Adaptation très libre (et très éloignée) d’une nouvelle de
Philip K.Dick, le second film hollywoodien du génial hollandais Paul Verhoeven
(venant juste après le triomphe de Robocop)
passa de main en main pendant plus d’une décennie (David Cronenberg entre
autres) avant que d’être happé par Arnold Schwarzenegger.
Figure du cinéma d’action au corps totalement fabriqué
selon les canons de l’époque, l’acteur autrichien cherchait alors un rôle
capable de le sortir de performances trop simplistes, et poursuivre l’expérience
commencée avec Terminator d’un cinéma
d’auteur grand public exigeant. Ce fut lui qui imposa Verhoeven au producteur
Dino de Laurentis avec qui il entretint une collaboration exemplaire, le réalisateur
ne tarissant pas d’éloges sur son acteur vedette.
Sous un script de SF pure perce une critique acerbe à la
fois de l’Empire américain (et au-delà anglo-saxon) colonisateur et
sanguinaire, de la société capitaliste et de sa collusion avec des médias
complices, d’un monde policier ou la surveillance technologique pénètre jusqu’aux
âmes et aux souvenirs. Difficile de ne pas voir dans cette Rekall, société
implantant des souvenirs à ses clients, une référence au programme MK Ultra de
la CIA, ou un clin d’œil aux expériences psychiatriques de déprogrammation /
reprogrammation du cerveau, menées en Amérique du Sud par certains tenants de l’Ecole
de Boston.
Deus Ex Machina, les dirigeants tireurs de ficelles,
confortablement installés sur la planète Mars d ou, tels les capitalistes américains
et les amis de George Bush père et fils, ils exploitent les mineurs et mettent
la main tant sur l’oxygène que sur des planètes-colonies tout justes bonnes à
tomber dans l’escarcelle de l’Empire, se frottent les mains. Ces diables ont pénétré
les consciences des peuples en leur ôtant jusqu’à leurs propres souvenirs, et
ne leur ont laissé en échange qu’un confort illusoire. Vide de toute
conscience, les esclaves ont pénétré 1984
tout en se croyant encore sur La plage
avec Leonardo du Caprio.
Parfaite représentation de l’agent US soumis et manipulé
par une autorité supérieure avec lequel Verhoeven s acharne avec une malice de
chaque instant, faisant de lui le jouet d’une fausse épouse (Sharon Stone dans
ses débuts), le sadisant au travers de scènes entre le comique et le gore (la scène
ou lui est ôtée sa puce nasale …), le héros incarne bien l homo-occidentalus-
mouton soudain confronté à un reflet de lui-même perçant le dessous des cartes.
Et donc à la prise de conscience de son propre asservissement, contre lequel il
va entrer en lutte.
Film d’action certes, mais véritable anticipation de l’époque
actuelle que ce Total Recall (Ghost in the shell avant l’heure …) mettant
en perspective, dix ans avant Matrix,
la coexistence de deux réalités parallèles et imbriquées. Le monde tel qu’il
est perçu est une illusion, le faux Doug Quaid du début (jouant ses scènes
comme dans un sitcom) fait peu à peu place à un autre, authentique celui-là.
Qui, ouvrant les yeux sur son inconscient, découvre le monde tel qu’il est :
une immense manipulation ou une poignée ayant le contrôle des âmes dirige une
masse abrutie par des projections illusoires.
Le cocasse est que c’est par cette multinationale Rekall et
donc par la technologie manipulatrice que, par annulation des deux
reprogrammations, l’être se redécouvrira à lui-même et parviendra à lentement ôter
sa chaine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire