dimanche 31 mars 2019

Lancement de la campagne Minion Macaron !



Oyez oyez bonnes gens ! A peine achevé son ultime grand débat face à un parterre de charmantes têtes blondes, notre grand Manumouchi a lancé le top départ du Quizz Européen de ce joli mois de mai, et lâché ses troupes à Aubervilliers pour un grand meeting de lancement de campagne.

Le macroneux de base étant par essence un entrepreneur extrêmement occupé par son investissement personnel dans la Start Up Nation, tout fut fait, par le chef comme par son staff, pour fournir aux participants quelques fiches cuisine aussi simplettes sur le fond que faciles à retenir. Nous le savons depuis sa campagne Paris Match 2016, notre bienveillant banquier daffaires aime enrober la promesse de vente dans un nuage de glucose et simplifier le débat jusqu’à le noyer dans des formules creuses. Son think tank composé de petits freluquets maigrichons à la mine cadavérique – Emelien, Griveaux, Attal et autres David Amiel, ces gamins en costard ne sortent guère de leurs bureaux tant la mission qui est la leur est prenante – nous a composé une ligne de fracture excessivement claire à retenir, et tout aussi excessivement impossible à développer autrement qu’en enfilant des perles.

Ce sera donc les progressistes – nous – contre les nationalistes – les autres. Ceux qui marchent vers lavenir contre ceux qui se ratatinent sur leurs frontières et leur passé tout pourri. Il faut “refuser qu’un jour l’Europe se décline en cinquante nuances de brun”, nous serinent-ils en un clin d œil littéraire digne des œuvres de Marlène Schiappa, ce qu’il faut c’est aller de l’avant, avec optimisme, en se serrant les coudes avec nos partenaires européens.

Le beau slogan vide que voilà ! Avancer, reculer, marcher, s’immobiliser, tout ça c’est bien mignon, mais encore faudrait-il définir vers quoi. Parce que si on décortique la novlangue Rothschild, Manu nous laisse le choix entre foncer vers le IVème Reich ou revenir au IIIème. En d’autres termes, on continue à vendre le pays à la découpe à marche forcée, à déréguler à tout va, à tout donner au haut du panier grâce à tout ce qu’on dérobe aux autres, à mégoter les allocs, à remplacer les pouilleux smicards par des robots, bref on va de l’avant en accélérant dans une direction où seuls les plus gros actionnaires et les détenteurs des banques centrales y trouvent un intérêt sonnant et trébuchant, et on appelle ça le progrès. Et, histoire de bien vous simplifier l’argumentaire, on fait un package de tous ceux qui n’y trouvent pas leur compte et on les taxe d’archaïques arriérés nostalgiques de la peste brune.

“ Certains veulent revenir aux nationalismes, au temps du sang et de la haine. Ce qu’ils annoncent, c’est l’Europe en marche arrière. Ne les laissons pas gagner ! ”, s’est époumonée leur tête de liste Nathalie Loiseau, ancienne Ministre chargée des Affaires Européennes ayant quitté la cage gouvernementale pour rentrer dans une autre où sans doute les graines sont de meilleure qualité. La haine, tout de suite les grands mots ! La haine de quoi, la malheureuse serait bien en peine de développer, mais les caporaux des banksters et des lobbies adorent ça, s’inventer des loups garous et se parer des atours du chevalier blanc progressiste faisant rempart avec leur corps contre l’avancée de l’immonde bête populiste.

A écouter leurs logorrhées, face à l’indigence absolue de leurs arguments dignes d’un dessin animé, on comprend mieux, avec quelques jours de recul, pourquoi leur grand chef avait commencé son tour de France face à des élus par essence soumis pour l’achever entouré d’enfants de dix ans. Nous c’est les gentils, eux c’est les méchants, voilà la seule et unique comptine que ces sous développés du bulbe ayant fait l’ENA ont trouvée à force de phosphorer. 


samedi 30 mars 2019

Chefs d’œuvre du 7ème art - Les enfants du paradis



Paris, 1828. Sur le boulevard du Crime, au milieu de la foule, des acteurs et des bateleurs, le mime Baptiste Deburau, par son témoignage muet, sauve Garance d’une erreur judiciaire. C’est ici que commencent les amours contrariées de Garance, femme libre et audacieuse, et de Baptiste qu’elle intimide et qui n’ose lui déclarer sa flamme. Mais aussi celles de Nathalie, la fille du directeur du théâtre, qui aime Baptiste, et de Frédérick Lemaître, un jeune acteur prometteur, qui entame une liaison avec Garance, tandis que cette dernière aime Baptiste en secret.

Sixième film de Marcel Carné et avant dernière collaboration entre le cinéaste et le poète Jacques Prévert – juste après Les visiteurs du soir -, Les enfants du paradis est considéré comme le plus grand film français jamais tourné, et un des plus grands chefs dœuvre de lhistoire du cinéma.
Cette fresque en deux parties – avec un entracte comme au théâtre - de trois heures fut tournée pendant loccupation allemande, et connut plusieurs déboires. Arrêts de tournage, changements de producteur, dacteur – Robert Le Vigan, collabo et antisémite, devant fuir en Allemagne – et de directeur de la photo, décors détruits et reconstruits etc. Son budget absolument faramineux surprend pour une époque où lon manquait de tout. Arletty- dans son plus grand rôle -, son actrice principale, ne put assister à la première, emprisonnée lors de sa sortie pour avoir eu pendant la guerre un officier allemand pour amant.
Les enfants du paradis, présentés au Festival de Venise en 1946, sortirent dans limmédiat après-guerre et connurent un triomphe populaire incroyable, sonnant la fin des années de défaite. La maitrise et la rigueur de sa mise en scène, la poésie et la virtuosité de ses dialogues, lincroyable casting et les performances exceptionnelles de ses interprètes – citons Pierre Brasseur et Maria Casarès -, jusqu’au plus petit rôle secondaire, en font un classique indémodable, une ode à la vie, à lart, à lamour et au génie du grand cinéma français, puisant ses racines dans le théâtre, entre la commedia dell arte et la tragédie antique.
Situant laction au début du XIXème siècle dans le célèbre Boulevard du crime parisien – entièrement reconstitué par limmense décorateur Alexandre Trauner dans les studios de Nice -, Marcel Carné recrée un univers où les acteurs de théâtre et de pantomime – avec le personnage, réel, du mime Deburau interprété génialement par Jean-Louis Barrault – se fondent à leur public, et se mêlent à de grands criminels – le célèbre Lacenaire. Et où les comédiens sur scène répondent au public. Le monde de Carné et Prévert est une scène à lombre de laquelle tout se joue, jusque dans les coulisses.
Film sur lamour idéal et impossible, incarné par la mythique Garance, laquelle tel un révélateur n’a de cesse de faire naitre les passions, d’aller et venir en toute liberté, et dont l’absence fait croitre le désir, Les enfants du Paradis obéissent à la logique de la fresque et du feuilleton à la Alexandre Dumas, grouillant de personnages hauts en couleurs. Construit en actes, le film plonge ses protagonistes endiablés dans le tourbillon du temps qui passe et expose des figures types, le poète, le séducteur, l’homme de pouvoir et le cérébral, possédant chacun des nuances et des parts d’ombre concourant à une issue dramatique.
Admirablement dialogués, contenant des passages de pure poésie où les répliques prononcées atteignent parfois la somptuosité des vers de tragédies antiques, ce chef dœuvre conserve grâce à une galerie de personnages aussi bouleversants que possible une émotion palpable, frémissante, de celles que lon ressent au spectacle de destins dexception lancés à toute allure dans une foule endiablée. Et, comme dans la célèbre chanson dEdith Piaf, emportés par elle dans une folle farandole. 

vendredi 29 mars 2019

Chefs d’œuvre du 7ème art - Frenzy



On a pour habitude de considérer la fin de carrière de l’immense Alfred Hitchcock comme une sorte de sortie de route au regard de l’ensemble de son œuvre. Il est vrai qu’après avoir ouvert les années soixante avec deux purs chefs d’œuvre, Psychose en 1960 puis Les oiseaux trois ans plus tard, le maitre du suspens, reprenant Tippi Hedren, signa avec le troublant Pas de printemps pour Marnie que François Truffaut qualifia justement de grand film malade. Puis il baissa la garde avec Le rideau déchiré, dont une et une seule scène, absolument renversante, est à sauver – la fameuse scène du four. Enfin il se perdit avec un sous James Bond, sorte de coproduction internationale d’espionnage bancale, L’étau. Ces deux derniers titres étant en effet très en deçà des grandes œuvres du Maitre, lequel, en Angleterre dans les années trente mais surtout à compter de Rebecca et de son arrivée à Hollywood, aligna pendant plusieurs décennies une succession ininterrompue de de films majeurs. Son dernier opus, Complot de famille, sorti en 1975 dans une relative indifférence, clôtura une des filmographies les plus impressionnantes qui soient, filmographie qui aujourd’hui encore suscite de part le monde une admiration sans borne.

C’est sans compter Frenzy, sorti en 1972 et qui connut un véritable succès, que l’on peut considérer à la fois comme le dernier excellent Hitchcock – sans bien sur égaler La mort aux trousses, Vertigo et tous les plus grandes réalisations du cinéaste britannique – et un retour aux sources. Plus de trente ans après Les trente neuf marches, Hitch revient en Grande Bretagne, et pose sa caméra à Londres, c’est-à-dire chez lui. Pour une de ces comédies à suspens grinçantes dont il a le secret, inspirée des légendes urbaines autour du mythe de Jack l’éventreur – en clair les contes d’horreur de sa propre enfance.
Avec Frenzy, et ce dès le premier plan séquence plongeant sur la Tamise, où une caméra plongeante rejoint un groupe puis découvre le cadavre d’une femme étranglée, Hitch, avec une esthétique très séries policières télévisées des années soixante dix o combien éloignée de la magnificence de ses réalisations hollywoodiennes, plante le décor. Il s’agira, une fois encore, de reprendre un de ses thèmes favoris, celui du faux coupable, dix fois traité auparavant, que ce soit dans le film éponyme avec Montgomery Cliff, dans La mort aux trousses ou dans L’inconnu du Nord express. Face à un serial killer, la bonne société anglaise désignera une fois encore à tort un homme qui a le démérite d’être à la fois alcoolique et sans emploi, et qui devra fuir et prouver sa propre innocence.
Avec une crudité sadique à laquelle il ne nous avait guère habitué - on est loin du puritanisme d’Hollywood -, Hitchcock, au travers de la figure de ce meurtrier quelque peu ridicule auquel il ne pardonne rien – il en fait un authentique obsédé compulsif et une caricature de petit maraicher londonien – reprend ses thèmes de prédilection. Les perversions sexuelles du meurtrier lui fournissent l’occasion d’une scène d’étranglement au sadisme consommé, qu’il fait durer au delà du supportable au moyen d’une succession de plans serrés de la poitrine dénudée de la victime, de ses vêtements arrachés, de sa gorge qu’on étrangle et de ses yeux exorbités. Ne masquant aucun détail sordide, il va jusqu’à figer la morte dans une grimace quelque peu grotesque. Le rire n’est jamais loin avec ce réalisateur qui se délecte de filmer la souffrance en action tout en la reliant directement au plaisir sexuel du tueur.
A compter d’une demi-heure de film, la résolution de l’énigme est expédiée. L’identité du meurtrier étant résolue et donc évacuée, le maitre du suspens peut se concentrer sur ce qui l’intéresse le plus. Conduire par la main le spectateur dans une comédie policière avec un personnage d’inspecteur anglais jusqu’à la caricature, associé à une femme cordon bleu lui concoctant des mets on ne peut plus étranges. Et lancer l’intrigue dans une course poursuite où un innocent se débat avec la vérité et poursuit l’authentique meurtrier.
Film de divertissement haut de gamme et exercice de style brillant, tantôt effrayant, tantôt hilarant, Frenzy surprend encore de nos jours par sa modernité et l’aptitude de son metteur en scène à opérer de brusques changements de ton jusqu’à un dénouement quelque peu attendu.
Frenzy est resté dans les mémoires par la grâce d’une séquence anthologique que les spectateurs ne sont pas prêts d’oublier, et qu’Hitchcock place vers le milieu du film. Un concentré de vingt minutes de suspens vrillant les nerfs, fait avec trois fois rien sinon une absolue maitrise de la mise en scène. Le meurtrier, à la poursuite de la femme qu’il a étranglée, la rejoint dans une camionnette contenant des sacs de pommes de terre, dont un dans lequel est caché le cadavre. Lequel cadavre tient dans sa main la dague du meurtrier et donc sa signature, et que ce dernier doit absolument récupérer. La camionnette fonce dans la nuit, poursuivie par la voiture du faux coupable, feux avant allumés et aveuglants, le meurtrier, dans l’obscurité, cherche à tâtons le cadavre froid dans les sacs de pommes de terre, se saisit de la main, et casse les doigts de la morte un à un pour récupérer son bien. Là, dans cette scène muette glaçante, celui que l’on considère comme le plus grand spécialiste du suspens signe ce qui demeurera comme sa dernière très grande séquence de pur cinéma.

