Mickey
dirige un gang redoutable qui multiplie les hold-up. Après l'attaque d'une
banque dans l'Est de la France, Mickey prend un train et se lie d'amitié avec
un prince hongrois en exil, Léon, tout juste échappé d'un asile psychiatrique.
Il lui présente Marie, une prostituée dont il est épris. Léon comprend bientôt
que Mickey cherche, grâce aux charmes de Marie, à retrouver, un à un, les
quatre frères Venin, qui, jadis, firent périr sa mère d'une horrible façon. De
son côté, Marie poursuit également une sombre vengeance. Tandis que Mickey
confie la jeune femme à Léon, celle-ci disparaît, et le prince hongrois doit se
précipiter à sa recherche...
L'amour
braque ou l'amour
chien enragé …. Cette sulfureuse transposition de l'Idiot de Dostoievski dans un Paris corrompu fit lors de sa sortie
le lit de mort ou presque de son auteur. Tout juste auréolé d'un succes
publique inattendu avec La femme
publique, le grand et décrié cinéaste polonais Andrzej Zulawski obtint dans
la foulée sans mal un chèque en blanc du producteur Alain Sarde pour tourner ce qui fut son
seul et unique film à
budget important.
Initialement prévu pour Isabelle Adjani, laquelle
acepta le film avant de se récuser, le role de Marie, la prostituée des quatre
frères Venin fut finalement proposé à la toute jeune Sophie Marceau, à peine sortie des deux Boum et de Fort Saganne.
Et changea sa carrière comme sa
vie – elle épousa Zulawski et tourna avec lui trois autres films, dont La fidélité, son meilleur role.
L'amour
braque c'est peu
dire fut un four critique et public. Le genre de films qui fait claquer les
fauteuils et largue au bout d'un quart d'heure neuf spectateurs sur dix. Ce qui
n'est nullement signe d'une absence de qualité, simplement d'un malentendu. Ce
brulot hystérique est fait pour un public de happy fews dont je fais partie
bien que n'ayant marché qu'à la seconde vision. Il est tellement excessif, tellement sans concession
pour son spectateur qu'il faut et pas qu'un peu s'accrocher ne serait-ce que
pour comprendre des dialogues souvent hurlés. Une fois l'effet de surprise ou d'agacement
dispersé, ce film vénéneux devient alors une magnifique plongée dans les
enfers. Et effectivement une traduction assez fidèle de l'esprit du roman initial.
Donc Léon – Francis Huster, totalement allumé – arrive
sur Paris et est laché dans un jeu de chiens fous, d'ou surnage cette jeune et
belle Marie, dont autrefois la mère, elle aussi prostituée des quatre nantis abjects, fut assassinée
par ses bourreaux. Dont il tombe amoureux éperdument. Sauf qu'elle est enlevée
– achetée - et promise à ce voyou de
Mickey – sorte d'importation dégénérée de la voyoucratie à la sauce Disney. Disney par ailleurs directement
pointé du doigt et ce dès la 1ere scène du cambriolage de la banque, avec ces masques de
Donald ou Pluto des rapteurs. La société francaise, le Paris du tout fric, c'est
Disney, c'est les States, c'est devenu une ville sans ame livrée aux chacals,
aux malfrats, aux violeurs et aux maquereaux.
Dans laquelle cette toute jeune femme inapte à ressentir autre chose que l'envie de se venger
patauge. Avec à ses basques deux hommes, deux contraires, le prince
hongrois idiot déchu et ce malfrat inculte et violent comme un chien fou – Tchéky
Karyo, déchainé.
Ecartelée entre ces deux hommes, Marie se retient de
sombrer et les entraine l'un comme l'autre dans sa folle cavale de vengeance
contre les quatre Venin qui un à un vont tomber.
Folie des hommes livrés au mal et à la corruption, soif de revanche, impossibilité d'aimer
…
Jusqu'à interprêter le temps d'une scène, sur scène donc, cette Mouette de
Tchechov. Marie dès lors recrée sur scène dans les cris, les larmes et les suffocations
cette douleur inconnue de la simple comédienne mimant la désepérance qu'il y a à être vissée sur terre sans pouvoir jamais s'envoler.
La toute jeune Sophie Marceau, lachant toutes les
amarres, se transforme littéralement sous nos yeux et sous la direction de son
sulfureux Pygmalion, non seulement en actrice mais en femme. L'apprentissage,
celui de son personnage mais aussi et surtout le sien, est violent,
particulierement extrême, il s'apparente
presque à un viol consenti, la petite fiancée des francais, la
gentille Vic, tout ca dans L'amour
braque vole en éclats, la comédienne hurle, gemit, se dénude, crache du
sang, attente physiquement le prince hongrois, l'humilie, puis s'enfuit et s'évanouit
dans les ordures sur un trottoir de Barbès.
Le chemin de croix du trio en perdition dans un
Paris transfiguré, presque meconnaissable, filmé caméra à l'épaule, inclut parfois quelques rares scènes presque silencieuses, ou chacun contemple un
horizon bouché. A toute allure le cinéaste nous précipite de scène et scène au coeur d un gouffre, jusqu'à extraire en super huit l'atroce scène du meurtre de la mere, incendiée littéralement
sous les yeux de sa fillette.
Zulawski, moraliste désabusé de l'état apocapytique
du monde occidental, regarde les cieux et les interroge. Qu'y a t-il ici-bas d'humain
en ces carnages abjects, en ces coups, en ces crimes. Que puis-je moi y faire
sinon extraire la glaise et lancer mes personnages tels des bolides dans le
fumier qu'ils ont créé et qui les entoure. Les observer maculer l'innocence
faute de pourvoir jamais la retrouver …
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