mardi 15 mai 2018

Chefs d’oeuvre du 7ème art - M le maudit




« Attend encore un peu, le méchant homme noir viendra avec sa petite hache, il fera du hachis de toi… Tu es dehors ! »

Telle est la contine qui ouvre M le Maudit. Une ronde d’enfants vue d’en haut. Surplombée par un second cercle, les gens au balcon, au-dessus des enfants et écoutant la contine. Avec une mère qui dit à ses enfants de ne surtout pas écouter cela, vu qu’un tueur d’enfants rode dans la ville.

Lequel second cercle – mouvement de caméra en zoom arrière – est lui-aussi surplombé – recouvert – par la silhouette du tueur qui observe la scène et domine complètement le champ de vision.

Apres pareille ouverture, difficile tant l’expressionnisme de Fritz Lang est fort en symboles, de ne pas deviner ce qui va advenir de la fillette chantant la contine.

M donc – le criminel, l’a-normal, le tueur d’enfants - est un malade, livré à ses pulsions de mort dans une ville ou dès que le soir tombe le mal est à l’œuvre. LE mal ou plutôt LES maux. Car M le maudit, ce n’est pas le portrait d’un criminel mais davantage celui d’une société, la République de Weimer, prête à se livrer deux ans plus tard au national socialisme – le film date de 1931 –, totalement folle et criminelle et qui s’est organisée en tribunaux de justice expéditive et en réunions de malfrats.

Les crimes de M sont bel et bien là pour – comme dans l’intrigue de ce Peer Gynt que siffle le criminel avant l’assaut sur sa proie – révéler le caractère chancelant du corps social. Le visage de l’acteur Peter Lorre traduit la peur, l’effroi, comme le ferait une victime. Victime de lui-même, de ses pulsions, des autres et de l’époque.

Cette mise en accusation de tout un peuple non seulement fait sens au regard des évènements historiques en cours, mais frappe par sa dimension prophétique. Toute l’Allemagne est comme gangrenée nous souffle Lang, elle se cherche et trouve un bouc-émissaire, lequel dévoile sa sauvagerie et – comme dans Fury en 1936, son 1er film hollywoodien – sa folie criminelle à se faire justice par elle-même.


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