jeudi 28 mars 2019

Manu au Club Dorothée



Bientôt fini ! Manu s’apprête à ranger ses crayons couleurs et les PowerPoint de son Grand Débat auquel 9 français sur 10 conviés ont décliné l’invitation, et dont statistiquement furent ou se sont exclus à la fois les jeunes et les pauvres, ce qui entre nous fait du monde. Tandis que les petits pois LREM se sont mis en ordre d’En Marche et pour les européennes et pour les municipales, avec deux ou trois sorties du parc Matignon à prévoir, le Monsieur Loyal des soucis de ses concitoyens termine son road show sur fonds publics en allant rencontrer une cinquantaine de moufflets triés sur le volet en Maine-et-Loire. Et imiter Jacques Martin dans L’école des fans. Laissez venir à moi les petits enfants !

Les plus vieux – dans leur tête – et les plus jeunes. Voilà ce à quoi se réduit la macronerie, auxquels il convient d’ajouter, était-ce besoin de le dire, les plus riches, les plus corrompus et les recalés d’Afflelou croyant encore, eu égard à l’absence de lunettes sur leurs yeux malades, que le printemps peut encore se penser deux ans après l’élection de la créature de nos amis les Rothschild.

Donc un public d’enfants, entourant le gentil chef des tireurs de flashballs, lesquels ont pu s’exprimer le plus naturellement du monde sur les méchancetés qui les entourent et auxquelles par quelques formules bien pensées notre sensible roitelet, aussi empathique que feu Jean-Luc Delarue, et aussi crédible que Cyril Hanouna face aux victimes de la mondialisation, a répondu sur l’air d’une chanson douce que me chantait ma maman.

“ La personne à qui ça arrive, il faut premièrement qu’elle n’ait jamais honte et qu’elle le dise”, a-t-il lancé avant d’insister sur la responsabilité des personnes qui entourent le harcelé. “Quand on voit ce genre de choses, il faut le dénoncer. Il faut aider celui qui est seul, que vous voyiez le harcèlement dans la cour de récréation, hors de l’école ou sur les réseaux sociaux. Il faut le dire à vos parents, à vos enseignants, c’est essentiel.” 

Manu répondait d’une salve à une ribambelle de bambins se plaignant de harcèlement scolaire – un enjeu MAJEUR de ce quinquennat pour Minions - et de harcèlement sur les réseaux, une toute petite fille lui confiant en hésitant qu’un méchant garçon lui avait demandé une … photo d’elle sur Instagram. La petiote n’ayant pas précisé de quel type de photo il s’agissait.

On se croirait revenus aux beaux jours de la flamboyante campagne du si mal élu, pendant laquelle, sillonnant les terroirs, il s’en allait tel Casimir enfiler les gloubiboulga face à des foules extatiques. Bloqué sur le plan de la maturité au tout début de l’adolescence, ce freluquet pour lequel le concernant tout interdit est par essence impossible vu que tout est du – il n’a jamais eu qu’à se baisser pour être distingué par les puissants auxquels depuis toujours il s’identifie – n’est jamais autant à son aise que face à un parterre d’enfants aussi sages que lui, lesquels comme lui font peu la différence entre leurs rêves et la réalité. L’ennui c’est que Manu est censé avoir quarante ans passés, et que face à des adultes pas acquis à sa cause, à part pérorer, Sa Majesté Empereur des Moucherons ne sait guère y faire.

Décidément ce pouvoir, tout du moins certains membres du gouvernement comme son chef, sait admirablement utiliser les schtroumpfs en se faisant filmer en gros plan, et en prenant une voix toute mielleuse, tels avant Macron notre sémillante Marlene et ce cher Castener. Ces as de la matraque et de l’intolérance sirupeuse se muent en acteurs de Disney Chanel et se font plus niais que Shirley Temple et Mickey Rooney réunis. On ne saurait leur faire remarquer qu’avant eux tous les plus sanguinaires dictateurs, d’Hitler à Staline, tâtaient eux aussi pour leur image de la charmante tête blonde aux moments dits critiques. Commencer un Débat national pour naïfs face à de vieilles édiles serviles et l’achever chez Guignol avec Dorothée et Chantal Goya, ça s’appelle une promenade de santé.

Il existe donc des parents pour qui l’utilisation de leur progéniture afin de mettre en scène ceux qui sans hésiter ont décidé à la fois l’inoculation de 11 vaccins on ne peut plus toxiques et l’inclusion de l’éducation sexuelle au plus jeune âge ne pose aucun problème de conscience. Mon fils, la chair de ma chair, face au Roi avec ses petits copains et ses petites copines, tous assis en demi cercle dans un simulacre de démocratie participative – vite, montrer la séquence aux voisins !

Ce jeune cénacle, en tout cas, aura été pour notre altesse o combien contestée une véritable cure de jouvence. Sourires mignons, clins d’yeux, petits mots susurrés – ont-ils été payés ces enfants ? -, et distribution de bonbons à la fin – quel soulagement après ces mois de violences que cette assemblée paisible ! Les petits choux, nous dit-on, auront été charmés par leur hôte, lequel une fois n’est pas coutume arborait une tête de Joseph Ange Gardien. La guimauve de Macaron, en dessous de dix ans, vu que les taxes, les impôts et les allocs on est pas encore en âge de, ça se digère fort bien !





mardi 26 mars 2019

Light maman !



