C’était, en 2003,
le grand retour de Jean-Paul Rappeneau, un cinéaste rare, auteur de certaines
des plus brillantes comédies du cinéma français, La vie de château, Les mariés
de l’an II, Le sauvage … Avec à l’affiche Adjani, Depardieu, Ledoyen, Attal, et un petit nouveau qui
crevait l écran, Gregori Berangère, disparu depuis ou presque.
Bon voyage, sur un scénario de Patrick Modiano, c’était le retour de la grande comédie
sur fond historique, ici la débâcle de 1940, l’exode à Bordeaux du gouvernement, l’avant capitulation. Le tout avec une kyrielle de personnages hauts en
couleur tout droit sortis du cinéma populaire d’antan, une action soutenue à un rythme sans faille, une mise en scène
brillantissime et une caméra virevoltante. Et, surtout, un plaisir immense pris
par chacun à participer à cette histoire, certains acteurs, je pense à
Depardieu, brillantissime, semblant enfin retrouver un rôle à sa mesure.
Et ce fut un flop, en dépit de critiques élogieuses et unanimes.
Etrange époque que celle ou un cinéma français populaire de très grande qualité
ne trouve plus son public, étranglé entre une comédie canal et une
superproduction hollywoodienne.
Bon voyage, c’est un précipite d’émotions sur un rythme endiablé, une grande histoire qui se fait
rattraper et peindre par mille petites histoires, des destins de personnages
puisés dans notre mémoire cinéphilique, l’écrivain intraitable, le ministre amoureux, l’actrice arriviste, la jeune étudiante idéaliste. Le tout plongé dans le
bain d’un conflit mondial qui déferle et
bouscule les égoïsmes.
Admirablement construit, le scénario écorne la lâcheté de ces hautes
fortunes qui ne pensent qu’à sauver leur chemise, pointe du doigt cette frénétique
agitation de ces politiciens en exil totalement à l’ouest. Loin de s’attarder, Rappeneau et sa virevoltante caméra les saisit en plein vol,
nous les fait croiser, ne s’appesantit pas,
fonce dans les rues de Bordeaux, filme des poursuites dignes de films de cape
et d’épée, fait parler ses acteurs à
toute vitesse. Vite, vite, semble-t-il murmurer à ses protagonistes pendant les
prises, le cadre est parfois rempli à ras bord, les personnages se croisent, se
bousculent, se heurtent, s’éloignent, se
retrouvent. Et les dialogues pétillent.
Le directeur d’acteur se révèle une nouvelle fois époustouflant, parvenant à tirer le
meilleur de chacun, à ressusciter certaines gloires enfouies, à réveiller des
vocations. Sous son égide, le talent comique stupéfiant d’Isabelle Adjani éclate, vingt ans après leur essai dans Tout feu tout flamme, l’actrice se revêt d’une caricature d’elle-même, comédienne capricieuse, hystérique et manipulatrice, toujours
en représentations et sur la corde raide – bref, irrésistible à chaque
apparition.
Bon voyage c’est un peu la rencontre de La grande vadrouille et de Casablanca, un cinéma de distraction
pure de très grande facture, un bijou de mise en scène, d’une absolue perfection sur tous les plans, photo, montage, décors, musique,
tout brille, tout est optimisé, une recette perdue depuis longtemps que
Jean-Paul Rappeneau le magicien, amoureux du 7ème art comme jamais, ressuscite.
Pour notre plus grand plaisir !
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