Une
petite ville française est frappée d'une maladie contagieuse. Des lettres
anonymes accusent le docteur Germain d'être l'amant de Laura, la femme de l'un
de ses collègues, le docteur Vorzet. Les lettres portent la signature,
énigmatique, du «Corbeau». Les premiers soupçons des principaux concernés se
portent sur Denise, la fille de l'instituteur chez qui loge Germain, puis sur
une jeune perverse, Rolande, et enfin sur Marie Corbin, l'assistante de Vorzet.
Bientôt, pourtant, le «Corbeau» désigne tous les notables à la vindicte
publique. Qui est-il ? L'enquête de la préfecture ne parvient pas à le
démasquer...
Tourné
en pleine occupation à la Continental sous égide allemande, Le Corbeau
part d'un fait divers corrézien
et situe son action en 1922 pour mieux parler … de la France délatrice de son époque.
Fort critiqué de toutes parts – Vichy le vouait aux gémonies ! -, le film
sera mystérieusement interdit … à la libération, Clouzot interdit de tournage
pendant deux ans et ses deux principaux interprètes, Pierre Fresnay et Ginette
Leclerc, feront quelques jours en prison pour collaboration avec l'ennemi.
Cet
authentique brulot s'ouvre sur l'enterrement d'un nouveau né au cimetière, puis le
plan plonge sur l'église, avant de se
fixer au centre névralgique de l'intrigue,
dans cet hôpital ou l'on ne soigne presque
personne et ou l'on remplace la
morphine d'un malade par de l'eau pour mieux lui dérober … sa drogue.
Le mal s'est incurvé dans ce petit
village au moyen d'une lettre, la lettre
d'un corbeau, un
corbeau qui n'appelle point justice
mais vengeance et se donne pour mission
de mettre en lumière l'ombre de
tout-un-chacun.
Dans
ce film d une noirceur extrême, personne n'est
innocent, tout le monde possède sa part d'ombre
et celle-ci pousse les villageois a tremper dans le bain glauque c'est-à-dire sur fond de culpabilité à accuser
son voisin, à révéler ses petits arrangements avec la vérité, à dénoncer
anonymement. Les découvertes des missives du corbeau créent à la fois peur et désir
de savoir, le voyeurisme est lâche et les loups sont lâchés dans la bergerie.
C'est au travers d'un microcosme ou une ampoule jetée lors
d'une scène mémorable d'un personnage sur l'autre dans l'obscurité – ampoule lumière qui brule
et qui ainsi balancée déplace de l'ombre
– que nait en filigranes le portrait cynique d'un pays de collabos prêts à vendre son
prochain. Le jeu malsain n'en finit pas de
déplacer la culpabilité tel un pion sur un échiquier lors d'un jeu auquel chacun veut
participer. Les lettres anonymes
balancent tout, drogue, adultère, avortement. La misanthropie célèbre du
cinéaste des Diaboliques trouve ici son apogée, l'ame humaine n'est que noirceurs et coupables abandons
par en-dessous, la loi du nombre prévaut et permet à tout un chacun de maculer
toute éthique sous couvert de jeu de société.
L'on comprendra que ni le régime du
Travail Famille Patrie ni les résistants ne trouvèrent gout à ce vitriol balancé
à la face du peuple français et payé par les fonds allemands en pleine
occupation. Clouzot sera provisoirement accusé de tous les maux dont celui de
traitrise, avant de voir au fil des ans ce pur chef d'œuvre réhabilité et reconnu comme tel.
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