Hier j’ai senti. Elle avait besoin de présence accrue, miaulait tout le temps, allait systématiquement à la porte si je sortais, me suivait partout. J’ai senti que c’était le jour. Ce le fut.

Incroyable Light ! Qui est avec moi depuis qu’elle est âgée de deux semaines, et qui depuis me suit comme mon ombre et me couvre d’un regard aussi doux qu’éclairé. C’est rare, une chatte qui lorsque tu l’emmènes dans un parc et que tu la lâches en liberté te suive, et qui quand tu l’appelles accoure. Chaton, lorsque je sortais de cet hôtel sur trois étages et que je rentrais de courses, je l’apercevais tout en haut, l’appelais et la voyais détaler les marches quatre à quatre à ma rencontre.

Je nous revois tous deux en attente d’un départ de bus, sur un petit marché au bord d’une route. La confiance est telle en sa capacité à ne pas prendre de risques que je l’avais laissée libre d’aller et venir. Aucun problème, elle gambadait à distance de la rue et revenait systématiquement vers moi lorsque je l’appelais, et se laissait prendre et mettre dans sa caisse. De même dans cet hôtel ou nous sommes restés un mois. Hôtel ouvert sur la route et la circulation. Elle ne dépassait jamais le perron, et m’attendait en fin d après midi, bondissante et miaulant.

Hier vers une heure du matin elle est venue se blottir contre moi avec force, s’est mise à ronronner très fort, et m’a réveillé. J’ai senti le besoin et l’imminence, c’était incroyable, elle n’arrêtait pas de poser sa patte sur mon bras et de me lécher le doigt, de se serrer, d’appeler les caresses. A un moment je l’ai vue haleter, elle me regardait, elle n’arrêtait pas de me regarder, et en quelques dix minutes a mis bas le premier des chatons. Alors qu’elle le léchait elle me laissa en confiance la caresser. Puis l’emmena derrière un meuble dans la cuisine.

Je mis une heure à me rendormir. Allai à la cuisine au réveil. Il faisait sombre, je ne voyais guère que son ombre, ai avalé un café. Lorsqu’un rayon de soleil est apparu, j’ai distingué une, puis deux, puis trois minuscules silhouettes.

Puis, tandis que j’avais préparé un carton avec des couvertures, soulevant un à un les chatons, la voyant a peine miauler, presque confiante, et la soulevant, j’en découvris trois autres. Six.

Elle me laisse en toute confiance les caresser, les toucher, elle ronronne quand je la caresse, et mange dans le creux de ma main les miettes de thon sec. Je les laisse un peu seuls, y reviens de temps en temps. C’est la vie qui sous mes yeux se déploie, une vie que tu as envie de regarder croitre toute la journée émerveillé, ils sont minuscules et aveugles, sur les six il y en a cinq gris et un noir. L’infiniment petit, l’infiniment subtil. Il y a sept mois Light était une minuscule boule de poils hyper vive. Et la voilà devenue maman apaisée.


dimanche 24 mars 2019

Manu et l’Empereur de Chine



A peine remis d’un 19ème samedi à fuir courageusement ces envahisseurs en jaune fluo de basse extraction antisémites et ultraviolents, notre Apprenti Dictateur amateur de la cantine du Fouquet’s s’en est allé ce dimanche rejoindre d’autres cieux en son royaume ou l’air est quelque peu plus sain pour le maintien de l’épiderme de sa douce. Il est vrai qu’à Paris, le lacrymo et l’air pollué, pour la peau de Brigitte, pas terrible. Alors après les pistes noires, Nice et la Promenade des Anglais.

Ah Nice ! La ville de l’ami Estrosi, celui qui avec le préfet du coin fait passer décrets sur décrets pour contenir les gueux loin des centre-ville, là ou la reconnaissance faciale s’impose à tous les coins de rue, là ou aller se baigner en burkini donne lieu à des verbalisations. Le bon maire de Nice a tout compris de ce que c’est la sécurité des braves gens qui ont honnêtement travaillé toute leur vie pour mériter de vivre paisiblement dans une ville propre sans avoir à supporter SDF, manifestants et pouilleux.

Le couple présidentiel s’en va en ce dimanche rencontrer un maitre du monde et pas n’importe lequel, le Roi de cette Chine que Manu regarde avec des yeux de Chimène. Ah, Xi Jiping, quel petit chanceux que celui-là, chez lui, des canaris, ça finirait en deux temps trois mouvements dans la cocotte minute en civet, va t’amuser chez lui à faire révolution le samedi, là-bas c’est direct la taule et la déchéance avec l’assentiment de tous tes proches. En plus chez eux, tout ce que je veux ici importer, se dit Manu, dix longueurs d’avance ! Des IA qui coutent rien et font jamais la grève, dans certaines de leurs usines y a déjà, la 5G qui rend les neurones des canaris raplapla c’est pour dans deux trois mois, à la téloche Apathie et Laurence Ferrari – coutent un pognon de dingue ces laquais ! – déjà remplacés par des robots. Sans compter l’appli des keufs chinois qui leur permet de tracer n’importe qui comme dans Terminator, toi là-bas le grain de riz t’es dans ma banque de données, allez hop en taule ! Hein ? Un procès ? Non mais tu crois que les juges ont que ça à faire ? Et puis cette autre appli qui permet aux foulards rouges locaux de dénoncer les gilets jaunes, ça Manu ça le fait rêver, même pas besoin de s’emmerder à créer un Ministère de la Vérité, là-bas la délation ça marche tout seul, les gens, près d’un siècle de communisme et regarde le résultat, la bouillie étatique s’est comme diluée dans le cerveau des gens, lesquels assurent eux mêmes l’intendance.

Le diner des deux couples présidentiels, nous chante la Presse des Milliardaires, se tiendra dans la Villa Kerylos à Beaulieu-sur-Mer, palais d’inspiration grecque. Édifiée de 1902 à 1908, cette construction blanche avancée sur la mer et surmontée de terrasses et pergolas symbolise " l'essence même d'une civilisation au visage essentiellement humain comme celui chez les Grecs de leurs dieux et de leur Art, un modèle et une méthode de raisonnement, un ensemble de valeurs ", selon Fabrice Reinach, le petit fils de l'architecte de la Villa. De là, face à un diner cinq étoiles, nos dieux grecs contemporains deviseront avec leurs moitiés potiches sur, nous dit-on, le multilatéralisme, la transition écologique et la nouvelle route de la soie. En d’autres termes, sur comment nous la mettre encore plus profond en enrobant la sauce dans un papier … de soie.

