L’été
90 envoya toute la famille réunie à Marrakech,
ou Suzanna loua un riad non loin de la muraille de la ville ancienne, que
Lagerfeld lui avait conseillé. Les mois précédant aout avaient fait de l’agence
Elites et de sa Présidente l’objet de toutes les curiosités, outre atlantique
notamment, ou Suzanna partit en repérages quelques jours à New York, sur la cinquième
avenue.
Un
an ! Je me donne un an pour faire la couverture de Vogue, confia-t-elle à
Pierre. Lequel, à force de graisser la patte au RPR, obtint de son président
quelques entrées là où il entendait prochainement y déployer ses dons – dans la
banque dite d’affaires à la française.
On l
introduisit dans le cénacle du Crédit Lyonnais, il s’y fit brillamment
remarquer, puis confier aussitôt une mission de confiance. S’occuper
personnellement de cet homme d’affaires si populaire et si décrié qui s’appelait
Bernard Tapie. Lequel, depuis le rachat d’Adidas avec l’aide des fonds de la
maison, aiguisait les appétits voraces.
Pierre
rencontra donc le célèbre self-made-man un soir de juillet, à diner. Apres
quelques palabres de circonstance sur la santé du Groupe Tapie Finance, les
deux hommes en vinrent à aborder quelques sujets plus personnels. Et se découvrant
quelques points communs, sympathisèrent.
Un
mois et demi plus tard, Tapie et son épouse débarquèrent à Marrakech, invités
du couple Grondin, et demeurèrent un weekend prolongé. Pierre confia à son
nouvel ami ses soupçons. Méfie-toi de ces faux amis, lui signifia-t-il, ils
veulent te plumer, je le sens.
Mais
il se heurta à un mur. L’autre, tout à son optimisme conquérant, minimisait l’adversaire,
et voyait en Mitterrand, qu’il avait rencontré puis séduit en un tour de
passe-passe, un paravent infranchissable.
Sans
insister tout en le déplorant, Pierre renouvela sa mise en garde. Les vrais
amis ne sont pas là pour te dire forcément ce que tu as envie d’entendre,
Bernard, lui dit-il avant de regagner la chambre à coucher.
Il
avait en toute conscience posé un jalon.
Important.
Vers
la fin aout, à une semaine de l’issue de leurs congés, Suzanna reçut un appel
de l’assistante de Jacques Attali, lequel lui proposait de le rejoindre
quelques heures à Londres, en urgence. Elle sentit instinctivement la main du
Baron David de Rothschild, et accepta aussitôt.
Elle
le retrouva dans un salon VIP de l’aéroport Heathrow. Sur place pour visiter
des locaux pour la création de la BERD, celui qui allait devenir l’ancien
conseiller du Prince semblait radieux, et bien plus affable que de coutume.
Enfin
quitter le domaine de l’ombre pour se risquer à faire et donc peser sur les
choses, lui confia-t-il. Ce second septennat est un coup d’épée dans l’eau, le Président
a perdu la main, laisse Rocard à ses tablettes de Gribouille, et semble sur la scène
internationale perdre la main à force de ne pas prendre acte du monde tel qu’il
se redessine.
«
L’euro il a compris. Ce ne fut pas simple, et pas une partie de plaisir. Mais
vous verrez qu’il sera bien capable de nous organiser un référendum.
-
Ça
parait quand même le minimum !
-
Ce
serait prendre un risque majeur ! Les français ne peuvent être consultés
sur des sujets qui les dépassent, Suzanna. Rappelez-vous que la culture économique
de ce peuple est proche du zéro absolu, et que le pays regorge d’idéologues.
-
C’est
un sujet qui a à voir avec la souveraineté, donc avec le peuple !
-
Comment
une femme aussi élitiste que vous peut-elle se bercer à ce point d
illusions ? Les gens ont besoin de maitres, toute l’histoire de l’humanité
nous l’enseigne. Quand on les laisse à l’état libre, les citoyens redeviennent des
barbares.
-
Si
vous le dites, Jacques ! Vous savez, contrairement à vous, je ne suis pas
une intellectuelle. Juste une femme de pognon !
-
Je
vous verrais davantage comme une icône. Tragique, cela va sans dire ! ».
Elle
plongea son regard de chatte dans le sien et hésitante poursuivit.
«
Vous souhaitiez me voir de toute urgence ?
-
En
effet. Une mission un peu particulière. Mais avant, une recommandation. A
propos de votre argent …
-
Oui ?
-
Nous
sommes ici à quelques kilomètres du coffre-fort de ce monde …
-
La
City ?
-
Précisément.
-
Vous
me conseilleriez de … Fort bien ! Remerciez le Baron, Jacques, je suis
sensible à cette attention.
-
Vous
lisez entre les lignes.
-
Appelez
cela l’intuition féminine.
-
Il
vous porte un intérêt tout à fait particulier.
-
Pour
les implants … ?
-
Cela
a échappé à son contrôle. Nous avons peu de liens avec la branche réunionnaise.
Là-bas ils vivent un peu en autarcie. Avez-vous besoin Pierre et vous d’une
seconde opération, ne serait-ce que de contrôle ?
-
Nous
nous en passerons, cher ami. Mon époux et moi-même sommes parvenus à nous
familiariser avec ces petits corps étrangers. Je suppose que la méthode est
industrielle …
-
Disons
qu’elle se répand comme la poudre en certains cénacles !
-
Comme
la mode, au hasard ?
-
Cela
va de soi.
-
L’addiction
des mannequins aux drogues et au sexe …
-
C’est
lié, bien entendu. On est aux frontières du trans-humanisme avec certains.
-
J’ai
ça dans mon poulailler, je vois très bien de quoi vous parlez !, éclata-t-elle
de rire.
-
Venons-en
à cette mission ! Ce que je vais vous demander comme à une amie peut vous
choquer, je préfère vous prévenir !
-
N’ayez
crainte, Jacques, vous connaissez ma faculté à être parfois amorale !
-
Soit !,
fit-il en s’éclaircissant la voix. Certains, disons, clients et amis, des
personnages fort importants et souhaitant demeurer dans l’ombre, ont ici et
dans quelques autres capitales occidentales, quelques … disons besoins.
-
En
clair quelques gouts tout à fait particuliers.
-
Voilà !
Ne m’en demandez pas davantage, je ne suis en rien pratiquant de ces choses.
Simple courroie de transmission !
-
Que
vous me transmettez avec hâte !
-
En
clair …, hésita-t-il en rougissant soudain.
-
Vous
voulez, ou plutôt ces mystérieux hauts personnages auraient de temps à autre
besoin de chair fraiche !, murmura-t-elle en le fusillant d’un regard d’acier.
-
Je
… C’est que … Eh bien oui !
-
Combien ?
».
Le
mot avait claqué comme un coup de fouet.
«
Je répète – combien ?
-
Oh,
ça !
-
Je
ne fais pas ça pour rien ! Je fais, mais pas pour rien !
-
Vous
ne seriez donc pas opposée à … ? ».
Mais
il reçut en plein visage le verre d’eau qu’elle lui balança par-dessus la table
basse.
Génial , ça en dit trop et pas assez pour s'arrêter là . La suite ...
RépondreSupprimerJe suis en plein dedans ! Pour info ce qu il y a avant - les 4 premiers volumes de cette saga - sont sur le site thebookedition.com
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