Ces sombres jours de mai, ma chère Yvonne, ou sous nos yeux le pouvoir s’est de l’intérieur
délité,
ou dans les rues de Paris une jeunesse manipulée s’élancait contre des forces de l’ordre parfois effrayées du tournant que prenaient les choses. Depuis notre
chambre du palais de l’Elysée,
nous entendions, tard dans la nuit, résonner les bruits des échaufourées, ni vous ni moi ne trouvions le sommeil, nous étions comme tétanisés, nous souvenant de la Place de la Concorde en
1945, de la descente des Champs Elysées,
de tous ces moments de paix, de liesse et de gloire. Et là, quasiment sous nos yeux, la chienlit, l’insurrection, la révolte, les pavés, les voitures en feu, la moitié du
pays qui se révolte contre l’autre, quoique la moitié, non bien sur, bien moins, mais si violente, si
extrémiste, si dechainée …
J’ai vu à
l’exception de Pompidou chacun faire ses valises, le
pouvoir désertait, les ministres prenaient peur, se confondaient
avec les courants d’air, peur d’une résurgence
de la guillotine, peur de n’importe quoi. Des pleutres qui n’avaient jamais rien connu que les ors des palais de
la république, et qui craignaient pour leur vie, comme si
c’était ca le sujet, la France, manipulée par l’agence des américains, se disloquait de l’intérieur,
et eux, eux les tenants du pouvoir, comme en 1940, quittaient un à un le navire.
Je vis, ce fut la première et la dernière fois de ma vie, l’échec, le terrassement, à bout de lorgnette, cette possibilité criante d’un renversement de tous les’ordres, l’arrivée
d’un chaos orchestré depuis l’étranger, la France qui tombe, s’écroule, la statue du commandeur qui sonnée met un pied à terre puis choit de son socle et se brise en mille morceaux. Je me
suis vu moi, De Gaulle, choire, tomber, et ne plus me relever. Je me suis vu, en
cette sombre nuit, vieux, presque mourant, desarmé, sans ressort et abandonné.
Alors je suis parti. Avec vous, sans rien dire à personne. Nous sommes partis à Baden Baden trouver du souffle et de la hauteur, j’étais tombé,
je devais, la France devait se relever. Ce fut Massu, le fidèle Massu, qui nous ouvrit sa porte, et comprenant
mon immense désarroi, il me sermonna. Il me sermonna, ce fut le
seul dans ma vie qui le fit, et je l’acceptai, ses mots durs et tranchants, il me fallait
les entendre et je les fis miens, après quelques heures le vieil homme fourbu remonta sur
son cheval et repartit sabre en l’air au champ de bataille. Non De Gaulle ne pouvait
laisser cela se faire sans faire un coup d’éclat, un de plus, la botte secrète du militaire, la carte sortie à la surprise générale, cette disparition, je le compris, était une chance, il y eut un trou d’air, un manque, une peur nationale, la perte du père, la perte de tous les repères des francais, des vrais francais.
Et ceux-ci, à mon retour, m’acclamèrent et par centaines de milliers sortirent de chez
eux et une seconde fois, plus de vingt ans après la libération,
envahirent les Champs Elysées.
Ce fut l’appel du peuple, celui de France, l’appel des profondeurs, l’écho, un écho
immense et majestueux, et je l’entendis et à nouveau me sentis à
la place qui est mienne, celle d’une incarnation nationale, au-dessus-de la melée, au-dessus-des partis, de tous ces politicards de
pacotille, ce pauvre Mitterrand, totalement dépassé
par les évènements, ratant son putsch grotesque, un débutant, un bleu que celui-là qui me mit en ballotage. Ah ca ce fut une résurrection, une résurgence, un retour aux sources. Et je pus ainsi dissoudre
l’assemblée,
me séparer de Pompidou le fourbe, et m’offrir pour un an encore un peu de tranquilité.
Les diables, ce Cohn Bendit commandité par qui on sait, cet allemand infiltré, je le fis expulser, et pour quelques années, avant que les mêmes intérêts manigancent pour le faire revenir au bercail, sur
ce sol qu’il macula, lui et les siens. Oui ma chère Yvonne, relisons ensemble Dostoievski, relisons
Les possédés,
tout y est dit sur le véritable
visage de ces révolutionnaires apatrides, pire que la chienlit, la
racine du mal, le culte de l’orgueuil, la dégénérescence
des moeurs. Ah, qu’on ne dise
point que je sois vieux-jeu, on ne peut dignement défendre l’indéfendable
mais le combattre ardemment, et le chasser, oui, le chasser telle une lèpre.
Je devins, j’étais devenu, je le savais, en souffrais parfois,
mais sans jamais me renier, quelque peu en décallage avec la permissivité ambiante, ces femmes soudain nues exhibant ce qu’elles nomment leurs charmes et exigeant de nouveaux
droits, comme si moi, De Gaulle, les avait jamais confinées aux fourneaux. Des droits oui Mesdames, mais des
devoirs, des devoirs aussi, être francaise
c’est cela, c’est être digne, élégante, dévouée, discrète, peu dispendieuse. Comme vous, ma chère Yvonne.
Ah que votre présence apaisante, ah que vos remarques parfois rèches soulagent le vieux chêne. Vous futes et demeurerez jusqu’à mon dernier souffle le suc de ma vie. Et je vous en
remercie.
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