Suzanne, l'adolescente à la fossette d'A nos amours, le superbe film de Maurice
Pialat, fut le premier vrai role de Sandrine. Elle n avait pas la majorité,
venait d'une banlieue populaire, avait accompagné une de ses soeurs – famille
de 11 enfants – au casting du film pour une figuration, et décrocha le role
vedette. Ou elle irradia de toute sa fraicheur grave et obtint le césar du
meilleur espoir.
César qu'elle remporta une seconde fois à l'age de
dix huit ans deux ans plus tard pour Sans
toit ni loi d'Agnes Varda dans le role d'une vagabonde sur les routes du
nord de la France. Ce fut celui de la meilleure actrice, jamais obtenu avant ou
depuis par une comédienne aussi jeune.
La carrière fut lancée, et les roles exigeants dans des films souvent d'auteurs
devinrent sa marque. Téchiné, Rivette, Doillon, Leconte, Sautet, Wargnier, Chabrol
et tant d'autres. Du cinéma parfois populaire parfois pas. Actrice bien
davantage que confidentielle, très tot aimée et respectée du public car femme épanouie,
sereine et douce, faisant parfois des téléfilms très suivis, et connue pour son engagement dans la
lutte contre l'autisme du fait d'une de ses soeurs, autiste elle-même, à qui elle consacra sa première mise en scène de cinéma, Elle s'appelait
Sabine.
Que ce soit dans Les
innocents de Téchiné, une tragédie grecque, Quelques jours avec moi
de Sautet, une comédie provinciale délicieusement ciselée, Monsieur Hire de Patrice Leconte, huis clos au suspens étouffant,
ou le superbe Est Ouest de Régis
Wargnier, surement son film le plus épique, Sandrine Bonnaire capte l'attention
sans prendre toute la lumière. Elle joue avec, suinte sa propre intériorité, affecte une interprétation
nuancée, en fait souvent peu et incarne juste. Dans Sous le soleil de Satan et La
cérémonie, ses deux meilleures interprétations, ce qu'elle donne flanque le
vertige. Dans le premier dans le role de Mouchette, elle incarne le péché qui
se saisit d'une créature qui se débat avec ses démons. Dans le second, bonniche
analphabète enfermée en elle-même, à la limite de l'autisme, elle effraie et finit
avec sa partenaire à faire un bain de sang. Bouillonnante puis glaciale, et les
deux fois aussi monstrueuse que désespérément humaine. Du grand art pour une
femme dans la vie si naturelle, si simple et si quotidienne.
Sandrine n'a pas la prétention d'être une star, elle est une comédienne parmi d'autres
et pas comme les autres. Pour moi qui la suis depuis nos adolescences respectives
et qui ai assisté à son épanouissement en tant que femme et comme comédienne,
elle correspond à une soeur un peu plus jeune, très proche, et un rien distante, qui ne se prête guère au jeu des sunlights. Et qui sut une fois faire déverser sur le
trottoir des locaux du magazine Voici des tombereaux de purin. Le genre de
geste incroyablement culotté qui me fait respecter à jamais son auteur.
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