vendredi 29 décembre 2017

Banané 2018 les Minions !




2017 s’achève. Qui l’eut cru Lustucru, un beau cru ! Comme toujours cette période d entre deux fêtes puis de vœux est l’occasion pour ceux qui nous régissent comme de bien d’entre nous de tacher de peinturlurer en rose les murs gris, et de mettre de côté tout ce qui ne cadre guère avec cette période de réjouissances pour les uns – et de souffrances et de solitudes pour les autres. Ceux qui crèvent la dalle dans nos rues. Ceux que notre police sur ordre supérieur réveille à l’aube avec des jets d’eau glacée. Ceux qui du fait de nos armées sur ordre également sont souillés en leurs pays (mais non la vente d’esclaves en Libye n’a rien à voir avec la France et son action de 2011, pas plus que les vagues migratoires avec le désossement de la Libye qui était le cordon sanitaire de celles-ci !).

Et puis ces êtres par dizaines de milliers au loin triés sur place via les ONG bisounours de Soros en migrants acceptables et immigrés recalés. 

BFM WC nous le dit, la croissance repart, le bitcoin exulte, le chômage recule, la santé des entrepreneurs marche au guronzan, Macron est en passe de réussir sa Geste Européenne, la paix dans le monde a de beaux jours devant elle, le réchauffement climatique sera éradiqué, et tous les enfants du monde se tiendront prochainement la main.

Jolie contine, que l’étude attentive des faits démonte un à un, mais qu’il convient de réécrire compte-tenu du moment, car le gaulois, et avec lui tout occidental devant son champagne Rothschild se doit de trinquer à 2018, meilleur, forcement meilleur … A quoi tient l’optimisme béat, mort à Cassandre !

Voir le réel tel qu’on a envie qu’il soit permet à tout individu soit de s’affranchir soit de s asservir, tout dépend s il le fait de manière adulte en se montrant à même de le voir TEL qu’il EST ou TEL qu’ON fait tout pour qu’il le voit. Isolé de l’ensemble des autres, l’individu se construit mentalement sa petite version personnelle Pixar du système sur le thème : ça ne peut qu’aller mieux demain. Oui le chômage baisse, certes le monde de calcul a quelque peu changé, so what ? Oui nos multinationales se portent bien, c’est pour cela que les dividendes ont explosé au détriment de leurs résultats en baisse. Oui Macron réussit vu que ce sont des instituts de sondage indépendants et qui n’ont eu aucune incidence sur la montée en puissance du poulbot de l’Elysée qui le disent. Oui à tout et a bien davantage encore, Trump est un méchant qui ne dit que des conneries et a par définition tort sur tout – contrairement au gentil Macron qui dit de jolies choses et est joli à regarder, LUI ! Oui Le Pen est une vilaine fachote, oui nos rues sont pleines de nazillons, oui les migrants sont gentils, BLANC vs NOIR, Goodbye Johnny, pas de gris, pas même un gris clair, BLACK or WHITE comme chantait MJ. Faisons simple, surtout, du rose et du bleu comme sur les affiches En Marche de la campagne !

Le petit théâtre politicien a consacré cette année une comédie de Marivaux : La fausse suivante. A la vague dite de dégagisme prônée par Méluche et consistant à dégager les vieilles badernes (Sarko, Juppé, Hollande, Valls, Fillon et tutti quanti) chacun a cru jouer à un jeu de quilles et s est retrouvé in fine avec au programme ce qu’il venait de recracher, seules les tronches ont changé, on a gardé la même politique en pire, on a fait rentrer à la caisse enregistreuse Bourbon des vieux jeunes encore pires que les précédents, lesquels au bout de quelques mois, après leurs 1200 euros de remboursement de loyer parviennent encore à pleurer sur leur sort. Renouvellement à mourir de rire ! 

Gauche et droite dites de gouvernement mortes ? Parlons plutôt comme nos banques d’affaires de merging, de fusion acquisition. LREM a fait fort et relégué en troisièmes équipes les groupuscules restants sur le banc de touche. Le clown Wauquiez s’agite en rouge sur les tréteaux de province, dans deux ans il fera sans doute un ouvrage commun avec Copé, autre cadavre à la renverse, sur le thème : pourquoi tant de haine ? On ne les plaindra ni l’un ni l’autre, leurs jolies retraites sont assurées.

