Paris, 1828. Sur le boulevard du Crime, au milieu de la foule,
des acteurs et des bateleurs, le mime Baptiste Deburau, par son témoignage
muet, sauve Garance d’une erreur judiciaire. C’est ici que commencent les
amours contrariées de Garance, femme libre et audacieuse, et de Baptiste
qu’elle intimide et qui n’ose lui déclarer sa flamme. Mais aussi celles de
Nathalie, la fille du directeur du théâtre, qui aime Baptiste, et de Frédérick
Lemaître, un jeune acteur prometteur, qui entame une liaison avec Garance,
tandis que cette dernière aime Baptiste
en secret.
Sixième film de Marcel Carné et avant dernière
collaboration entre le cinéaste et le poète Jacques Prévert – juste après Les visiteurs du soir -, Les enfants du paradis est considéré
comme le plus grand film français jamais tourné, et un des plus grands chefs d’œuvre de l’histoire du
cinéma.
Cette fresque en deux parties – avec un entracte
comme au théâtre - de trois heures fut tournée pendant l’occupation allemande, et connut plusieurs déboires.
Arrêts de tournage, changements de producteur, d’acteur – Robert Le Vigan, collabo et antisémite, devant fuir en
Allemagne – et de directeur de la photo, décors détruits et reconstruits etc.
Son budget absolument faramineux surprend pour une époque où l’on manquait de
tout. Arletty- dans son plus grand rôle -, son actrice principale, ne put
assister à la première, emprisonnée lors de sa sortie pour avoir eu pendant la
guerre un officier allemand pour amant.
Les enfants du paradis, présentés au
Festival de Venise en 1946, sortirent dans l’immédiat après-guerre et connurent un triomphe populaire
incroyable, sonnant la fin des années de défaite. La maitrise et la rigueur de
sa mise en scène, la poésie et la virtuosité de ses dialogues, l’incroyable casting et les performances exceptionnelles de
ses interprètes – citons Pierre Brasseur et Maria Casarès -, jusqu’au plus
petit rôle secondaire, en font un classique indémodable, une ode à la vie, à l’art, à l’amour et au génie du
grand cinéma français, puisant ses racines dans le théâtre, entre la commedia
dell arte et la tragédie antique.
Situant l’action
au début du XIXème siècle dans le célèbre Boulevard du crime parisien –
entièrement reconstitué par l’immense
décorateur Alexandre Trauner dans les studios de Nice -, Marcel Carné recrée un
univers où les acteurs de théâtre et de
pantomime – avec le personnage, réel, du mime Deburau interprété génialement
par Jean-Louis Barrault – se fondent à leur public, et se mêlent à de grands criminels – le célèbre Lacenaire. Et où les comédiens sur scène répondent au public. Le monde de
Carné et Prévert est une scène à l’ombre de laquelle tout se joue, jusque dans les
coulisses.
Film sur l’amour idéal et impossible, incarné par la mythique
Garance, laquelle tel un révélateur n’a de cesse de faire naitre les passions,
d’aller et venir en toute liberté, et dont l’absence fait croitre le désir, Les enfants du Paradis obéissent à la
logique de la fresque et du feuilleton à la Alexandre Dumas, grouillant de
personnages hauts en couleurs. Construit en actes, le film plonge ses
protagonistes endiablés dans le tourbillon
du temps qui passe et expose des figures types, le poète, le séducteur,
l’homme de pouvoir et le cérébral, possédant chacun des nuances et des parts
d’ombre concourant à une issue dramatique.
Admirablement dialogués, contenant des
passages de pure poésie où les
répliques prononcées atteignent parfois la somptuosité des vers de tragédies
antiques, ce chef d’œuvre conserve grâce à une galerie de personnages aussi bouleversants que
possible une émotion palpable, frémissante, de celles que l’on ressent au spectacle de destins d’exception lancés à
toute allure dans une foule endiablée. Et, comme dans la célèbre chanson d’Edith Piaf, emportés par elle dans une folle
farandole.

Christophe, Tu as très bien rendu la profondeur humaine , le génie et la complexité de l’être humain ! J’ai vu « les enfants du Paradis « au moins six fois et en sortais toujours nourrie et émue. C’est un véritable miroir de l’ame.
RépondreSupprimerMerci Aleka !
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