Cacophonies en do majeur dans l’ensemble des crémeries du castelet politique, au lendemain de la seconde journée de mobilisation des retraites. Tandis que jusque dans les plus petits villages de France et de Navarre on voyait se profiler d’immenses défilés réfractaires, et que le 1er février faisait une nouvelle fois valser les étiquettes, depuis les péages autoroutiers jusqu’aux tarifs de l’électricité (fin du gel du tarif réglementé pour 23 millions de ménages) en passant par les tarifs des taxis, nos professionnels de la profession s’en donnaient à cœur joie en ressuscitant la Zizanie d’Astérix. Ayant dévalisé la veille le stock de poissons de Bonnemine, les voilà qui à peine lâchés sur les tréteaux commencent à se chamailler entre eux telles des harpies. C’est à qui aura la saillie la plus vacharde, à qui fera le croche-pied le plus fourbe, à qui prendra le mieux la lumière, à qui se démarquera le mieux de ses congénères. En quelques heures, alors que défilaient les cortèges avec calme et dignité, un capharnaüm bordélisé, auquel le ministre de l’intérieur en personne avait donné le top départ, s’échappait par salves des quatre coins du royaume.
« Monsieur
Mélenchon et ses amis défendent une idée gauchiste, bobo, celle
d’une société sans travail, sans effort », avait lâché le
locataire de la place Beauvau dans une interview publiée dimanche
28 janvier dans Le Parisien. Et de fustiger « la
négation du travail » au sein de la NUPES, dont certains
membres défendent un « droit à la paresse », en
contrepoint d’un gouvernement et de sa majorité qui seraient les
héros du « travail, des valeurs de l’effort, du mérite et
de l’émancipation. »
Et
BAM, à peine déclarées les hostilités que le pétard mouillé du
premier flic de France se prend une soufflante à la matinale de
France Info par le toujours furibard Alexis Corbière : « Il
y a une thématique qui monte qui consiste à dire que la gauche
instaure une culture de la paresse. Il y a des permanences de
l’Histoire. Ils reprennent des thématiques de l’extrême droite
des années 30, voire même du maréchal Pétain en 40 ».
Point
Godwin dans les gencives dès potron-minet : on a à peine avalé
une gorgée de café qu’on se prend déjà une dosette des fantômes
d’Hitler et du « Maréchal nous voilà ». Tout dans la
nuance !
Rebelote
le lendemain, cette fois sur France Inter. « Je ne dirais
jamais à quelqu’un qui doute de cette réforme, qui s’oppose à
cette réforme parce qu’il a un travail pénible, qu’il est un
paresseux… C’est quelqu’un qui se lève le matin, qui va
travailler dans des conditions difficiles, je ne me permettrais
pas ». Cette fois c’est Gabriel Attal, le collègue de
Darmanin, qui s’y met, en lui accrochant aimablement un sparadrap
en plein milieu du nez. Avant de l’achever d’un : « Cela
ne vous aura pas échappé, j’essaie de pacifier un les choses et
d’être dans un dialogue de fond sur les différents sujets ».
Et
comme si ce n’était pas assez, voilà le père Bayrou, pas
vraiment un as de la castagne, qui sort le Karscher et le finit aux
fumigènes sur BFM : « Je n’aurais pas utilisé ce genre
de langage car il y a une question de rapport au travail
qu’il faut prendre au sérieux. Ce genre d’affrontements » ne
constitue rien d’autre que « la plus mauvaise manière
d’engager le débat ».
On n’est jamais aussi bien servi que par ses amis.
Du côté de ces réticents supplétifs à la macronie que sont les députés LR, ça tonne à tout va à l’approche de l’iceberg, chacun tremblant pour sa pomme de connaître le cimetière des éléphants avant l’échéance de 2027.
