Ce Mon Oncle, Monsieur Hulot, le génial
Jacques Tati, le Chaplin français, celui de Jour de Fête et des Vacances
de Monsieur Hulot, celui de l'avant
guerre, ce facteur gaffeur des années 30, ce grand escogriffe de l'après guerre, celui qui est demeuré
dans son petit village sentant bon la France avec son clocher, le voilà par une
invitation en famille précipité dans le monde de la France moderne, des
voitures à pots d'échappement, des
maisons témoins à mille gadgets, des ordinateurs première génération, des
entreprises à la Renault en béton, des talons aiguilles dont les échos sur le
faux marbre font sourire, des fontaines à eau grotesques avec un poisson de
ferraille qui crache péniblement ses jets, des portails électriques qui s'ouvrent en quelques grincements. Bref,
le voilà qui pénètre un monde fou peuplé par des ânes qui se croient modernes
et vivent et travaillent dans des décors à la Metropolis débilitants.
Cette comédie, drolissime,
n'en est une qu’en
apparence. Car le portraitiste qu’est Jacques Tati est un témoin au regard acéré
sur les absurdités de cette société moderne inhumaine construite par l'homme pour lui-même. Remplie de
gadgetisation technique, la maison est un décor invivable et la maitresse de
maison est l'esclave de cette
tuyauterie qui sans cesse dysfonctionne telle une machine à gags ubuesques. L'on ne cesse de rire et de se gausser
devant tant d'absurde, absurde que
ce Blake Edwards français – The Party
– poussera à son extrême limite dans Play
Time, faisant durer l'absurdité se détruisant
de l'intérieur jusqu’à l'extrême – la scène cultissime de l'ouverture du restaurant.
Mon oncle, œuvre d'un clown poète qui en cet univers se dévorant
lui-même et ses habitants se pare du nez de Bozo et fait rire - au delà-de son
neveu qu’il parvient à faire un peu échapper à ce monde concentrationnaire qui
est celui de ses parents - nous-mêmes, oui nous, spectateurs et acteurs de ce
monde qui nous est imposé. Consommateurs et producteurs sont ici moqués,
gentiment mais avec fermeté. Douceur aussi car Tati demeure un candide perdu
parmi les fats, chevauchant sa vieille bicyclette brinquebalante et traversant
les campagnes, comme dans Jour de Fête
…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire