lundi 1 mai 2017

Il automne à pas feutrés


Tandis que vous amis de France et d’Europe entrez dans un printemps qui à croire ces images de défilés de 1er mai semble quelque peu agité et venteux, nous pénétrons depuis quelques semaines dans un automne aux reflets doux. Hormis quelques rares jours de pluie, celui-ci est baigné de rayons de soleil qui entre dix heures et seize heures nous permettent de nous réchauffer tout en respirant un peu mieux que la saison précédente.

Ici tout concourt à la vie paisible, et nos jours comme nos nuits sont bercés par la délicate succession d’heures filant goutte à goutte depuis la levée du soleil jusqu’à la tombée du soir. Les nuits sur ce côté de l’hémisphère viennent tôt, et le matin s’éveille vers cinq heures trente, heure à laquelle d’habitude je sors de mon sommeil, précédé ou accompagné du chaton Chaplin qui me poursuit dans le jardin et saute sur mes genoux en réclamant des câlins.

Chaque jour suit le même rituel. Deux cafés sur le banc face à la rue, tandis que la maisonnée dort, puis quelques pas dans la ville presque endormie, pour un troisième sur le marché, là où travaille ce très beau jeune homme que j’appelle en rigolant « mon fiancé ». Puis, vers sept heures, un tour d’horizon de l’actualité sur différents sites d’information, un petit coup d’œil sur agoravox et sur mon blog pour relever les compteurs et parcourir amusé les commentaires. Puis un premier texte, souvent suivi l’après-midi par un second, parfois d’un troisième.

Je lâche l’univers virtuel vers onze heures, me pose dans le jardin à cette heure ou les rayons du soleil passent entre les branches des arbres, m’assieds, accueille Chaplin sur mes genoux et me perds dans mes rêveries. M’éveille vers midi pour « la comida de la señora », retrouve Néo avec qui en riant je converse. Puis repars dans mes songes une petite heure, vais souvent marcher un peu, seul, reviens vers le virtuel, le second billet auquel j’ai songé sans forcément l’avoir voulu se dessine, et en un jet sort. Puis je repars dans le jardin, écoute parfois une émission, relis quelques pages de Sundance, joue avec le chaton. Jusqu’à la tombée de la nuit.

On se retrouve avec Néo autour d’un pack de bières. Il met sa musique, on cause, parfois sérieusement parfois pas, je l’écoute me faire part de ce qu’il a vu et compris de la journée, et me satisfais de voir à quel point il voit juste, pense juste, sait décrypter les choses, a en toute circonstance une éthique absolument irréprochable. Je luis lis à sa demande le ou les textes du jour, en général il aime bien voire beaucoup. On rit, beaucoup, de tout et de rien. On gigote, on danse, moi surtout, la température a chuté, ça permet de ne pas trop ressentir le froid, et surtout de conserver les muscles en éveil. Je m’amuse de voir dans le reflet du miroir mes cheveux qui ont poussé comme jamais ces dernières années, d’ici quelques mois ça fera comme une espèce de crinière qui retombera en arrière, à la Rahan. Et (bières et bouffe de saison oblige) je surprends mon bidou qui a repris quelques formes après les 8 kilos perdus au Brésil. Ça va, à 72 kilos je ne plains pas, et puis ça fait des provisions pour l’hiver, cette petite ceinture abdominale.

Vers vingt heures Chaplin rentre dans la chambre et saute sur le lit. Il me regarde, sur le seuil, me fixe puis finit de guerre lasse, après avoir chassé une mouche, à s’endormir lové en boule. Sitôt que je me serai couché il viendra instantanément se lover contre moi, monter sur mon ventre, poser son museau humide sur mon nez, me lécher la barbe et ronronner comme un tare. Un mois qu’il fait ça, depuis le lendemain de la mort de sa mère ce chaton génial m’a adopté et m’offre une sérénité incroyable en me faisant ce cadeau de m’endormir sous le bercement de ses ronrons.

Vendredi ça fera six mois pile poil. Plus ça va plus je me dis que cette durée de six ans n’est qu’une hypothèse. Avec Néo on s’accorde pour dire qu’il se peut que retour il n’y ait point. Pour être honnête on n’en sait évidemment foutre rien, on sait juste que ce qu’on vit ici, ensemble et dans nos bulles respectives, figurent parmi les plus beaux moments de nos vies respectives, et que tout naturellement, ayant la chance de vivre ça, on n’a aucune envie que le rêve s’interrompe. Et ce qu’on voit à distance de votre printemps ne donne en effet aucune envie de revenir au point de départ.

Il se peut qu’on reste bien plus que prévu, ici, au Paraguay. Il faudra sans doute, surement même, repartir un jour, mais rien ne nous contraint, rien ne nous oblige à conserver le délai que nous nous sommes au préalable fixé. Cette décision de tout quitter fut la plus belle idée que j’aie jamais eue dans ma vie, elle se révèle au quotidien fabuleuse sur tous les plans. Mais le cadre à l’intérieur, cette idée d’un pays tous les trois mois, le nombre d’années, tout ça fort heureusement évolué en fonction de ce que nous vivons.


Nous entrons dans l’automne à pas feutrés, comme le chantait Barbara, « sous un ciel pourpre et doré ».


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