J'écris comme je vis, c'est à dire intensément. Je n'écris jamais que quand c'est absolument nécessaire. J'écris pour jeter des ponts vers les autres. Je ne recherche aucune notoriété.
samedi 6 octobre 2018
Chefs d’oeuvre du 7ème art - Les oiseaux
Que représentent, que veulent ces oiseaux, ces espèces qui vivent sur terre au moins aussi longtemps que nous, que l’homme parfois chasse, mange et dont il utilise des plumes pour en parer des chapeaux, et qui subitement, sans raison, sans qu’aucune explication ne soit donnée par Alfred Hitchcock, se mettent à attaquer l’homme. Lequel, sur Bodega Bay, ile de Californie, vit comme une apocalypse sur fond de superstitions et de puritanisme.
La présence non pas des mais d’un oiseau, hormis le couple d’inséparables que Mélanie, l’héroïne du film, achète au tout début dans une animalerie, n’intervient d’ailleurs qu’après plus d’une demi heure de film. Laquelle demi-heure part sur un ton de comédie pure autour d’un personnage féminin de type enfant-roi, fille d’un magnat de la presse, vedette quelque peu scandaleuse de l’actualité des gazettes à ragots, et par ailleurs très jolie femme aussi froide que capricieuse, dominatrice et mythomane.
Très affirmée, Mélanie, jouée par Tippi Hedren dont Hitchcock était fou amoureux, lance l’intrigue sur un sous-entendu sexué. Son désir – offrir les inséparables à ce Mitch, seul personnage masculin du film, joué par Rod Taylor, un personnage phallocrate tout d’une pièce – correspond à la fois au désir qu’elle ressent envers lui et à sa capacité à être dans l’intrusion permanente. Le cadeau est en effet forcé, et donne lieu à ce qu’elle s’introduise sans y avoir été autorisée en la demeure ou il vit, chez sa propre mère, veuve de son état, à Bodega Bay.
Cette ile, puritaine au possible, est donc quelque peu envahie et déflorée par cette héroïne qui sur la barque à moteur la conduisant à quai va introduire le premier volatile, une mouette en l’occurrence, agressif. Qui sera suivi d’autres, tueurs ceux-ci.
Mélanie est donc ici vécue comme le vecteur du mal, celle qui importe l’attaque des oiseaux, laquelle attaque correspond à une conséquence de sa psyché. On peut parler ainsi d’expressionnisme métaphorique. Les oiseaux deviennent ainsi l’élément inconscient, incompréhensible et à double tranchant de l’intrusion de la cellule familiale par une femme aussi amorale qu’immature, symbolisant l’invasion des cieux sur terre comme celles des gens honnêtes par les êtres à scandale.
Accueillie au sein de la famille de Mitch, Mélanie se retrouve face à un essaim de femmes. La toute jeune sœur, Cathy, qu’elle connaît. La maitresse déçue mais aimante, Annie, dont la chevelure brune est comme le signe d’une personnalité radicalement inverse à la sienne – l’une est dans le désir et l’intrusion capricieuse, l’autre dans l’amour et le sacrifice de sa vie à l’être aimé.
Mais c’est surtout le personnage de la mère de Mitch qui va prédominer sur l’intrigue. Réticente à la nouvelle venue puis confrontée aux attaques sanglantes, Lydie Brenner est symboliquement la mère que Mélanie a perdu à l’age de onze ans, celle qui va lui révéler son manque en accueillant à la toute fin sur son épaule le visage bouleversé d’une héroïne qui vient de vivre dans une des scènes les plus stupéfiantes du film un authentique viol.
Cette séquence donna lieu lors du tournage à tout le sadisme dont Hitchcock fut capable envers cette actrice qu’il désirait et qui comme toutes les autres se refusa évidemment à lui. Le film alors lui offrit l’occasion d’une vengeance, non seulement au travers du personnage névrosé qu’il lui fit interpréter, mais aussi et surtout en la contraignant des jours durant à vivre l’assaut violent d’automates jetés sur elle et la blessant au visage jusqu’au sang.
S’attaquant à l’image de ce top model que fut Tippi Hedren, Hitchcock brise doublement la glace. Le personnage de Mélanie dès lors régresse en enfance, remonte au trauma et finit le film en état d’hébétement. L’actrice, quant à elle, aussi exténuée que révélée – Les oiseaux l’imposèrent dans le monde entier tout en la ficelant à Hitchcock, elle ne put à peu près après rebondir nulle part – finit déchirée, en sang, a nu. L’actrice fera l’année suivante à nouveau la une de l’œuvre suivante du maitre du suspens avec Pas de printemps pour Marnie, avec un second personnage régressif. On ne peut être plus clair …
A la romance entre Mitch et Mélanie annoncée par le début s’est donc substituée une série d’attaques gratuites, aussi horrifiques qu’absurdes, venant du ciel, comme l’expression du courroux d’un Dieu vengeur – métaphore du réalisateur … - ou d’une revanche de la nature contre une actrice qui en jouait trop. Ou les deux.
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