Le Roi de Chine, on peut émettre cette hypothèse, devrait rire sous cape de l’absolu amateurisme de son équivalent débutant, lequel depuis quatre mois se dispute la première place sur le podium mondial de Répressif Premier tout en accumulant les couacs communicationnels. Avec ce sens de l’humour si particulier, sans doute Xi Jiping lui conseillera t-il un stage chez son ami le leader de la Corée du Nord, ou lui glissera sous la table l’adresse du coiffeur de ce dernier. Hey tu sais petit, ricanera le Dernier Empereur de l’Empire du Milieu, dictateur c’est pas sur les bancs de l’ENA ou sur les bancs de la commission Attali qu’on apprend, viens donc toi et ta dame faire un stage chez nous, viens avec Marlène, Benjamin et les autres, et je te garantis qu’à ton retour de formatage toi aussi tu pourras fouler les dalles de ce Palais avec le sentiment d être un peu plus que l’ombre d’un Dieu Grec !


mercredi 20 mars 2019

Manu pique une crise !



On peut toujours compter sur Le canard enchainé pour occuper notre temps de cerveau disponible avec des confidences murmurées dans les couloirs du pouvoir par les laquais de celui-ci et autres subterfuges dudit pouvoir destinés à détourner l’attention de ses lecteurs amateurs de ragots.

Ce mercredi, notre enchainé palmipède nous a concocté un plat de résistance fort goûtu à base de colères théâtralisées de notre bien aimé monarque de retour de ski, lequel monarque aurait, d’après les indiscrétions, plusieurs fois tapé du poing sur la table sans fort heureusement casser sa Rolex. Ouf !

Manu se serait donc emporté contre tous ces incapables qui le servent, et tout le monde y serait passé. Doudou Philippe, injoignable pendant plusieurs heures tandis qu’on foutait le feu au Fouquet’s, et que le pauvre Castener cherchait à le joindre – on se demande bien pourquoi notre sinistre de l intérieur cherchait à joindre son papa au lieu de prendre tout seul comme un grand des mesures, mais passons. Evidemment la Préfecture de Police de Paris et cette nouille de Delpuech, dont le scalp aura servi de tête d’ampoule de fusible, laquelle préfecture de police a osé ne pas appliquer les consignes au sujet des LBD voulues par le roitelet viseur d’yeux de canaris. Quoi ? hurla Manu, vous avez osé ne pas les éborgner, ces gueux ? Putain mais c’est quoi ce bins ?

Tous les conseillers du petit skieur du samedi y sont passés, nous chante le Canard, ce fut soufflante sur soufflante. Le pauvre Castener, du coup, s’est senti obligé d’aller à la radio d’état chouiner que non, Manu l’avait pas grondé. On se pince devant ce spectacle digne d’une cour de maternelle ou un gars aux épaules de déménageur qui galoche à tout va entre deux parties de poker s’en va dès l’aube assurer les sujets de son royaume que le petit freluquet de cinquante trois kilos qui dirige la France ne lui a aucunement flanqué une giffle, pour ne pas dire une biffle.

Manu, on le voit, avec la complicité du Canard, feint et le fait savoir. Avoir flambé la cantine de Bernard Arnaud sur les Champs Elysées tandis que je descendais une piste noire, attendez que je vienne vous chercher ! Morte de rire mais bien briefée pour jouer les offusquées, la poupée Rothschild tient là toutes les justifications possibles et imaginables pour entériner l’Etat Policier. Vu qu’il paraît que le Fouquets c’est la vitrine de la République Française, casser un carreau de la devanture dudit self de luxe justifie donc exploser la tronche de ces extrémistes en tenue fluo pas même capables de se payer un costard.

Donc la fausse saine colère habilement relayée par le palmipède, qui est là pour préparer les esprits. Quatre fusibles – dont un vieillard en dépression -, deux ou trois pétages de câbles feints, quelques indiscrétions, on laisse Castener et Lemaire se faire convoquer comme des mômes au Sénat devant de vieux screugneugueu de droite, on lâche les chacals des médias couiner comme il faut. Et on ramasse la mise, à savoir la validation que rien ne vaut la répression pour préserver les intérêts bien compris des ultra-riches !


dimanche 17 mars 2019

Manu rentre du ski



Ce devait être hier, samedi 16 mars, acte 18 des canaris, vers 19 heures, que le service de communication de l’Elysée on Ice s’est fendu d’une annonce. Manu et Brigitte écourtent leur weekend au ski, retour du Bankster sur Paris, la poudreuse ça suffit, en avant la poudre !

A peine une demi-heure plus tard notre fringuant clubber Castener s’en est allé la mine grave compter les points sur les Champs Elysées et y aller de sa déclaration du jour. La Bac a bien fait son travail, en retrait ce coup-ci tandis que les blackblocks déchainés foutaient le feu au Fouquets, cassaient les vitrines de Swarovsky et Célio et tachaient de caillasser les CRS. On les avait connus plus nerveux, les gars de la BAC, mais ils travaillent et donc interviennent sur ordre. Là, pas touche, on veut nos images, on veut que le pékin devant sa télé se scandalise de voir celle qu’on appelle la plus belle avenue du monde livrée aux flammes et aux barbares. On veut que Manu fasse sa rentrée de Baden Baden on Ice une fois le chaos effectué. Ce qui fut fait.

On ne peut pas dire que l’hyper violence à laquelle nous avons assisté en marge des manifestations à Paris et surtout sur les Champs n’avait pas été, plus qu’annoncée, presque promue, sur les réseaux sociaux et via quelques porte paroles auto désignés que mystérieusement nous n’avons point aperçus à proximité du lieu du crime. A chacun sa mission !

