Je
suis devenu le premier Président de cette Cinquième République dont j'ai moi-même rédigé la Constitution. Une
République a-t-on dit écrite à mon image et pour moi-même,
alors que je ne faisais en l'occurrence qu’incarner,
j'espérais être le
premier d'une suite de grands
hommes, la nation. Les quatre républiques précédentes avaient vu le triomphe
des partis et des combinaisons au détriment de tous, je voulais y mettre un
terme en posant au sommet de l'édifice un homme
choisi par le peuple et doté d'un exécutif fort. L'exécutif c'est la tête, comment un corps national
peut-il avancer droit s'il est dépourvu de tête
… Ainsi les quatre précédentes échouèrent toutes, la troisième sur Vichy et la dernière
sur l'Algérie.
Je
fus sans doute candide, à compter de mon
successeur l'édifice commença à s'écrouler
sur lui-même, les nouvelles têtes ayant été annexées une à une par des puissances qui n'avaient rien de national. Mais je
maintiens que l'édifice en tant que
tel, c'est-à-dire en soi, était le bon, tout du moins
à mon époque, car je
ne puis en tant qu’homme et donc limité par essence, que penser par rapport à elle seule.
Je
fus donc à la tête de l'Etat onze années
durant, et fus la voie et la voix de la France. Il était en quelque sorte
logique, tout du moins cohérent, que ce fut son libérateur du joug allemand qui
tienne les rennes, que je tins fermement tout en respectant les autres pouvoirs
ainsi que mes premiers ministres. Lesquels purent exercer leur magistère les
mains libres, avec la feuille de route que je leur avais confiée. Je les
laissais choisir leurs ministres tout en en imposant certains, Malraux par
exemple j'y tenais. Je fis avec
l'existant, c'est-à-dire
que je dus et c'est tout à fait inévitable composer. Il y eut
donc l'homme de Rothschild,
celui qui fait la politique à la corbeille pour
ses amis les coquins. On ne peut faire sans le capital, simplement lui tenir
parfois la bride, la lâcher, la tirer, bref, ne pas exciter la bête de peut de
tuer le pays.
Venir
à échéances régulières
devant la presse m'apparut le meilleur
moyen de permettre aux français de connaître le cap. Je ne considérais pas ma
tache comme un magistère libre de tout contrôle bien au contraire, je leur
devais des comptes et m'y appliquai lors de
ces exercices auxquels j'apportai une préparation
pointilleuse, au mot et à l'intonation près. Cela n'avait rien d'un exercice de style mais style il y
eut bien, car nous sommes en France. Je leur parlai donc à échéance régulière afin de leur dire, nous
sommes ici, nous allons par là,
nous avons réussi ceci, nous allons réussir cela.
L'élection au suffrage universel, j'y tenais. Contourner les représentants,
aller directement à l'électeur, et me concernant, ne pas
faire campagne, ne pas faire comme ces Lecanuet et Mitterrand qui alignaient
les promesses. Les français me connaissaient, qu’aurais-je eu à leur dire sinon
ce que je leur disais depuis 1958. J'aurais
espéré un premier tour victorieux, la barre des 50% dépassée, non comme je l'entendis parce que De Gaulle voulait un
plébiscite, mais parce qu’en tant qu’incarnation je voulais un rassemblement
large autour de ma personne sans avoir à
faire campagne.
La
fonction, vous le savez ma chère Yvonne, implique un emploi du temps laissant
peu de marge aux distractions, et sans m'y
tuer je m'y adonnai avec
énergie et constance. Les temps de paix sont tout sauf reposants car les
esprits se lâchent, il faut donc en tout temps veiller aux grands équilibres et
ne pas se laisser détourner de sa voie. Car autour rodent les vautours.
Je
partis sur un refus, j'avais dit avant que
je ne resterais point en cas de désaveu. Je fus le premier et le dernier à agir
ainsi, et j'en suis fier. Ce
mandat n'est pas un du mais un
don de soi, que ceux qui l'ont donné peuvent a
tout moment reprendre. Ainsi, ma chère Yvonne, conçois-je l'exercice du pouvoir.
Bonjour Christophe
RépondreSupprimerCes dialogues méritent d être lus et relus.Très bons je trouve,empreints de nostalgie.
Bientôt,à l image des Mémoires d Hadrien de Marguerite Yourcenar,
Les Dialogues du Grand Charles
par Christophe Cros Houplon?
À lire absolument en tel cas!
Vous a t'on dit que vous pourriez être écrivain?
Nan,je vous taquine.J aurais fait le coup à Balzac à Hugo ou à Céline et d autres si je les avais connus,c est une blague que Tristan Bernard n aurait pas forcément désavouée je crois
À macron j aurais pu dire:vous a t'on dit que vous pourriez devenir un beau fumier?
Mais après sauve qui peut parce qu'avec la légion des ténèbres à la Benalla qui pollue notre pays on va bientôt redresser le pal le carcan et la roue en place publique,"comme au bon vieux temps" diraient ces misérables.
LOUIS