On
a pour habitude de considérer la fin de carrière de l’immense Alfred Hitchcock
comme une sorte de sortie de route au regard de l’ensemble de son œuvre. Il est
vrai qu’après avoir ouvert les années soixante avec deux purs chefs d’œuvre, Psychose en 1960 puis Les oiseaux trois ans plus tard, le
maitre du suspens, reprenant Tippi Hedren, signa avec le troublant Pas de printemps pour Marnie que
François Truffaut qualifia justement de grand film malade. Puis il baissa la
garde avec Le rideau déchiré, dont
une et une seule scène, absolument renversante, est à sauver – la fameuse scène
du four. Enfin il se perdit avec un sous James Bond, sorte de coproduction
internationale d’espionnage bancale,
L’étau. Ces deux derniers titres étant en effet très en deçà des grandes
œuvres du Maitre, lequel, en Angleterre dans les années trente mais surtout à
compter de Rebecca et de son arrivée
à Hollywood, aligna pendant plusieurs décennies une succession ininterrompue de
de films majeurs. Son dernier opus, Complot
de famille, sorti en 1975 dans une relative indifférence, clôtura une des
filmographies les plus impressionnantes qui soient, filmographie qui aujourd’hui
encore suscite de part le monde une admiration sans borne.
C’est sans compter Frenzy,
sorti en 1972 et qui connut un véritable succès, que l’on peut considérer à la
fois comme le dernier excellent Hitchcock – sans bien sur égaler La mort
aux trousses, Vertigo et tous les
plus grandes réalisations du cinéaste britannique – et un retour aux sources. Plus
de trente ans après Les trente neuf
marches, Hitch revient en Grande Bretagne, et pose sa caméra à Londres, c’est-à-dire
chez lui. Pour une de ces comédies à suspens grinçantes dont il a le secret,
inspirée des légendes urbaines autour du mythe de Jack l’éventreur – en clair
les contes d’horreur de sa propre enfance.
Avec Frenzy, et ce
dès le premier plan séquence plongeant sur la Tamise, où une caméra plongeante
rejoint un groupe puis découvre le cadavre d’une femme étranglée, Hitch, avec
une esthétique très séries policières télévisées des années soixante dix o
combien éloignée de la magnificence de ses réalisations hollywoodiennes, plante
le décor. Il s’agira, une fois encore, de reprendre un de ses thèmes favoris,
celui du faux coupable, dix fois traité auparavant, que ce soit dans le film
éponyme avec Montgomery Cliff, dans La
mort aux trousses ou dans L’inconnu
du Nord express. Face à un serial killer, la bonne société anglaise
désignera une fois encore à tort un homme qui a le démérite d’être à la fois
alcoolique et sans emploi, et qui devra fuir et prouver sa propre innocence.
Avec une crudité sadique à laquelle il ne nous avait guère
habitué - on est loin du puritanisme d’Hollywood -, Hitchcock, au travers de la
figure de ce meurtrier quelque peu ridicule auquel il ne pardonne rien – il en fait
un authentique obsédé compulsif et une caricature de petit maraicher londonien
– reprend ses thèmes de prédilection. Les perversions sexuelles du meurtrier lui
fournissent l’occasion d’une scène d’étranglement au sadisme consommé, qu’il
fait durer au delà du supportable au moyen d’une succession de plans serrés de
la poitrine dénudée de la victime, de ses vêtements arrachés, de sa gorge qu’on
étrangle et de ses yeux exorbités. Ne masquant aucun détail sordide, il va
jusqu’à figer la morte dans une grimace quelque peu grotesque. Le rire n’est
jamais loin avec ce réalisateur qui se délecte de filmer la souffrance en
action tout en la reliant directement au plaisir sexuel du tueur.
A compter d’une demi-heure de film, la résolution de
l’énigme est expédiée. L’identité du meurtrier étant résolue et donc évacuée,
le maitre du suspens peut se concentrer sur ce qui l’intéresse le plus.
Conduire par la main le spectateur dans une comédie policière avec un personnage
d’inspecteur anglais jusqu’à la caricature, associé à une femme cordon bleu lui
concoctant des mets on ne peut plus étranges. Et lancer l’intrigue dans une course
poursuite où un innocent se débat avec la vérité et poursuit l’authentique
meurtrier.
Film de divertissement haut de gamme et exercice de style
brillant, tantôt effrayant, tantôt hilarant, Frenzy surprend encore de nos jours par sa modernité et l’aptitude
de son metteur en scène à opérer de brusques changements de ton jusqu’à un
dénouement quelque peu attendu.
Frenzy
est resté dans les mémoires par la grâce d’une séquence anthologique que les
spectateurs ne sont pas prêts d’oublier, et qu’Hitchcock place vers le milieu
du film. Un concentré de vingt minutes de suspens vrillant les nerfs, fait avec
trois fois rien sinon une absolue maitrise de la mise en scène. Le meurtrier, à
la poursuite de la femme qu’il a étranglée, la rejoint dans une camionnette
contenant des sacs de pommes de terre, dont un dans lequel est caché le
cadavre. Lequel cadavre tient dans sa main la dague du meurtrier et donc sa
signature, et que ce dernier doit absolument récupérer. La camionnette fonce
dans la nuit, poursuivie par la voiture du faux coupable, feux avant allumés et
aveuglants, le meurtrier, dans l’obscurité, cherche à tâtons le cadavre froid
dans les sacs de pommes de terre, se saisit de la main, et casse les doigts de
la morte un à un pour récupérer son bien. Là, dans cette scène muette glaçante,
celui que l’on considère comme le plus grand spécialiste du suspens signe ce
qui demeurera comme sa dernière très grande séquence de pur cinéma.
Difficile de ne pas sourire car depuis Light maman ... aucun commentaire ...pourtant Hitchcock, ce n'est pas mal, mais si la petite minette le bat en popularité, c'est plutôt bon signe car l'Homme ne serait pas définitivement perdu ?!
RépondreSupprimerKiss à toi douce petite Light... ainsi qu'à tes lascars.