A
New York, Greenwich Village, par un été torride, le reporter photographe LB
Jefferies se retrouve immobilisé dans son appartement après un accident. Seul
avec le plâtre qui enserre sa jambe et le cloue dans son fauteuil, il s'ennuie.
Pour tuer le temps, il épie ses voisins et pénètre chaque jour davantage dans
leur intimité. C'est ainsi qu'il s'intéresse de plus en plus à Lars Thorwald,
une sombre brute qu'il a surpris en train de se disputer avec sa femme. Il en
vient à le soupçonner d'avoir assassiné la malheureuse. Lisa Fremont, qui
visite souvent Jefferies, auquel elle porte une tendre attention, partage
bientôt son obsession...
Auteur
de premier plan de policiers à suspens, Alfred Hitchcock, il n’y a qu’à relire
Hitchcock Truffaut pour s’en convaincre, fut aussi un théoricien du cinéma, de
son pouvoir, de sa capacité à manipuler et jouer avec son spectateur tout en le
faisant par le brio de la mise en scène réfléchir tant sur ce qu’il voit que ce
qui fait qu’il voit ce qu’il voit.
Fenêtre sur cour, un des sommets de
la carrière du maitre, propose une réflexion sur le voyeurisme et l’envie pour
le voyeur, ici un photographe placé chez lui en position d’infirme, de pénétrer
l’intimité de ce qu’il observe en cachette jusqu’à devenir acteur. En d’autres
termes la proposition théorique consiste à inviter le spectateur à prendre la
caméra, à s’impliquer, à
imaginer à partir de l’observable un scénario, à tacher de diriger certains
protagonistes. Bref à s’engager.
Ceci
est le rêve de tout cinéphile, et le maitre du suspens titille en chacun de
nous, assis dans la salle noire – équivalent de l’appartement de James Stewart
plongé dans la nuit tandis qu’il
observe sa fiancée, la superbe Grace Kelly, risquer sa vie sur l’écran-appartement
du supposé assassin – l’envie,
via la peur de voir l ’être aimé se faire prendre la main dans le sac,
de passer à l’acte, c est-à-dire quitter l’infirmité de celui qui se contente
de regarder passivement.
Ainsi
Stewart pour s’engager à compter d’un cadre fixe crée par la fenêtre sur la
cour réorchestre t-il le cadre au moyen de plusieurs appareils, télescope,
objectifs, il découpe l espace, zoome ici et là, et le suivant pas à pas par le
montage, Hitchcock nous entraine en nous laissant regarder un homme qui regarde
et attendre un homme qui attend. Malicieusement il joue sur le parallèle entre
son héros et son spectateur, tous deux immobiles physiquement et tous deux mus
de part la pensée par la capacité à voir au-delà-des apparences, à combler les
trous, à broder jusqu'à voir enfin clair.
Ainsi
passe-t-on de l’état de voyeuriste passif à celui d’acteur engagé, d’ou le suspens et
les frémissements qui nous gagnent tandis que tels les personnages nous nous
introduisons de nuit dans l’intimité d’un autre, ici soupçonné de meurtre. S’engager
dit Hitchcock est synonyme de danger, et le malicieux cinéaste joue avec nos
nerfs comme avec ceux de ses protagonistes. Fenêtre sur cour c’est,
plus qu’un suspens, une expérience assez unique ou tout spectateur est conduit
a traverser l’écran, à imaginer l’intrigue au fil des scènes, à co-construire
le scénario, le cadrage et
le montage.
On
ne saurait plus intelligemment nous faire par la preuve comprendre ce en quoi l’art
cinématographique, basé sur le montage, le visible et l invisible autant que sur le
trucage, offre du réel une représentation subjective, discutable et donc
manipulatrice. Qui mieux qu’Hitchcock a jamais aussi bien su jouer avec nous au
jeu du chat et de la souris. Poussant l’ironie jusqu’à nous associer à un
infirme impuissant …
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