La bonne tronche d’Edouard Philippe, bonne tête de gendre idéal que ce lobbyste de l’industrie pétrolière au Nigeria – encore un bienfaiteur de l’humanité. Sa bande de sinistres avance dans le désordre, Collomb à la lutte contre  l’intérieur, Buyzin-Big Pharma à la lutte contre la sante, Hulot à la lutte contre l’Ecologie (amitiés Areva EDF obligent…) Pénicaud à la lutte contre le travail, Drian à la lutte contre l’étranger non US etc… 

Au-delà des rodomontades de Jupiparterre (coquelet à Versailles – pauvre Vladimir obligé de supporter ca -, Bébé Colon en Afrique, Bébé Pinocchio à Saint Martin, Bébé Baphomet à la téloche, sans compter Relais et Châteaux à Chambord et Bébé Stéphane Bern avec Delahousse), la fine équipe est allée vite : Casse du Code du Travail vol.3 cet été, loi (jamais évoquée pendant la campagne) contre la santé des mioches dès le plus jeune âge (ca va y aller la recrudescence des cas d’autisme et de maladies incurables, z avez qu’à voir les chiffres aux States sur 30 ans avec les vaccins là-bas …), loi de finances super intéressante pour les ultra riches (comme par hasard ils ont avantagé les spéculateurs sur les détenteurs de pierre …), suite des baisses de dotations aux petites communes au profit des métropoles etc…

Bref que du bon ! Avec (carte postale de noël du chefaillon depuis sa station de ski) une absolue urgence vu comment ces gueux nous coutent cher : renforcement du contrôle des paresseux – pardon : des riens – pardon : des fumistes pas cap de s’acheter un costard (les alcooliques !).

Pas souvenir (à relire mes livres d’histoire) que nos anciens aristocrates guillotinés étaient aussi indécents, plutôt le souvenir du contraire, c’étaient pas des saints, Marie Antoinette certes coutait un bras aux finances, mais bon, on pataugeait pas à ce point dans le mensonge, les pratiques maffieuses, le : faites ce que je dis etc. et la communication outrancièrement toxique. Mais bon : Annie Dingote et Castaner en peuvent plus, avec les JO de 2024 on a nos jeux pour le bon peuple !

Donc 2018 ça ira mieux forcément, surement, ben tiens … Reprise des créations d’emploi (hi hi : tous auto entrepreneurs à prix cassés pour Dassault, Lagardere, Arnault et autres détenteurs de Fondations), le bitcoin continue sur sa lancée et se reprend +500% en 6 mois,  la paix au Proche et Moyen Orient progresse et Assad se prend un procès JUSTE par des JUSTES (nous pardi !), romance en eaux troubles avec Kim Machin Bidule le grand méchant dictateur nord coréen soudain transformé en transgenre bisounours et qui met sa moumoute à terre devant l’Oncle Sam, PMA GPA pour tous avec prestations gratuites d’un corps médical totalement désintéressé etc.

Et forcément dès avril on pense tous PRINTEMPS !

Sur ce : bonnes fêtes bande de gueux !



vendredi 22 décembre 2017

La bombe Dalle




C’était en 1986, le SIDA venait d’apparaitre mais on était (j’avais 21 ans) dans une décennie de conquête de libertés. On s’était adolescents unis sur des slows avec la Sophie Marceau de la Boum, on avait ensuite frémi à la tristesse de Sandrine Bonnaire dans A nos Amours. Quand, en 1986, sortit la bombe 37,2 le matin, 3eme film de Jean-Jacques Beineix, l’auteur à la mode de Diva.

Avec Jean-Hugues Anglade, l’homme blessé de Patrice Chéreau, qui ici irradiait. Et une petite nouvelle, qui dès sa première scène envoya valdinguer tous les codes de convenance, tant sur l’écran que dans ses apparitions et interviews : Béatrice Dalle. La bombe Béatrice Dalle.

Découverte par le passeur d’étoiles Dominique Besnehard, originaire de Brest (ah nos amis bretons, pas des mous !), Béatrice Dalle, alors fort jeune, devint pour la presse la nouvelle Bardot, et pour ma génération la quintessence de l’amour fou et de la liberté jusqu’auboutiste. Incarnation d’une époque prête à tout pour s’affirmer, cette Betty, comme son interprète incandescente, ne supportait ni les contraintes, ni les normes, ni les compromis. Irradiante de bonheur, amoureuse jusqu’à la folie, elle devint, bien plus que Bardot, comme le symbole d’une jeunesse qui se donne à perte de vie à fond à l’heure, contre tout ce que l’esprit bourgeois peut tacher de vouloir contenir.

