Sorti en 1958, adapté
d’un roman, D’entre les morts, des français
Boileau et Narcejac, Sueurs Froides,
Vertigo dans son titre originel, est
de toute l’œuvre du génial maitre du suspens britannique son film le plus
tragiquement romantique, le plus mélancolique, celui dont le rythme est le plus
hypnotique et lancinant. Et certainement celui à propos duquel la fascination
absolue est la plus intense.
Ancien policier ayant
perdu ses fonctions et donc sa position sociale du fait de ses crises de
vertige, Scottie, le personnage joué par le grand James Stewart, va être engagé
par un ami immensément riche pour suivre en filature son épouse Madeleine – Kim
Novak, stupéfiante dans un rôle mythique.
Cette Madeleine traine sa
solitude dans des musées à la recherche du fantôme de Carlotta, une héroïne suicidée
à laquelle elle semble s’identifier. Fou amoureux de cette double image qu’il
confond en une seule, la vivante et la morte, le détective va littéralement se
sentir aspiré par cette double illusion et tacher de ramener Madeleine non à la
vie mais à lui, et ainsi la perdre à jamais.
Jusqu’à après la mort de
Madeleine rencontrer inopinément Judy, une femme lui ressemblant, et s’en va la
convaincre de reprendre par ses tenues, sa coiffure, son maquillage, sa voix et
sa posture le rôle de la défunte. Tel un metteur en scène nécrophile il va la ressusciter
d’entre les morts et comprendre le subterfuge dont il aura été depuis le début
la victime.
Long poème dans un San
Francisco désert ou apparaît puis disparaît le fantôme de Madeleine, Vertigo
est un film sur le vertige amoureux, celui qui confond les frontières, la réalité
et l’image, la vie et la mort, une personne de chair et un tableau évoquant
Rebecca, soi et ses désirs et l’autre et sa logique propre. Le personnage de
Scottie est manipulé tant par d’autres que par lui-même, et tout épris à sa quête
d amour s’aveugle et se laisse aveugler et ainsi devient le complice et le témoin
d’un crime. Avant de reprendre plus que la
main, la caméra, c’est-a-dire l’œil et le contrôle tant sur l’histoire
que sur ses personnages, dont lui-même.
Il va ainsi conduire Judy
– la fausse Madeleine – là ou Madeleine après Carlotta se suicida et la
conduire à faire une troisième fois la meme scène. La chute de nuit sur fond de
cloche et de nonne inquiétante évoque comme les enfers, le détective livré à
ses fantasmes se voulant Deus ex Machina perd sa créature laquelle perd la vie,
il y a sur ses pas une malédiction qui se répète, ses désirs meme conquérants
sur son vertige ne conduisent qu’à la mort, lui qui est amoureux d’une morte ou
de deux mortes est donc le vecteur de la mort. De lui-même, de ses désirs les
plus fous, de l’objet meme de ses désirs.
Figure de metteur en scène
manipulant des actrices tel Hitchcock pendant toute sa carrière, Vertigo est presque un autoportrait de
son auteur dont la perversité envers ces dernières fut à plusieurs reprises
conté par Tippi Hedren, la comédienne de The
Birds et de Marnie. Un
autoportrait à la fois critique, lucide et désabusé. Le créateur d’images joue
avec la mort en faisant incarner à ses actrices des fantasmes illusoires qui
peuvent se retourner sur son propre équilibre. Car cette tentative de posséder
l’autre est une authentique perversion que l’art et le cinéma ne peuvent si l’on
n y prend garde qu’accroitre. Le pouvoir devient un fléau et tend vers la mort,
le pouvoir du metteur en scène est donc synonyme de mort. Ce qui est filmé est
par essence mort, ce qui est mis sur pellicule ce sont des cendres.
Le style hypnotique du
film , la musique symphonique fascinante de Bernard Hermann, la lenteur des
plans travelling, la baie de San Francisco, ces lents travelling avant dans le musée
en direction du chignon de Madeleine … Tout, absolument tout dans Vertigo entraine
au vertige.
Celui de l’amour passion qui s’auto détruit et détruit.
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