Les relations homosexuelles, nous dit Fassbinder en 1975 dans le
provocateur Droit du plus fort, sont régies
par exactement les mêmes règles que celles de la société, en l’occurrence la société
capitaliste allemande. Un dominé, un dominant, un manipulateur, un manipulé, un
gagnant et un perdant, un amoureux naïf et un cynique vampire et destructeur.
Franz donc, prolétaire et homosexuel, gagnant au loto, tombe amoureux,
tombe dans les rets, d’Eugen. Eugen – eugénisme … on est en Allemagne
trente ans seulement après la fin d’Hitler – va s’emparer de sa créature,
le séduire, le manipuler, lui mentir, le tromper, bref le tuer à petit feu. Il
lui fait signer un contrat avec sa propre entreprise, le pacte de Faust. A partir
de là, Franz, joue par Fassbinder lui-même, bouleversant, est perdu.
Mélodrame donc, mélodrame grinçant, provocateur, détesté par certains
bourgeois homosexuels. Fassbinder montre ce qu’on cache, les lieux de drague,
les pissotières, le tourisme sexuel, les saunas. Et bien entendu le gout pour l’argent, pour la
manipulation du plus faible par le plus fort. Celui qui prend, celui qui est
pris, le dupe, le dupeur. Rien de nouveau au soleil, les homos sont comme les
autres. Avec le cinéaste allemand pas de bluette, pas de bons sentiments, ou plutôt
si, de l’amour qu’on humilie et qu’on piétine, un
amour qui conduit à l’abattoir.
Chemin de croix. Franz, faible et fragile, subit, se soumet, ne se
rebelle jamais, jusqu’à la mort, la sienne, il dira banco à son égorgeur,
lequel le spoliera de tout. Affaires immobilières juteuses de l’après-guerre,
toujours chercher les morts, les cadavres, les qui se sont faits berner. Quelle
fortune constituée en ces années-là fut honnête …
Le plus fort a tous les droits, le plus faible aucun. Il crèvera, celui-là,
comme un chien, dans un endroit sordide, et tout le monde l’aura oublié.
Tragique, désespéré, désespérant, le monde tel que brossé par le meilleur cinéaste
allemand de sa génération, pour abject qu’il soit, est d’une véracité
confondante. Du pur Balzac, comme un nouveau Colonel Chabert ou un nouveau Père Goriot.
Clap de fin. Silence de mort.
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