Nous remarquerons l’habile pas de deux de nos duettistes de l’Elysée et de l’intérieur. Manu quand ça va chauffer se fait systématiquement porter pale, le 3 décembre sa Seigneurie se pavanait en Argentine – allez le chercher ! -, hier il tâtait de la piste noire. Lorsqu’il daigne poser un pied sur les pavés de Paris, le petit monarque file tout droit voir ses Terminator et incarne l’Etat Policier sous leur haute protection. Pas folle la guêpe ! Quant à notre lanceur de flashballs et de LBD de la cote d’Azur, celui qui ignore crânement les suicides de ses propres forces de l’ordre ainsi que les syndicats de police qui écornent sa conception toute spécieuse de la véracité et de l’honnêteté intellectuelle, il slalome entre deux tweets et un petit bécot sur une piste de boite du VIIIème, et entre les rodomontades de Tony Montana et le Monsieur Météo des statistiques. Hier, notre sémillant ministre annonçait la mort des canaris – lesquels sont à l’écouter dans la tombe tous les samedis depuis 18 semaines et ressuscitent aussitôt enterrés quelques jours après.

Ces Laurel et Hardy de la Banque Rothschild nous donnent par leur comportement volontairement désinvolte la bonne grille de lecture de ce qu’il faut comprendre de l’utilité de ces insurrections pour débutants. On s’en fiche, voilà ce qu’ils ne cessent de répéter par images à peine subliminales à des manifestants perclus d’illusions. Lesquels perdent depuis quatre mois membres, yeux, temps et pouvoir d’achat, au profit du sommet que représentent nos deux Gnafron.

Lesquels une fois la casse constatée le sourire aux lèvres, viennent faire un petit tour des popotes, prendre deux ou trois décisions liberticides supplémentaires. Et repartent aussitôt pour l’un skier pour l’autre danser.


vendredi 15 mars 2019

Chefs d’œuvre du 7ème art - Ceux qui m’aiment prendront le train




Jean-Baptiste Emmerich, né à Limoges, artiste peintre scandaleux et tyrannique mort à Paris, veut qu’on l’enterre à Limoges au cimetière de Louyat. C’est par cette phrase qu’il règle ses dernières volontés, lui qui voyait arriver la mort et ne voulait pas partir en laissant les autres en paix. Sous couvert d’enterrement, ce film dissèque une journée d’une quinzaine de personnages en crise, rassemblés autour d’un mort, dont la présence et le regard les faisait exister, qui ont perdu tout repère et se retrouvent obligés de se confronter les uns aux autres. Cet homme, en quittant ces vivants qu’il avait si fort influencés, les laisse face à des questions que sa présence faisait oublier.

Quatre ans après sa sublime Reine Margot, retour de Patrice Chéreau à un sujet plus contemporain autour d’un enterrement d’artiste – qui pourrait être lui compte tenu que les présents sont tous ou presque membres de sa troupe d’acteurs – et de la comédie humaine qui virevolte à sa suite. Deux heures construites autour de deux blocs narratifs et formels, un premier long d’une heure, le temps du voyage dans un train Corail de Paris à Limoges, caméra à l’épaule. Et un second, plus classique, plus huis clos théâtral aussi, l’enterrement et la veillée dans la maison du frère du défunt.

Ceux qui l’aimaient dépendaient tant de lui que sa disparition révèle à la fois les failles individuelles et les conflits latents entre eux. Comme dans un portrait de famille au vitriol, les survivants, loin de vivre un deuil, règlent avant, pendant et après leurs comptes. Dans cet étalage d’immaturités, de blessures non cicatrisées et de rancœurs, de trahisons et de mensonges, on retrouve quelque peu l’univers cancérigène de la famille des Médicis telle que Chéreau la peignit dans son opus précédent, également sa vision pessimiste voire tragique, ici semée de touches d’humour, de l’humaine condition. Rares sont les purs, légion sont les médiocres, ceux qui prennent le train car se mettant à la remorque de, et se retrouvant telle la cigale de la fable démunis quand la brise fut venue.

Une fois encore le metteur en scène de théâtre excelle ici à diriger une troupe de comédiens qui pour la plupart ont du mal à exceller chez un autre que lui, tout du moins dont le talent ne suffit pas à sauver ailleurs que chez les grands metteurs en scène des rôles passablement écrits. Chéreau fut plus que leur metteur en scène, à la fois leur découvreur et leur pygmalion, Vincent Perez, Pascal Gregory, Valeria Bruni sont nés chez lui. Et la manière cinglante avec laquelle il les expose ailes brisées après la mort du maitre, ne tenant guère en place, ne parvenant pas à faire leur deuil, tourner la page et cesser leurs vaines querelles a quelque chose de croustillant, à la limite de la misanthropie sur le tard. Vaillant jusqu’au bout, Chéreau les magnifie tous néanmoins et leur sert à chacun un nouvel écrin ou chacun joue l’anti héros qui est presque une projection réaliste d’eux mêmes. La caméra, tantôt virevoltante tantôt apaisée, les fixe sur pellicule comme des insectes tantôt affolés tantôt immobiles et perdus. Papa n’est plus, il va peut être falloir commencer à vivre en adultes …




jeudi 14 mars 2019

Chefs d’œuvre du 7ème art - Le pianiste



Durant la Seconde Guerre mondiale, Wladyslaw Szpilman, un célèbre pianiste juif polonais, échappe à la déportation mais se retrouve parqué dans le ghetto de Varsovie dont il partage les souffrances, les humiliations et les luttes héroïques. Il parvient à s’en échapper et se réfugie dans les ruines de la capitale. Un officier allemand, qui apprécie sa musique, l’aide et lui permet de survivre.

On peut comprendre que la biographie même de Roman Polanski explique que ce ce Pianiste couvert de prix soit à considérer comme à part dans une filmographie dont la note n’est ni à l’histoire ni à l’émotion – encore que, filmée avec une distance et une pudeur toute surprenante, son œuvre, sans cacher grand chose des exactions commises en ces années de mort, se tienne à juste distance du sentimentalisme propre à ce genre si particulier de film.

Ancien témoin évadé du camp de Cracovie, ayant assisté à la mort de tous les siens, le cinéaste polonais ne pouvait, et c’est heureux, tomber dans les pièges larmoyants de La liste de Schindler ou de La vie est belle. Son Pianiste offre à la fois un saisissant documentaire des années dites de ghetto du peuple juif en Europe, des violences et du retour à la barbarie la plus atroce, mais aussi et surtout le portrait intimiste d’un artiste virtuose plonge dans l’horreur et qui va à distance, porté par la musique qu’il maintient intacte dans son cœur, subir, assister à, mais aussi parvenir à s’extraire de ce qui se déroule sous ses propres yeux. Et échapper au carnage.