Au moment même où l’on commençait à mourir d’amour, le cinéma nous offrait une héroïne qui ne vivait que pour et par lui.

Si différente de toutes les actrices l’ayant en France précédée, tant son refus des convenances allait au-delà de tout ce qu’on n’avait jamais vu, la toute jeune Béatrice (revoyez sa scène d’essai pour 37,2 : absolument irrésistible ! et qu’est-ce qu’elle est mignonne avec son polo marin !) devint à la fois emblème et objet de scandale, de celles à propos desquelles le spectateur raisonnable aime se gausser et juger. Ne comprenant guère, le malheureux, que les astres n’ont rien à voir avec le commun des mortels, et que chacun d’entre eux, je parle des authentiques, ne ressemble par définition à aucun de ceux qui l’ont précédé. 

Béatrice Dalle ou l’étalon-mesure de la tolérance ambiante …

Apres ce triomphe, les chemins empruntés par la jeune autodidacte au parfum de scandale prirent (si l’on passe sur son second film qu’elle renia et qu’aussi je ne citerai point) une direction plus que surprenante pour les amateurs de potins : celle des auteurs les plus exigeants, à la limite de la marge pour certains. 

Dès La sorcière de Marco Bellocchio, la route fut tracée : loin des facilités du Box Office, Béatrice Dalle, film après film, construisait sa légende en associant son nom a tout ce que le cinéma français d’abord, international ensuite, comptait de découvreurs et d’artistes underground : Jacques Doillon (La vengeance d’une femme : superbe duo avec Isabelle Huppert), la géniale Claire Denis (trois films ensemble), Olivier Assayas, Christophe Honoré, Jim Jarmush, Abel Ferrara et Michael Haneke (excusez du peu). Des auteurs, des vrais, pas forcément populaires mais vraiment en avance sur leur temps pour beaucoup, ayant en cette muse à nulle autre pareille reconnu un diamant capable tantôt d’illuminer tantôt d’assombrir.

Car Béatrice Dalle, telle un Depardieu au féminin, incarne et ne joue point, c’est-à-dire se lance et donne son corps sans filet s’il le faut. Loin d’être technique, son jeu qui n’en est pas un est dans certaines expériences limites (qu’elle est la seule à oser – comme un complément underground / avant-garde d’Adjani) est capable de donner le vertige. Cannibale dans Trouble Every day de Claire Denis (chef d’œuvre !) ou meurtrière assaillante terrifiante dans A l’intérieur de Julien Maury : qui d’autre est capable d’aller aussi profondément dans les enfers, je ne vois pas.
Souvent retenue car correspondant aux clichés bourgeois à propos d’une actrice que la rumeur se complait à rejeter dans la marge, cette face-là d’une interprète authentique jusqu’au bout des ongles a parfois tendance à masquer l’autre versant, celui qui se résume en un personnage incarné chez Lelouch (La belle histoire), sans doute l’un des plus beaux personnages féminins qui soient, et à mon sens la traduction la plus juste de Béatrice Dalle dans la vie de tous les jours, à savoir Marie Madeleine.

Car cette Maria Magdalena, qui est-elle sinon outre la prostituée sublime, c’est à dire l’incarnation de ce qu’une société corsetée aime autant utiliser que mépriser sous cape, que la plus fidèle des serviteurs d’un sacré bonhomme qui mourut pour nous autres sur la croix ? Tous l’ayant fui, qui reste-t-il à ses pieds sinon elle, cette amoureuse non pas éperdue mais sans peurs, sans filtres, sans faux semblants ? Dans tous les personnages incarnés par cette actrice que je suis avec admiration depuis trente ans, de Betty à Lucrèce Borgia, je ne vois guère qu’elle, cette Marie- Madeleine, sous différents visages, depuis les plus rayonnants jusqu’aux plus troubles, un peu comme un kaléidoscope capable à partir d’un seul être, que ce soit sur un écran ou sous les objectifs des plus grands photographes, d’éclairer de mille façons différentes un monde enkysté de faux-semblants.

