samedi 14 avril 2018

Chefs d’oeuvre du 7ème art - La mort en direct



Vincent Ferriman, directeur d'une chaîne de télévision, est fier de son émission «La Mort en direct» qui connaît un franc succès. Roddy, le réalisateur, lui prête main-forte en filmant tout ce qu'il voit grâce à la caméra miniaturisée implantée dans son cerveau. L'émission se centre bientôt sur Katherine Mortenhoe, une femme à qui la maladie ne laisse plus que quelques semaines à vivre et qui a accepté d'être la vedette de l'émission de Ferriman. Elle devient vite célèbre mais ne le supporte pas et se dérobe. Roddy parvient à retrouver sa trace et ne tarde pas à s'attacher profondément à elle...

20 ans avant l'apparition de la téléréalité et trois ans avant Le prix du danger d'Yves Boisset, Bertrand Tavernier nous emmene à Glasgow – filmée comme une ville fantomatique – dans un monde futuriste ou, la mort ayant été éradiquée, la télévision la réintroduit au travers d'une immense manipulation a des fins d'audience. Empoisonner donc une femme, belle et bonne comme le jour, et filmer avidement son agonie, et le faire faire via la technologie en implantant une caméra dans le regard d'un homme.

Tuer le regard donc et lui substituer un œil froid qui enregistre les derniers soubresauts d'une créature empoisonnée. Tout ca pour des recettes publicitaires et de l'émotion non pas fabriquée mais volée. Car celle que cette chaine amorale promet à la mort, sa vie, ses derniers instants de vie ils veulent aussi lui ôter pour les balancer à l'antenne.

Avec la téléréalité point besoin de scripts ou d'imagination, à ce degré en dessous de zéro de la création ce sont les participants mêmes, ici une participante à son insu, qui fait le show. Et les téléspectateurs pris dans les rets de l'émotion abandonnent toute éthique pour voir ! Un monde ou l'humanité se meurt, tel est le sujet d un film incroyablement visionnaire.

Avoir choisi Romy Schneider, admirable, pour le rôle clef, n'est pas anodin et s'est révélé prophétique, car l'immense interprète de L'important c est d'aimer fut la première d'une longue liste de victimes dans la vie de l'insatiabilité des médias. Souvenons-nous des circonstances tragiques de la mort de son fils en 1981, un an seulement après la sortie du film, et de la photo volée de l'enfant mort à la morgue, publiée en une. Nous qui aimions tant Romy la vîmes à notre corps défendant vivre SA mort en direct deux ans plus tard. Et nous la pleurons toujours.

Découvrant in extremis le subterfuge- Harvey Keitel soudain aveugle, sa caméra-œil étant morte, le show est fini -, Katherine Mortenhoe peut alors s'en aller rejoindre son premier époux – interprété par l'immense Max Von Sydow, le comédien fétiche d'Ingmar Bergman. Et la caméra pudique de Bertrand Tavernier de s'éclipser et de les laisser eux deux enfin seuls pour vivre cette mort, cette fois sans le direct, sans même une photo, rien que l'intimité, bouleversante, d'un couple qui s'aime.


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