mercredi 6 mars 2019

Chefs d’œuvre du 7ème art - Belle de jour




Séverine est l’épouse très réservée du brillant chirurgien Pierre Serizy. Sous ses airs très prudes, la jeune femme est en proie à des fantasmes masochistes qu’elle ne parvient pas à assouvir avec son mari. Lorsque Henri Husson, une connaissance du couple, mentionne le nom d’une maison de rendez-vous, Séverine s’y rend, poussée par la curiosité. Elle devient la troisième pensionnaire de Mme Anaïs, présente tous les jours de la semaine de quatorze à dix-sept heures, ce qui lui vaut le surnom de « Belle de jour ».

Deuxième film français de l’espagnol Luis Buñuel après Le journal d’une femme de chambre d’après Octave Mirbeau, Belle de jour est l’adaptation par Buñuel et celui qui deviendra son scénariste attitré jusqu’à son dernier film Jean-Claude Carrière d’un roman bourgeois et érotique de Joseph Kessel. Que l’ami des surréalistes va totalement déconstruire pour en faire une œuvre éminemment personnelle, ou le réel paraît irréel et l’irréel – à savoir la fantasmagorie masochiste d’une bourgeoise ici traitée comme une actrice star de cinéma, à la fois objet et metteur en scène de ses fantasmes - réaliste.

Les éléments fétichistes étranges semés ici et là dans la partie traitant de la fantasmagorie de cette héroïne qui fait penser à la Marnie d’Hitchcock – la blondeur de Deneuve étant la même que celle de Tippi Hedren – permettent en effet de questionner la pellicule. Ce que nous voyons de Séverine et de la réalisation de ses désirs – la maison close, la prostitution, les clients, le fait d’être attachée nue à un arbre et fouettée – est-ce réel, est-ce vrai ou est-ce la recréation onirique de ceux-ci ? Belle de jour, son nom de scène de prostituée de luxe pour bourgeois en mal de transgressions, n’est pas, telle que la filme Buñuel, un être à part entière avec un corps mais une addition de parties, un kaléidoscope, une projection pure. Le dos, les pieds, la nuque – comme isolés les uns des autres dans le cadre.

Les scènes dites réalistes surprennent par leur irréalisme, et rendent les fantasmes plus vrais que le vrai. Toujours aussi mordant envers la haute bourgeoisie, ce diable ricaneur de Buñuel en fait une comédie théâtralisée au possible tel un théâtre no codifié à l’extrême, ou le ton des voix, la posture des corps, tout sonne faux. Loin de vouloir traduire la société française des années soixante, l’espagnol semble l’avoir figée dans le passé de la belle époque, celle du roman de Kessel. Les robes et tenues créées pour l’héroïne par Yves Saint Laurent, loin de fixer cette dernière en 1966, l’enveloppent d’atemporalité. Séverine telle qu’elle se montre, se donne et s’abandonne, ressemble à une abstraction pure, telle une poupée qui est à la fois salie et toujours propre, et absente à ce qui lui arrive, a ce qu’on lui inflige, à ce qu’elle appelle. Une image, une figure, et une coquille vide. Un objet surréaliste, en somme !


1 commentaire:

  1. Malheureusement tous les films dont tu nous fais l éloge par tes textes ,ne sont jamais portés à l écran ( je parle de la programmation télévisuelle ) ils préfèrent nous diffuser leur merde de Joséphine ange gardien ect ..! A quand une véritable volonté de culture cinématographique sur nos chaînes..j ai perdu espoir ..pour voir tous ses superbes films il faut sortir la carte bleue et nous n avons pas tous mes moyens de le faire ..C est vraiment navrant pour les jeunes générations. Bises VR

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