dimanche 15 avril 2018

Chefs d’oeuvre du 7ème art - Le mariage de Maria Braun



Durant la Seconde Guerre mondiale. Maria et Hermann se marient, puis se séparent : Hermann repart au front. Maria trouve du travail dans un bar réservé aux Américains. Elle rencontre Bill, un soldat noir dont elle attend bientôt un enfant. Un soir, Hermann réapparaît. Une bagarre l'oppose à Bill, que Maria tue d'un violent coup à la tête. Hermann s'accuse du crime. Une lourde peine de prison le récompense de son abnégation. Maria jure de l'attendre. Mais, embauchée par un riche industriel, elle devient rapidement sa maîtresse et se voit proposer un étrange marché. Si elle loue son corps à son patron, jusqu'à sa mort, elle héritera de la moitié de sa fortune, et Hermann de l'autre...

Premier volet d’un triptyque – suivi par Lili Marleen puis Lola une femme allemande -, ce Mariage de Maria Braun suit au travers du parcours d’une femme ambitieuse – interprétée par la charismatique Hanna Schygulla, muse du cinéaste - la période Adenauer de l’après guerre dite de reconstruction de l’Allemagne, entre démilitarisation, miracle économique et abandon à l’américanisation. Il s’agit pour cette pionnière de toujours avoir l initiative et donc d agir en entrepreneuse mue par l’ambition de réussite.

Effaçant sa participation à un crime attribué à son époux seul – elle a donc du sang sur les mains et parvient à l’effacer ! -, Maria incarne donc un lien entre nazisme d’hier et capitalisme du jour, et sait comme personne à compter des décombres effacer ce qui gène et glisser tout cela sous le tapis. Seuls le présent et l’avenir et la reconquête comptent à ses yeux, les hommes, son mari, son patron et amant, sont ses attributs, elle les manipule à dessein pour servir ses intérêts avec brio. Sous prétexte de reconstruction elle se sert elle avant tout


L’on comprend que le génial Fassbinder en fait le symbole et la figure d’une Allemagne désirant l’amnésie et l’oubli de ses crimes afin de se relever victorieuse – le film s’achèvera sur la victoire à la Coupe du Monde de Football de l’Allemagne de l’Ouest. On comprend également la collision d’intérêts entre le supposé seul vainqueur du conflit mondial selon les théories de l’ouest en vogue pendant la guerre froide et son allié affidé autrefois ennemi supposé. L’argent domine et donc excuse tout, il permet l’absolue absence de culpabilité, il implique d’avancer coute que coute, de gagner, de gagner de l’argent, de reconstruire une industrie, de faire des affaires encore et toujours plus et de construire ces Land qui aujourd’hui dans l’Europe de 2018 dominent tout.

D’un totalitarisme l’autre, tel est le message à peine voilé d’un cinéaste posant sur pellicule le véritable roman tragique et cynique de cette bonne société qu’il exécrait, celle des bourgeois d’affaires teutons avides et égoïstes qui ont du sang sur les mains et qui tels Maria Braun s’en sortent toujours avec les honneurs. Hier sympathisants nazis et aujourd’hui capitalistes richissimes, ils tiennent et tiendront toujours les rennes de part le consentement des masses.

L’Allemagne de l Ouest demeure, sous ses dehors policés, un pays dominé par des forces destructrices acteur d’inégalités et d’arrangements avec l’Histoire en tous genres. La capacité avec laquelle Maria occupe l’espace, joue à la perfection une nouvelle partition, se compromet avec l’éthique, utilise maquillages, séductions et mensonges pour mieux se pousser des coudes transcrit avec force la réalité intrinsèque d’un monde gangrené par le mal. Un mal sournois.

Qu’une dérisoire explosion finale, tel un pied de nez du destin, viendra interrompre.


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