Nous sommes en mai 1940, lors de l’avancée
des armées allemandes sur la Belgique puis la France, cette période que l’on
nomme exode, ou des milliers d’habitants fuiront vers le sud, par la route et
aussi par le train. Y compris comme dans le film adapté du roman de Georges Simenon
dans des wagons à bestiaux.
Troisième adaptation de Simenon par
Pierre Granier Deferre après La veuve
Couderc et Le chat, Le train réunit à l’écran un couple
devenu mythique. Dans le rôle d’une tchèque juive, Romy Schneider. Dans celui
de ce petit français moyen, marié et avec enfant, lesquels voyagent tantôt dans
le même train à des places assises, tantôt dans un autre, Jean-Louis
Trintignant.
Cet exode, et ce qu’il entraina, fut
un sujet que connut le romancier, qui s’occupa de l’accueil des réfugiés belges
et français à La Rochelle. Le roman qu’il en tira mêle la petite dans la grande
histoire au travers de l’histoire de ce couple retenu dans ce wagon au milieu d’autres
dont ils s’isoleront pour vivre une courte mais intense passion.
Par les yeux énamourés de Trintignant,
le visage de Romy irradie. Vêtue de noir, chignon strict, traits tirés, voix murmureuse
et regard souvent fuyant, l’actrice délivre là une de ses plus belles interprétations,
tout en gravité et en frémissements. On suit par ses confidences l’effarement
de son amant, lequel semble découvrir l’horreur faite aux juifs d’Europe, à
mesure que le train glisse vers le sud.
Anna étant juive, elle se retranche,
sa parole se fait rare, son regard inquiet, les dénonciations ou les arrestations
pouvant surgir d’on ne sait ou et de qui.
Mêlant l’intrigue romanesque à des
images d’archives de l’époque, populations sur les routes, raids aériens,
visages hagards des déracinés, Le train
mêle admirablement documentaire sur une époque trouble et narration tout en
nuances. L’absence absolue d’intimité due au confinement dans un wagon ou d’autres
– Régine, assez exceptionnelle dans un second rôle marquant – cohabitent
contraint les amoureux au minimum, une simple caresse devient effusion. Lorsque
les bases s’effondrent, lorsqu’on est déraciné, coupé des siens et de ses
biens, restent l’amour, le besoin de chair, de tendresse surtout, restent les
regards, les confidences murmurées.
Le final, bouleversant, réunira pour
une dernière scène, d’une sensualité et d’une humanité renversantes, les amants
maudits, face à un petit commissaire de Vichy. Il posera sa main sur sa joue,
elle lèvera vers lui un regard cristallin, puis s’écroulera. Et la sentence
tombera sur les envolées de la sublime partition de Philippe Sarde.
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