lundi 3 juin 2019

Marion rentre en scène




Elle a vu de la lumière et est revenue causer dans la lucarne, la petite Marion. Au moment où les Républicains (comme deux ans auparavant le PS) se sont échoués sur le pire score de leur histoire, la plus jeune retraitée de la politique française est incidemment sortie de son silence. Le soir où Wauquiez a rendu son sceptre sous la pression et de l’échec électoral historique de son parti, et de ses ennemis de l’intérieur, la voilà qui se lance telle Circé dans une mélodie pleine de charme à destination de ces électeurs de droite en deuil. Le même soir ! Hasard du calendrier …

Marion dont l’école de formation de ses futurs lieutenants est à quelques centaines de mètres du Conseil Régional présidé par Laurent Wauquiez …

La nature a horreur du vide, la jeune dirigeante de l’ISSEC l’a bien compris. En fine politique, débordant tantine sur sa droite avec son accord, elle a planté les contours de sa feuille de route avec l’air de pas y toucher. Actant une évidence et posant en même temps ses jalons. Non le Rassemblement National ne peut gagner seul. Oui il faut des alliances et donc que des digues sautent.

Ça tombe bien, le parti centralisateur qui d’en haut faisait jusqu’ici pression sur ses élus pour ne pas céder aux appels du pied de la bête immonde vient de connaître un enterrement de première classe. Que vaudra demain la menace du dirigeant d’un parti moribond de se voir retirer son investiture locale pour un actuel élu des Républicains ? Plus grand chose si la base qui a déserté le navire le suit ! Certains élus LR, tel Thierry Mariani, l’ont bien compris et anticipent déjà leurs mouvements pour les prochaines municipales. Ce que Chirac, Juppé ou Sarkozy pouvaient à l’époque obtenir, nul doute que le futur remplaçant de Wauquiez aura bien du mal à réitérer. Localement, dans le Sud de la France entre autres, certains politiciens de droite feront vite leurs calculs. Ma réélection avant tout !

L’ex l’UMP est en mille morceaux, exactement comme le PS depuis 2017. On peut saluer Macron, qui a achevé la droite française en l’annexant aux deux tiers après avoir tué la gauche. Les européennes pour Macron ce fut contrairement aux jugements hâtifs le couronnement d’une stratégie défensive de type gagner par défaut, laquelle s’était donnée pour priorités à la fois d’éliminer la droite, de faire boire la tasse à la France Insoumise et de remettre le RN en selle comme principal adversaire. Les juppéistes de 2016 ont rejoint LREM, ainsi que 20% des électeurs de Fillon. Comme hier la moitié des électeurs de Hollande avaient déposé un bulletin Macron. L’électorat de Wauquiez s’est éparpillé entre la liste Renaissance, celle du RN et un paquet d’abstentionnistes déboussolés. A peine les résultats annoncés, Edouard Philippe est apparu sur les écrans requinqué et confirmé dans ses fonctions.

Cela faisait des années qu’on nous parlait de frontières poreuses et de valeurs communes entre la droite et l’extrême droite, il fallait juste que les élus suivent les plus radicalisés de leurs électeurs en y trouvant leurs intérêts bien compris, nous sommes sur la voie. Douze ans après l’annexion des thématiques du FN par Sarkozy, on risque d’assister avec amusement à la valse de certains élus. Vu que la Maison Mère est en vente à la découpe ça va faire évoluer certaines convictions jusque-là chevillées au corps.

D’où la réapparition miracle au moment clef de Marion, laquelle met le curseur là ou il faut pour ratisser les orphelins. A droite, clairement à droite. Avec un argumentaire bien rodé. Autour de la valeur du conservatisme, qu’elle place sur un terrain civilisationnel et identitaire, contre tous les excès du progressisme apatride.

