L’optimisme et la légèreté sont des dispositions de l’âme créatrices, tout
autant que leurs opposées, de ce qui nous arrive. Tant dans notre quotidien que
dans l’attitude des autres à notre égard que dans notre corps et donc notre
santé. Qu’elle soit physique ou psychologique.
Le pouvoir de la pensée, quand
on a bien vécu et donc traversé intelligemment ces deux cycles complémentaires que sont le
cycle créateur et le cycle dépressif, est stupéfiant : nous créons
vraiment, à partir de notre état d’âme, ce qui nous advient.
Ainsi les dépressions sans fin et sans remèdes, celles-là dont on se sort pas parce qu'on ne s'en donne pas vraiment les moyens. Où l’individu qui se veut contrôlant reste complaisamment emmuré dans ses peurs et ses manques. Lesquelles s’étirent infiniment jusqu’à chasser tout
être vivant aux alentours. Et finissent par créer au dedans des cancers qui
rongent. Tomber dans cet état de dépendance par rapport à ce qui nous fait peur
est simple, il suffit simplement de relâcher la vigilance. Et l'on s'en va créer, jour après jour, cet objet tant redouté, qui prend la forme de la pensée qui l'a appelée.
Cela commence, je m’en souviens bien, par un état diffus, de l’irritation à des détails, une forme d’impatience qui s’insinue dans le quotidien. Des pensées, négatives, agressives. Des ressassements jusqu'à l’écœurement qui empêchent toute concentration. Mettent une couverture sur la subtile sensibilité aux petits bonheurs. Et littéralement « prennent la tête », comme disent les jeunes. C’est très pernicieux, ce basculement, ça ne vient pas chez soi en tapant du poing, non : ça franchit le seuil en passant sous la porte clandestinement. Et ça finit, si l’on n’y prend pas garde, par tout véroler. Jusqu'au pourrissement. Un cancer.
Cela commence, je m’en souviens bien, par un état diffus, de l’irritation à des détails, une forme d’impatience qui s’insinue dans le quotidien. Des pensées, négatives, agressives. Des ressassements jusqu'à l’écœurement qui empêchent toute concentration. Mettent une couverture sur la subtile sensibilité aux petits bonheurs. Et littéralement « prennent la tête », comme disent les jeunes. C’est très pernicieux, ce basculement, ça ne vient pas chez soi en tapant du poing, non : ça franchit le seuil en passant sous la porte clandestinement. Et ça finit, si l’on n’y prend pas garde, par tout véroler. Jusqu'au pourrissement. Un cancer.
Dans les villes, les grandes surtout, dans certains cercles, où l’on perd
son temps à regarder dans le rétroviseur (c’était mieux avant ma bonne dame),
où on fixe avec dédain la corbeille du voisin, où on juge en omettant de se
regarder dans la glace : ça pullule, et ça se reproduit, en meute. La main
mise du FN sur les classes populaires, sur certains jeunes, sur des exclus, sur
des petits commerçants qui en bavent, c’est là-dessus que ça joue, efficacement
d’ailleurs. Ce « on est chez nous » me fait rire : ces gens-là
me font l’effet d’être tellement hors d’eux qu’il leur est difficile d’habiter
bien où que ce soit.
Reconquérir pied à pied sa liberté d’être léger et de ne voir en tout que
le beau ré-ouvre de fait la fenêtre de l’âme sur le monde. Aucun désagrément,
aucune attitude désagréable, rien ne peut entacher ou assombrir ce ciel
intérieur. Ce qui est évacue ce qui n’est point, ce qu’on a suffit, ce qu’on
désire viendra en son temps, c’est aussi simple que cela. Et au quotidien cela
marche.
A chaque pensée lumineuse un cadeau en échange, pas forcément minime.
Déjà, ce sentiment intérieur d’apaisement tandis que tu traverses un pont
perclus de trous au dessus d’un précipice : chaque pas t’éloigne du
danger, tu avances sans peur, tu regardes au loin un point d’horizon qui de
fait évacue le vide sous tes pieds. Et à un mètre du point d’arrivée, comme le
ferait une plume, tu te lances d’un bond et parviens à bon port. Tout arrive et
tout t’arrive au moment juste. La vie malicieuse joue avec ce qu’elle nomme tes
nerfs, mais ceux-ci n’étant plus que de belles endormies, elle te surprend
jouer avec elle, t’en amuser, et même en rire.
Alors bonne joueuse, elle t’accorde ce que tu n’avais même pas osé lui
demander.