Cette Marie-Madeleine auquel Béatrice, dans le dernier Claude Lelouch, le merveilleux Chacun sa vie, offre une magistrale interprétation. Une Marie Madeleine de type putain à l’ancienne, comme un personnage du cinéma français des années 50, la chouette nana qui te reçoit chez elle dans une jolie maison, qui te soigne, te fait causette, te fait mille petites gâteries et te raccompagne dans un sourire sur le seuil. Une Marie Madeleine qui se décide enfin à raccrocher et à s’occuper uniquement d’elle-même, et qui pour la dernière fois reçoit à demeure un de ses clients fidèles, lequel lui fait la déclaration du siècle et lui demande sa main. Qu elle refuse pour conserver sa liberté, lui disant cash les choses, avec humour, beaucoup d’humour, mais, surtout, et c’est vraiment ce qui contre toutes les incompréhensions envers une femme assumant son gout pour la provocation résume une des deux ou trois plus grandes actrices que nous ayons en France : un humanisme épris de  bienveillance.


mardi 19 décembre 2017

50 ans de cinéma SF : Total Recall




Adaptation très libre (et très éloignée) d’une nouvelle de Philip K.Dick, le second film hollywoodien du génial hollandais Paul Verhoeven (venant juste après le triomphe de Robocop) passa de main en main pendant plus d’une décennie (David Cronenberg entre autres) avant que d’être happé par Arnold Schwarzenegger. 

Figure du cinéma d’action au corps totalement fabriqué selon les canons de l’époque, l’acteur autrichien cherchait alors un rôle capable de le sortir de performances trop simplistes, et poursuivre l’expérience commencée avec Terminator d’un cinéma d’auteur grand public exigeant. Ce fut lui qui imposa Verhoeven au producteur Dino de Laurentis avec qui il entretint une collaboration exemplaire, le réalisateur ne tarissant pas d’éloges sur son acteur vedette.

Sous un script de SF pure perce une critique acerbe à la fois de l’Empire américain (et au-delà anglo-saxon) colonisateur et sanguinaire, de la société capitaliste et de sa collusion avec des médias complices, d’un monde policier ou la surveillance technologique pénètre jusqu’aux âmes et aux souvenirs. Difficile de ne pas voir dans cette Rekall, société implantant des souvenirs à ses clients, une référence au programme MK Ultra de la CIA, ou un clin d’œil aux expériences psychiatriques de déprogrammation / reprogrammation du cerveau, menées en Amérique du Sud par certains tenants de l’Ecole de Boston.
Deus Ex Machina, les dirigeants tireurs de ficelles, confortablement installés sur la planète Mars d ou, tels les capitalistes américains et les amis de George Bush père et fils, ils exploitent les mineurs et mettent la main tant sur l’oxygène que sur des planètes-colonies tout justes bonnes à tomber dans l’escarcelle de l’Empire, se frottent les mains. Ces diables ont pénétré les consciences des peuples en leur ôtant jusqu’à leurs propres souvenirs, et ne leur ont laissé en échange qu’un confort illusoire. Vide de toute conscience, les esclaves ont pénétré 1984 tout en se croyant encore sur La plage avec Leonardo du Caprio.

Parfaite représentation de l’agent US soumis et manipulé par une autorité supérieure avec lequel Verhoeven s acharne avec une malice de chaque instant, faisant de lui le jouet d’une fausse épouse (Sharon Stone dans ses débuts), le sadisant au travers de scènes entre le comique et le gore (la scène ou lui est ôtée sa puce nasale …), le héros incarne bien l homo-occidentalus- mouton soudain confronté à un reflet de lui-même perçant le dessous des cartes. Et donc à la prise de conscience de son propre asservissement, contre lequel il va entrer en lutte.

Film d’action certes, mais véritable anticipation de l’époque actuelle que ce Total Recall (Ghost in the shell avant l’heure …) mettant en perspective, dix ans avant Matrix, la coexistence de deux réalités parallèles et imbriquées. Le monde tel qu’il est perçu est une illusion, le faux Doug Quaid du début (jouant ses scènes comme dans un sitcom) fait peu à peu place à un autre, authentique celui-là. Qui, ouvrant les yeux sur son inconscient, découvre le monde tel qu’il est : une immense manipulation ou une poignée ayant le contrôle des âmes dirige une masse abrutie par des projections illusoires. 

Le cocasse est que c’est par cette multinationale Rekall et donc par la technologie manipulatrice que, par annulation des deux reprogrammations, l’être se redécouvrira à lui-même et parviendra à lentement ôter sa chaine. 

Il y a donc en nous tous, suggère le cinéaste, à la fois la capacité à s’endormir et celle à s’éveiller. Sortir de la matrice nécessite du courage car les coups pleuvent et les proches désertent : mais au bout du tunnel ...