Bien sur qu’elle ne revient pas en politique, voyons, bien sur que non, elle ne fait rien d’autre que proposer ses services au cas où on ait besoin d’elle ! Elle pose le cadre du nouveau clivage, et sans jamais dire un mot contre tantine et sa stratégie limitée par un éternel plafond de verre, elle ouvre en grand ses bras.

Comme par enchantement, dès le lendemain, encore un hasard du calendrier, on apprend que Samuel Maréchal, le papa de Marion, ainsi qu’Arnaud Stephan, son ancien attaché parlementaire, ont déposé les statuts d’une association, Alliance pour la France, en vue des prochaines présidentielles de 2022. Alliance, ça cadre bien avec l’argumentaire de la veille.

Du côté des électeurs la digue, lentement, commence à se fissurer. 6 électeurs sur 10 de Mélenchon en 2017, nous apprend un sondage, voteraient Le Pen contre Macron. 15% des électeurs de Fillon se sont déjà reportés sur le RN. A force de répéter que la seule opposition solide face au macronisme est le parti de Madame Le Pen, et face au spectacle de la débâcle de tous les partis de l’avant dégagisme de gauche comme de droite, on a créé un appel d’air. Marine étant dans les esprits à  peu près certaine de perdre à nouveau dans trois ans, autant jouer la carte Marion, laquelle s’étant retirée depuis deux ans de toute responsabilité politique et étant assise sur une vraie popularité chez les plus à droite des Républicains, entame tout juste son opération reconquête à la mode en dehors des partis et au-dessus du jeu politicien. Aidée autant par les médias que par les sondages, lesquels depuis belle lurette en ont fait un produit d’appel.

Habilement, elle se fait désirer et ne postule à rien.

Souvenons-nous, c’était en septembre 2014, sur BFM. Jacques Attali, l’oracle de l’oligarchie, nous avait avec deux ans et demie d’avance donne le résultat du scrutin 2017 en nous annonçant avec le sourire que le prochain président de la France s’appellerait Emmanuel Macron. Avant que de glisser sur 2022, nous évoquant alors une femme âgée en 2014, nous avait-il confié alors, de 25 ou 26 ans. Concluant que les jeunes pousses talentueuses étant plurielles, il nous soufflait à l’oreille qu’ils – comprendre l’oligarchie qui décide des participants comme du vainqueur – avaient le choix.

Marion, en 2014, avait 25 ans.

Recomposition de la vie politique, nous avait vendu lors de sa campagne Emmanuel Macron – un mantra également répété par Marine Le Pen. Droite et gauche de gouvernements rassemblés en une formation unique se qualifiant elle même de camp des progressistes, contre droite de la droite et souverainistes de tous bords, nos fameux nationalistes populistes, ceux du rejet de la constitution de 2005, dans une addition de partis dont à terme seul l’épouvantail RN surnage au dessus de petites formations et d’électeurs déçus par leur chapelle. Manque juste le liant, l’alliance en somme, laquelle se conjuguera avec une somme d’intérêts politiciens particuliers.

Projetons nous dans trois ans. Le parti de Macron, après les naufrages Sarkozy puis Hollande, pris dans les rets du rejet populaire, est devenu à son tour l’épouvantail à abattre. Un système médiatique qui joue au fur et à mesure la petite musique d’une droite extrême devenue sous la tutelle de Marion et le soutien d’élus conservateurs plus respectable. Une armada de nouvelles têtes tout droit sorties de la fabrique à cerveaux de la benjamine, à savoir l’ISSEC. Quelques bonnes fées comme Zemmour au dessus du berceau. Un choix aussi clivant que possible sur fond d’abstentions records, avec une pléthore de petits candidats s’auto annulant les uns les autres. Un tel ras le bol émanant du pays que l’envie d’oser la dernière carte ne serait ce que pour faire échouer le sortant – une constante depuis 2012 et l’échec de la réélection de Sarkozy - devient envisageable pour beaucoup.

Et l’impensable devient possible.