«
Attend encore un peu, le méchant
homme noir viendra avec sa petite hache, il fera du hachis de toi… Tu es dehors
! »
Telle
est la contine qui ouvre M le Maudit. Une ronde d’enfants vue d’en haut. Surplombée
par un second cercle, les gens au balcon, au-dessus des enfants et écoutant la
contine. Avec une mère qui dit à ses enfants de ne surtout pas écouter cela, vu
qu’un tueur d’enfants rode dans la ville.
Lequel
second cercle – mouvement de caméra en zoom arrière – est lui-aussi surplombé –
recouvert – par la silhouette du tueur qui observe la scène et domine complètement
le champ de vision.
Apres
pareille ouverture, difficile tant l’expressionnisme de Fritz Lang est fort en
symboles, de ne pas deviner ce qui va advenir de la fillette chantant la
contine.
M
donc – le criminel, l’a-normal, le tueur d’enfants - est un malade, livré à ses
pulsions de mort dans une ville ou dès que le soir tombe le mal est à l’œuvre.
LE mal ou plutôt LES maux. Car M le
maudit, ce n’est pas le portrait d’un criminel mais davantage celui d’une société,
la République de Weimer, prête à se livrer deux ans plus tard au national
socialisme – le film date de 1931 –, totalement folle et criminelle et qui s’est
organisée en tribunaux de justice expéditive et en réunions de malfrats.
Les
crimes de M sont bel et bien là pour – comme dans l’intrigue de ce Peer Gynt que siffle le criminel avant
l’assaut sur sa proie – révéler le caractère chancelant du corps social. Le
visage de l’acteur Peter Lorre traduit la peur, l’effroi, comme le ferait une
victime. Victime de lui-même, de ses pulsions, des autres et de l’époque.
Cette
mise en accusation de tout un peuple non seulement fait sens au regard des évènements
historiques en cours, mais frappe par sa dimension prophétique. Toute l’Allemagne
est comme gangrenée nous souffle Lang, elle se cherche et trouve un bouc-émissaire,
lequel dévoile sa sauvagerie et – comme dans Fury en 1936, son 1er film hollywoodien – sa folie
criminelle à se faire justice par elle-même.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire