"Filmer
les scènes d'amour comme des meurtres et les meurtres comme des scènes
d'amour." Rarement cet axiome d'Alfred
Hitchcock fut aussi bien appliqué par son jeune disciple François Truffaut, ici
à la manœuvre de ce quatrième film tourné vite notamment dans son propre
appartement en attendant le tournage de Fahrenheit
451. Dont la portée autobiographique sous jacente est énorme, le cinéaste étant
aux frontières de la séparation d'avec
Madeleine, sa propre épouse.
Le
personnage magnifiquement interprété par le grand Jean Desailly, conférencier
marié tombant sous le charme d'une ravissante hôtesse
de l'air à la peau douce interprétée
par Françoise Dorleac, est comme un double du cinéaste. De part son lien
marital il ressent à la fois le trouble du désir et un sentiment de culpabilité,
énorme facteur d'un suspens tout
hitchcockien. Dans cette petite ville de province ou il est en mesure de vivre
cette passion, tout individu croisé peut se révéler un indic, la discrétion n'est pas seulement de mise, elle est
telle une chape de plomb sur l'amour naissant.
L'approche, les hésitations, les regards
puis les caresses et les baisers, avec cette culpabilité incessante, cette incapacité
à faire autrement que regarder derrière soi, de baisser les yeux, de se refuser
à faire ce qu’on désire dès lors qu’on n'est
pas à double tour enfermé dans une chambre d'hôtel.
Le monde bourgeois est ainsi fait que seules les chambres d'hôtel sont des refuges, que la
maitresse tant désirée peut rejoindre pourvu que personne ne guette devant le
seuil.
Film
mélancolique puis tragique sur la passion et sur l'adultère, film sur la peur de vieillir,
celle de Jean Dessailly comme celle de son épouse légitime, à qui Truffaut
offre vers la fin une scène stupéfiante. Elle aussi, amoureuse passionnée,
femme capable de prendre tous les risques pour conserver ce qui lui est ôté.
Elle commettra le geste, tragique, désespéré, d'une épouse abandonnée.
Rares
sont les films de Truffaut n'ayant pas rencontré l'assentiment ou le succès du public.
Celui-ci, sorti en 1964, fut l'un des rares échecs
commerciaux d'un auteur qui
estimait que le public avait toujours raison. Il s'agit étrangement de l'un des plus beaux, un qui fait partie
de sa veine désespérée et tragique, comme La
sirène du Mississipi ou Les deux
anglaises et le continent, deux échecs encore.
L'on ne peut oublier la silhouette
gracieuse et la voix presque blanche de la superbe Françoise Dorléac, le charme
à l'état pur.
Truffaldienne et hitchcockienne, elle irradie de la première à la dernière scène,
sur cette splendide musique composée par Georges Delerue.