, autant jouer la carte Marion, laquelle s’étant retirée depuis deux
ans de toute responsabilité politique et étant assise sur une vraie popularité
chez les plus à droite des Républicains, entame tout juste son opération reconquête
à la mode en dehors des partis et au-dessus du jeu politicien. Aidée autant par
les médias que par les sondages, lesquels depuis belle lurette en ont fait un
produit d’appel.
Habilement, elle se fait désirer et
ne postule à rien.
Souvenons-nous, c’était en septembre
2014, sur BFM. Jacques Attali, l’oracle de l’oligarchie, nous avait avec deux
ans et demie d’avance donne le résultat du scrutin 2017 en nous annonçant avec
le sourire que le prochain président de la France s’appellerait Emmanuel
Macron. Avant que de glisser sur 2022, nous évoquant alors une femme âgée en
2014, nous avait-il confié alors, de 25 ou 26 ans. Concluant que les jeunes
pousses talentueuses étant plurielles, il nous soufflait à l’oreille qu’ils –
comprendre l’oligarchie qui décide des participants comme du vainqueur –
avaient le choix.
Marion, en 2014, avait 25 ans.
Recomposition de la vie politique,
nous avait vendu lors de sa campagne Emmanuel Macron – un mantra également répété
par Marine Le Pen. Droite et gauche de gouvernements rassemblés en une
formation unique se qualifiant elle même de camp des progressistes, contre
droite de la droite et souverainistes de tous bords, nos fameux nationalistes
populistes, ceux du rejet de la constitution de 2005, dans une addition de
partis dont à terme seul l’épouvantail RN surnage au dessus de petites
formations et d’électeurs déçus par leur chapelle. Manque juste le liant, l’alliance
en somme, laquelle se conjuguera avec une somme d’intérêts politiciens particuliers.
Projetons nous dans trois ans. Le
parti de Macron, après les naufrages Sarkozy puis Hollande, pris dans les rets
du rejet populaire, est devenu à son tour l’épouvantail à abattre. Un système médiatique
qui joue au fur et à mesure la petite musique d’une droite extrême devenue sous
la tutelle de Marion et le soutien d’élus conservateurs plus respectable. Une
armada de nouvelles têtes tout droit sorties de la fabrique à cerveaux de la
benjamine, à savoir l’ISSEC. Quelques bonnes fées comme Zemmour au dessus du
berceau. Un choix aussi clivant que possible sur fond d’abstentions records,
avec une pléthore de petits candidats s’auto annulant les uns les autres. Un
tel ras le bol émanant du pays que l’envie d’oser la dernière carte ne serait
ce que pour faire échouer le sortant – une constante depuis 2012 et l’échec de
la réélection de Sarkozy - devient envisageable pour beaucoup.
Et l’impensable devient possible.