Ce funambule artiste, double du réalisateur, observe, comme Polanski observe ce monde au travers de ses films, comme derrière une glace, y compris quand il est plongé au cœur de l’horreur. Cette distance ironique, cette aptitude à s’extraire, à rire même, qui est comme la marque de fabrique du célèbre cinéaste o combien décrié, on la retrouve quelque peu dans le regard même de son personnage principal, joué par le merveilleux Adrien Brody, qui ressemble à un acteur du cinéma muet. Peu loquace, les yeux souvent écarquillés tel un enfant, il semble en tous instants, y compris quand son corps est pris pour cible, là et à coté de ce qu’il vit, jamais complètement présent aux faits épouvantables qui se déroulent sous ses yeux. Il y a en lui, comme en Polanski, non une rage de vivre mais comme une inaptitude, de part la force même de l’esprit et de ses rêves, ici la musique archi présente en lui, à ressentir les choses comme tout un chacun. Et donc, plongé dans l’horreur, une inaptitude miraculeuse à la vivre pleinement. Lorsqu’il sera protégé par un officier allemand, il vivra comme une immense parenthèse entre le rêve et le réel, le film, comme son personnage auquel il se confond, tendant à l’abstraction, au statique et au minimalisme. Dans cette dernière partie, après les atrocités s’étant déroulées sous nos yeux dans le ghetto, il y a de la part de Polanski comme une re-création, exactement comme le ferait par protection un enfant vivant cela. Le temps devient suspendu, l’espace se couvre de givre et les notes de Chopin, sublimes, s’élèvent dans la nuit.

Après – et avant – tant d’œuvres grinçantes au possible, Polanski s’offre sa seule et unique incursion, à soixante dix ans, sur le terrain autobiographique et intime. Loin de donner dans la caricature habituelle – tous les juifs sont loin d’êtres exempts de vices, tous les allemands ne sont pas mauvais, et dans le cloaque ou les valeurs disparaissent, le cinéaste recueille sur les trottoirs maculés de sang quelques fleurs d’humanité -, son Pianiste, authentique chef d’œuvre absolument bouleversant et d’une maitrise confondante, apparaît sur le tard comme une sorte de journal intime d’un homme quelque peu étrange et pour qui se confier n’est pas franchement une habitude. Dépassant à mon sens de beaucoup tous les films, fort nombreux, s’étant attardés sur cette période, il la restitue à hauteur d’homme, sans chercher à faire de l’effet, sans en rajouter, avec une sobriété qui touche en profondeur. Le film parvient à cet équilibre assez saisissant constituant à recréer à la fois une chape de plomb effrayante et en son cœur une sublime échappée. Comme une ode au piano à la vie.


Chefs d’œuvre du 7ème art - JFK



Oliver Stone, qui est de la même génération que Scorcese ou De Palma, est connu pour ses films souvent très engagés, qu’on place à la gauche de l’échiquier politique, et dont le point commun est d’interpeler et d’interroger jusqu’à la paranoïa la civilisation occidentale et plus précisément le pouvoir américain dans ses ressorts les plus profonds. Et de le confronter à d’autres points de vue et d’autres angles au moyen du cinéma, jusqu’à son dernier film, une interview aussi passionnante que de parti pris de Vladimir Poutine, qui on l’a vu fascine le cinéaste.

Lequel depuis son engagement dans la guerre du Vietnam, tant sur le terrain qu’en termes politiques, semble être revenu de loin et remettre en cause tous les fondamentaux des thèses d’état et médiatiques.

Ici il s attaque au travers d’un film enquête à cent à l’heure éminemment subjectif – l’identification entre Stone et le procureur joué par Kevin Costner est totale, le second étant un double du premier – à une remise en cause totale de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy tel qu’il nous fut compté par la commission Warren. Armé d’archives, de lectures d’ouvrages contredisant entièrement la vérité officielle, et aussi de ses propres enquêtes personnelles, Oliver Stone, trois heures durant, s’en va avec un montage frénétique catapulter une à une toutes les pièces et thèses du dossier et les retourner comme un gant, usant en l’assumant de la fiction, elle même facteur évident au travers de l’émotion, du montage et du choix des scènes reconstituées, de manipulation.

Parler de subjectivité assumée est essentiel afin de ne pas d’un revers de main écarter le film, lequel en tant qu’objet filmique regorge de qualités à la fois narratives et formelles. Car Stone le citoyen est aussi et avant tout un metteur en scène, extrêmement talentueux parfois, capable du meilleur comme du moins bon, mais ici à son sommet pour tenir en haleine un spectateur et le conduire là ou il a envie qu’il aille, en clair à reprendre le flambeau. C’est à vous de jouer, dira face caméra le procureur Garrison après un procès d’une heure qu’il aura perdu.

JFK met donc en image un complot ourdi par l’état profond et des agences comme la CIA contre le dirigeant américain opposé à la guerre. Cette thèse dite complotiste est loin d’être la seule, et certainement pas la plus générique, une autre existe qui fait porter le motif du crime à la volonté du président défunt de lâcher face caméra aux américains tout ce qu’il savait sur les véritables détenteurs cachés du pouvoir aux Etats Unis, d’ailleurs il avait peu avant sa mort fait quelques brèves déclarations sur ce sujet. Ce terrain-là, la thèse de Stone ne s’y aventure pas vraiment et reste circonscrite à l’affaire de la guerre contre Cuba et de la Baie des Cochons.

Quoi qu’il en soit, la dimension exceptionnelle de ce sublime film politique qui s’inscrit comme un successeur des meilleures œuvres d’un Costa Gavras ne dépend pas de la thèse de l’auteur mais bien de sa capacité à mobiliser tous les moyens – manipulatoires par essence, j’insiste – du cinéma pour non pas nous convaincre mais nous amener à nous affranchir de ce qu’au dessus on voudrait que l’on croit.

