Light s’est faufilée dès l’aube de
l’autre côté de la porte de notre chambre, pour sur le moelleux de ses
coussinets regagner le jardin de l’hôtel, celui que l’on nomme « el jardin
escondido » parce que comme caché de la ruelle, et de l’extérieur
simplement visible si l’on fait l’effort de tourner le regard vers la porte
dérobée entrouverte. Depuis notre arrivée en cette alcôve de silence où seul le
chant des oiseaux et l’écho des caquètements des poules des maisons attenantes
ont droit de cité, elle est parvenue en seulement quelques jours à s’y sentir
chez elle, ayant patiemment déposé ses phéromones sur chaque brindille, et
ayant testé toutes les cachettes possibles et imaginables pour un chat : se
glisser sous les bosquets à l’abri des regards, se terrer sous les branches des
fougères, se poster derrière les nains de jardin habillant l’espace verdoyant,
se faufiler dans la pièce de la chauderie de la piscine, et puis grimper sur
les toits sans le plus souvent parvenir seule à en descendre, sauf à ce que des
heures ses miaulements n’appellent en retour qu’un poli silence.
Qu’il pleuve ou fasse soleil, ma
sentinelle compagne n’a de cesse que de vagabonder sans longtemps s’éloigner de
moi qui penché sur le clavier travaille les mots. Lorsque d’aventure du dedans
nait la douce énergie précédant la strophe poétique, la voilà qui depuis sa
cachette s’avance ondulante, comme appelée par le vertige de ces mots sortis de
nulle part pour instantanément faire sens en une étonnante harmonie des
syllabes. Ainsi appelée cela lui parle et lui suffit pour revenir veiller à ce
que le flux jamais ne s’interrompe et que mes doigts sans jamais que le nez ne
se lève poursuivent la sonate jusqu’à son terme. Et la voilà qui posée sur un
tronc d’arbre haut de quelques quatre-vingt centimètres surveille, moustaches
dressées et yeux vert émeraude plongés en les miens qui semblent bercés par la
musicalité envahissante des mots se succédant en une étourdissante et
improvisée composition. Continue, semble-t-elle me souffler en me regardant avec
une intensité stupéfiante, surtout ne t’arrête point, combien il est délicieux
de te sentir ainsi de toi-même soulevé. Au point où je ne puis, moi qui ne suis
point dotée de parole, que ressentir de tous mes pores et jusqu’à l’extrémité
des poils formant ma chartreuse fourrure leur sens, et au-delà, celui que tu y
prêtes. Lequel telle une flammèche rejaillit en mon âme et me donne cette envie
de contre toi venir me lover, tant ce qui de tes doigts dansants s’extrait me
comble de bonheur.
Je ne puis guère et ne puis plus
qu’écrire en sa divine féline présence. Incarnation magique de la suprême
inspiration, Light ma lueur intérieure canalise et redistribue ce lait de l’âme
que recevant en plein cœur je couche aussitôt sur papier, comme pour conjurer
le sort de le voir trop tôt s’écailler. Sois présente, assise sur le tronc de
cet arbre coupé dont les racines s’enfoncent tant dans la terre ferme que dans
ce petit muscle subtil qui lorsqu’à mes côtés tu t’assoupis bat la chamade, et
te fait de tous tes poils frissonner. O ma douce, O ma tendre, O ma bien Aimée :
de quel bois fus-tu née pour détenir pareils sortilèges et m’avoir rendu sitôt
apparue dans mon chemin de vie si dépendant de toi, si bouleversé à la moindre
de tes apparitions, si ému à te contempler avec grâce te mouvoir, si fébrile
lorsque après deux heures d’absence tu n’as point montré le bout de ton museau ?
Cette manière si tranchée que tu as de manifester ton retour et ta présence lorsqu’après une échappée tu t’en reviens à mes côtés. Un ou deux miaulements, un temps d’arrêt sur le palier. Et puis une approche ondulante jusqu’à venir me frôler la jambe en l’attente de la main caressante accueillant ton retour comme on reçoit un trophée.
Magnifique texte très émouvant plein d amour et qui élève l âme
RépondreSupprimerMerci d avoir pu le lire ce fut pour moi un moment suspendu....
anomyme dit bien les choses .. et moi j'aime qu'on soit capable de comprendre et d' aimer les bêtes à ce point , d'un véritable amour ...
RépondreSupprimerMagnifique texte.
RépondreSupprimerInconditionnel amour
RépondreSupprimerTrès beau texte tellement plein d amour
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