En
pleine Occupation, Robert Klein, marchand d’art de son état, rachète à bas prix
des tableaux de maîtres à des Juifs qui tentent de fuir le territoire. Vivant
dans le luxe de ceux qui ne s’inquiètent pas de la situation politique, il
découvre un matin sur le pas de sa porte un journal d’informations destinés aux
marqués de l’étoile jaune : Robert Klein se découvre un homonyme qui semble
vouloir troubler son ataraxie. Il tente de le rencontrer, le poursuit sans
parvenir à le croiser alors que la police et le Commissariat Général aux
questions juives se penche sur son cas.
Nous
sommes en 1942. Le film s’ouvre sur une scène d’une femme face à un médecin
devant diagnostiquer son degré de judéité. La femme tache de cacher ses seins,
de se refuser au regard froid et clinique qui, tout en prétendant définir
scientifiquement son identité, la nie.
Cinéaste
de l’intranquillité en action, Joseph Losey – The servant, Le messager
… - traite, sous la période kafkaïenne de l’occupation allemande, de la
question de la quête identitaire d’un être jusqu’alors insensible et au monde
et aux autres. Cette confusion nominale qui donne au personnage clef le désir
de prouver dans la première partie du film qu’il n’est pas ce Robert Klein juif
dont on veut affubler mais un autre va le conduire à une progressive prise de
conscience à la fois du regard de l’autre et de sa place – ou sa non place –
dans le tout.
L’homme
transformé en insecte par Kafka dans La métamorphose
s’incarne ici admirablement en cet individu socialement intégré qui va perdre
une à une ses fausses peaux et finir sinon par s’identifier à un autre lui-même
mais accepter la confusion. Pour mieux se con-naitre et donc renaitre à lui-même.
La
quête – sartrienne – existentielle de ce quidam en recherche d’essence va progressivement
se faire sous une forme de plus en plus épurée, comme détachée du temps en dépit
d’une séquence de reconstitution de la Rafle du Vel D’Hiv volontairement placée
en hiver – alors qu’elle eut lieu en été. Avec des échappées vers des familles
d’ancien régime, incarnées par une fantomatique Jeanne Moreau.
L’admirable
impassibilité du visage et du jeu d’Alain Delon, ici dans l’un de ses deux ou
trois plus grands rôles, traduit le questionnement et l’énigme. Qui suis-je qu’ai-je
donc pu bien vivre … Le film s’achèvera sur une question sans réponse.
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