A trop s’approcher du soleil on se
brule et tel Icare on tombe de haut dans le cœur d’un gouffre : ainsi va
le destin des puissants et de ceux qui les accompagnent dans leur ascension déraisonnable
vers les cieux. La quête des egos surpuissants les conduit au cœur même de ce
dont ils veulent à tout prix se détourner : leur humaine condition de
mortels. Et pour avoir eu l’insensée prétention de se croire des dieux, ils
connaitront des fins tragiques.
Tel est un des sujets centraux de ce
roman de l’époque, SUNDANCE, que j’écris. Et qui conte, dans les sphères du
pouvoir, les destinées de personnages incapables de se fixer d’humaines
limites. Leurs ascensions procèderont de mille manières par la combinaison d’opposés,
les personnages de braise, toujours prêts a basculer dans la barbarie, et les
personnages de glace, dont le déchainement de violence sera bien pire encore
que ce dont se montrent capables les précédents.
Se croire tout puissant est un venin
qui gangrène au-delà de l’être tout ce qu’il touche, à commencer par ses
proches. Mon héroïne de glace, à la fin de Genèse, fera exploser les coutures
du Paradis dans lequel les avait entrainés sa sœur jumelle et son beau-frère,
cadet de son propre mari. Ce dernier allumera la mèche en lui révélant bien malgré
lui une incapacité enfouie à résister contre ses pulsions de mort. Placée face à
ce déchainement qu’elle ne maitrise pas tout en désirant être elle-même la
cible des coups, son épouse s’emprisonnera en elle-même par besoin de se protéger
d’un phénomène qu’elle ne peut contrôler. Ne pouvant dire à son compagnon :
tue-moi, tue le mal en moi, frappe-moi à mort, elle fermera son cœur jusqu’à le
glacer. Puis entrant dans l’appartement familial entamera la progressive
destruction de tout et de tous, repères moraux, amour, décence, respect du père
et de la mère. Elle fera, ne pouvant elle-même tuer en elle le mal qui la
ronge, tout péter avec une violence rageuse et une obscénité déchainée, jusqu’à
faire trembler les fondations de la République. Le sacrifice de sa mère ne
suffira point à arrêter ce processus de destruction et servira même d’accélérateur :
tous seront chassés du Paradis au terme d’une tragédie pleine de cris, de
larmes et de sang.
Ces 30 ou 40 dernières pages qui
ferment Genèse sont les plus violentes et les `plus choquantes qu’il m’ait été donné
d’écrire. Les ayant rédigées en état second au milieu d’une nuit lumineuse, je
fus le lendemain soir extrêmement secoué en les redécouvrant. De nombreux
lecteurs m’en firent part : elles les avaient profondément remués, quelques-uns
les avaient trouvé absolument insupportables, d’autres me dirent avoir été obligés
d’arrêter plusieurs fois la lecture tant cela leur parlait aux tripes et
remuait des trucs profonds, limite insoutenables. Les avis des lecteurs sur le
site ou le livre peut se commander relevèrent en tout cas presque tous à quel
point cette fin était, après les 350 pages précédentes qui alignaient les séquences
de pur bonheur, un très grand choc.
Y compris pour moi que ce texte que
j’ai pourtant écrit en état certes second, mais parfaitement à jeun (comme
toujours quand j’écris) effraie et bouleverse à chaque mot. C’est bien la première
fois que je découvre ce qu’est être à la fois totalement dans et en dehors de
son « œuvre ». Donc totalement concerné et partie prenante de ce
sujet majeur de notre époque de feu et de glace.