Elle a fui sa famille,
son père, son nom, lequel est lourd. Hugo, l'écrivain
exilé à Guernesey. Amoureuse éperdue du Lieutenant Pinson, Adèle s enfuit à sa
recherche, le débusque sur une ile anglaise, se refugie dans une pension, sous
un faux nom. Son identité lui pèse, elle veut retrouver ce qu’elle a perdu, l'innocence, l'amour, car elle fut éconduite mais
semble incapable de faire autre chose que ce que produit son père, réécrire l'histoire, la sienne, l'Histoire d'Adèle H, un H muet qui ne dit son nom, réécrire
sa vie et en faire un roman.
La réalité la
rattrape de nuit lors d'un sommeil peuplé de
cauchemars de noyades, elle suffoque et se débat contre ses fantômes. De jour
elle fonce tete baissée acheter du papier et telle une furie passionnée, écrit,
écrit, écrit encore, vite, comme si la vie allait manquer, cet amour passion
qui se défie du réel semble la consumer de jour en jour.
Lorsque l'incarnation – vide, presque vulgaire –
de cet amour vertige tendant vers la mort et la folie entre dans la pièce, face
à son refus répété, elle passe des mots d'amour
aux cris de haine, aux menaces, puis aux larmes. Adèle – Isabelle Adjani, vingt
ans à peine, sublime, son premier très grand rôle – s'en va alors lentement tel une barque
abandonnée sombrer, fuir, se fuir, errer telle une morte, une silhouette
titubant entre vie et mort, errant le long de la jetée, visage brisé, cœur en
loques et regard de folle.
Le superbe film de
François Truffaut nous entraine sur des rives qu’il connaît pour les avoir
expérimentées lui-même plus d'une fois, lui, l'homme qui aimait les femmes à en mourir
d'amour s'identifie à cette héroïne désespérée
qui ose affirmer que ses désirs les plus fous et les plus beaux ont davantage
de poids qu’une triviale réalité, fut-elle associée à un nom légendaire, celui
de ce père absent dont Adèle ne répond plus aux missives.
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