Bien que s’achevant dans un dernier tiers très américain – le fameux film de procès avec les bons et les méchants, lesquels à la fin gagent contre le chevalier blanc de la vérité -, JFK demeure avec le temps un brulot animé par une envie sincère, en prenant une caméra stylo, d’interroger l’Amérique et de tacher d’en puiser la substantifique pureté par le biais d’un art, celui du cinéma. Lequel art sert à déciller les regards et se révèle ici un outil propre à faire trembler les colonnes du temple. Un art – celui de la contestation – dans lequel bien des cinéastes américains ont brillé.


Chefs d’œuvre du 7ème art - Que la bête meure



!969. Entre La femme infidèle et Le boucher, Claude Chabrol, abordant ici un cycle majeur de son œuvre, adapte avec Paul Guegauff un roman britannique de Peter Blake, dont il ne retient que la trame – un intellectuel fou de douleur d’avoir perdu son jeune fils, écrasé par un chauffard anonyme, part à la recherche de ce dernier, animé d’un sentiment de vengeance, et tombe sur un être absolument abject, une bête donc, qu’il va prendre pour cible – pour créer un exercice de style entre Hitchcock et Fritz Lang.

On parle souvent à tort à propos du cinéma de Chabrol d’un pourfendeur des hypocrisies bourgeoises françaises, comme si la seule bourgeoisie était la cible et en même temps le sujet central de l’œuvre de ce réalisateur témoin de son époque. Or c’est bien l’ambiguïté qui constitue le cœur des sujets de cinquante films d’importance inégale, une somme qui évoque La comédie humaine de Balzac à la fois par sa profusion et par la richesse des portraits dressés.

Tout comme son maitre Hitchcock ennemi de la vraisemblance au profit d’une dramaturgie libérée des contraintes réalistes, Chabrol s’en va dans Que la bête meure créer comme une abstraction à partir de ce personnage vengeur s étant donné pour but ultime de faire mourir l’assassin de son fils, ce qui signifie conduire lui-même une enquête à partir de trois fois rien. Là, le malicieux réalisateur met en scène un personnage scénariste qui sitôt consignées quelques phrases dans son carnet secret créée en projection sur l’écran la matérialisation même de son scénario. Ainsi le dévoilement de l’identité de l’assassin se fera au travers de rencontres semblant tomber du ciel, et ces invraisemblances, loin de nuire au récit, lui permettront de se déployer jusqu’à pénétrer l’antre du monstre.

Lequel personnifie à l’excès tout ce que l’on aime haïr, et d’ailleurs est entouré de personnages qu’il sadise tous sous le regard bienveillant d’une mère aussi déséquilibrée que lui. L’introduction du vengeur dans ce petit cénacle ou le bourreau trône sans partages sera vécu par chacun comme une possible salvation, chacun ressentant au plus profond de lui même que l’intrus porte en germe le désir de tuer le monstre à leur place. On se trouve ainsi placés par Chabrol et son scénariste dans un dilemme éthique ambigu au possible en étant identifié au vengeur, dont nous épousons à notre tour le désir et le projet macabre. Facon de mettre les deux dos à dos, le tueur et sa potentielle victime, et de nous placer nous spectateurs non seulement du côté du couteau, mais à la frontière du bien et du mal. Frontière que Chabrol ici fait reculer pour mieux l’interroger.

Ainsi la justice des hommes, une justice privée, qui s’appuie sur le sentiment de vengeance, est-elle à la fois exhibée, justifiée et interrogée dans ses fondements. L’injonction du titre, Que la bête meure, peut se retourner comme un gant tant sur celui qui a porté le coup que sur ceux qui l’ont regardé agir dans un silence approbateur.


mercredi 13 mars 2019

Chefs d’œuvre du 7ème art - Sunset boulevard



Norma Desmond, grande actrice du muet, vit recluse dans sa luxueuse villa de Beverly Hills en compagnie de Max von Meyerling, son majordome qui fut aussi son metteur en scène et mari. Joe Gillis, un scénariste sans le sou, pénètre par hasard dans la propriété et Norma lui propose de travailler au scénario du film qui marquera son retour à l’écran, Salomé. Joe accepte, s’installe chez elle, à la fois fasciné et effrayé par ses extravagances et son délire, et devient bientôt son amant ...

Davantage réputé pour son immense talent de réalisateur de comédies, Billy Wilder signe ici probablement son film le plus respecté, une authentique tragédie datant de 1950, mettant en scène l’écroulement d’un certain Hollywood en plein âge d’or de ce dernier. Cet Hollywood de la première partie de l’histoire du cinéma, celle qui s’arrête en 1933 avec l’arrivée du parlant, qui mit instantanément au chômage et donc dans l’ombre à la fois la plupart des stars du muet et bien des réalisateurs, tel Erick Von Stroheim, présent dans le film dans le rôle d’un ancien metteur en scène ayant fait tourner l’ancienne gloire.

A peine mis un pied dans l’immense demeure gothique de l’ancienne star du muet, celui dont la voix off ouvre le film, une voix d’outre tombe en l’occurrence, se trouve pris dans les rets de cette actrice n’ayant plus tourné depuis plus de quinze ans et qui ici vit dans un culte au passé et à elle-même, loin, très loin de la réalité. Cette demeure est autant un mausolée qu’un tombeau ou règne une araignée aussi folle que manipulatrice, dont cet apprenti écrivain deviendra l’amant et en quelque sorte l’esclave avant que d’être la victime.

Le crépuscule de cette déesse des temps anciens, filmé dans un noir et blanc expressionniste ou comme dans le cinéma allemand des années vingt chaque détail est grossi et déformé, et ou Gloria Swanson recrée de manière aussi bouleversante que caricaturale le style de jeu hyper expressif de l’époque, s’apparente donc à une mise à mort qui va comme ressusciter une dernière fois la star en convoquant, pour une stupéfiante descente de l’escalier, les flashes des projecteurs et les micros des journalistes.

Presque morte vivante, l’actrice star d’antan fait son ultime et dernier numéro sous les sunlights après avoir échoué son come back sous la caméra de Cecil B De Mille, et par sa capacité à avaler la lumière sur son passage parvient à étourdir autant la véracité que les présents. Particulièrement grave, Wilder clôt son brulot sur une note de tragique flirtant sur la crête du ridicule sans y plonger et jette une dernière pelletée de terre sur toutes ces gloires oubliées.