Juin
1914, dans un port italien. D'élégantes personnalités montent à bord du
«Gloria», un paquebot en partance pour une croisière un peu spéciale. Orlando,
un journaliste, annonce que le navire transporte les cendres de la grande
cantatrice Edmée Tetua vers son île natale, où elles seront dispersées. Parmi
les admirateurs de la diva qui seront du voyage se trouvent un archiduc
autrichien et sa soeur aveugle, un couple d'aristocrates anglais, un
ministre...
Dernier
indiscutable chef d'œuvre de l'immense Federico Fellini, E la nave va recrée à partir d'un prologue et d'un épilogue
muets un monde, un vieux monde dédié à l'art et complètement renfermé et sur lui-même
et sur cet Art en passe de mourir.
Ce
monde-navire est en soi comme une parabole ou le faux – regardez ce soleil
comme il est beau, on dirait qu’il est faux, prononce un personnage – s'habille
comme sur les scènes d'opéra et de théâtre des couleurs et des décors et des matériaux
dont l'artifice dépasse parfois en beauté le monde dit réel. Il est aussi un
cirque ou des pantomimes clownesques pour certains font leur numéro, avec ces répliques,
mimiques, expressions qui sonnent délicieusement faux. Cirque si cher au cinéaste
de Rimini, cirque des Clowns, de la Dolce Vita d'une certaine façon ou d'Amarcord.
Ce
Monde, cet Art, cette Cantatrice dont tous vont déverser les cendres en une cérémonie
grandiloquente sont tel le grand et le beau cinéma sur le point de basculer,
nous sommes à l'avènement en
Italie de la télévision Berlusconi. Et avec ses caractères et silhouettes décalées,
Fellini comme toujours recrée un monde 100% artificiel et hénaurme, cocasse,
drolatique, nostalgique aussi. Moult scènes on ne peut plus délicates émeuvent
et émerveillent, cette cérémonie des verres que l'on fait tinter en une sonate
magnifique par exemple.
Dans
les entrailles du navire triment en nage les gueux et trône un hippopotame tout
droit sorti de l'imaginaire débordant de l'homme de cirque Federico. Le ventre
du bateau ainsi représenté avec tout autour ce feu des machines crachant des fumées
et du vacarme, ce monde-là que celui d'en haut ignore jusqu’à ce qu’ils se décident
en un caprice de nantis à venir y faire un petit numéro. On se
croirait presque dans Titanic avec
cette coexistence de deux mondes sourds l'un envers l'autre. Qu’ont à faire ces esclaves
en sueur de ces vocalises quelque peu grotesques en ces lieux.
Le
ton crépusculaire du film avec ces faux couchers de soleil résonne la fin des
magiciens, ceux qui tels Fellini, artiste suprême et cinéaste suprême disposant
de toutes les manettes pour recréer un monde imaginaire fait de rêves et de fantasmes,
tel un Houdini. Avec lui nous redevenons enfants rieurs et émus et émerveilles
par autant de beautés.
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