Soucieux d’apparaître à la tête d’un parti de gouvernement, leur toujours vert Président Éric Ciotti répète pourtant que sa famille politique sera « au rendez-vous » de la réforme, dont il dit mesurer « l’impérieuse nécessité » tout en voulant en « atténuer la brutalité ». Une volonté d’apparaître dans le camp des « responsables » partagée par le président du groupe LR au Sénat, Bruno Retailleau, son ex-adversaire en finale du congrès LR en décembre.
Patatras ! A peine la ligne définie que des quatre coins de ses rangs les récalcitrants se mettent à donner de la voix. « Moi, sur le terrain ce week-end, je n’ai pas rencontré une personne qui m’a dit qu’il fallait voter pour la réforme, y compris parmi les militants LR », le charrie Antoine Minot, député de l’Oise, aussitôt repris a cappella par son collègue lotois Aurélien Pradié : « Plus les semaines passeront, plus les Français mesureront les injustices massives de l’actuelle réforme des retraites. Les femmes, les mères, ceux qui ont commencé à travailler à 20 ans, ou avant 20 ans sans 5 trimestres validés. Les travailleurs », tweete t-il obstinément sourd aux consignes du chef. Ressuscité des morts, Xavier Bertrand ne rate pas une occasion de dénoncer une réforme « profondément injuste ». Laurent Wauquiez, quant à lui, estime que le « principe de responsabilité consiste à ne pas s’opposer à cette réforme », tout en considérant que celle-ci comporte « des lacunes ». Quant à Valérie Pécresse, à peine guérie de son score d’avril dernier, elle tente en vain de donner de la voix et d’appeler ses ouailles à la raison.
Dur
exercice pour nos « ni ni » préférés : où
comment se faire mousser sans se renier tout en tirant la jupe
d'Elizabeth Borne en quête de bonbons à ramener dans sa
circonscription. Pas facile d'être cohérent avec ce qu'au printemps
dernier on promettait au pays quand le samedi en arpentant les allées
du marché de sa propre circonscription on peine à trouver quelque
supporter prêt à défendre la ligne de l'avant-veille. Alors on
sort la loupe à la recherche de quelques grammes de justice sociale,
on se contorsionne au moindre micro tendu, on passe dix fois sa
langue sur ses lèvres avant d'esquiver en beauté, on se retranche
derrière un avis qu'on ne manquera pas de justifier a posteriori par
de prétendus coups de boutoirs en commission parlementaire. Et on
s'émerveille de prendre ce peu de lumière avec la peur au ventre de
retomber aussitôt dans l'oubli.
Quant à nos chers
extrêmes, depuis qu’une astuce des présidents de groupe a donné
l’avantage à la motion du RN contre celle de la NUPES, c’est
festival de lâchers de nains et boules puantes à tous les
étages.
« Je le dis pour le groupe écologiste,
nous ne voterons pas cette motion référendaire », assène,
catégorique, l’inénarrable Sandrine Rousseau sur Europe 1 ce
mercredi. « Non pas que sur le fond nous ne souhaitions
pas ce référendum, nous le souhaitons. Mais par contre, nous
l’avons décidé et nous le ferons pendant toute la mandature, nous
ne pouvons pas collaborer avec un mouvement fascisant comme l’est
le Rassemblement national, avec les racines qui sont les siennes et
qui viennent de la collaboration française. Il n’en est pas
question ».
Et
re-Point Godwin dès l’aube !
« Vous êtes
les idiots utiles du gouvernement, leur avait balancé la veille en
commission parlementaire le député RN Thomas Ménager, accusant la
Nupes de « bordéliser » la commission. Vous
faites un cadeau au gouvernement, ils sont tous très heureux de ne
pas parler du report de l’âge légal ». Et sa collègue
Laure Lavalette de renchérir : « Mettez de côté votre
incontinence législative ! ».
« Si vous
n’avez pas envie de travailler dans cette commission, partez,
faites autre chose, allez vous promener ! », leur répondit
aussitôt Antoine Léaument de la Nupes.
Où que l‘on
tende l’oreille, ce ne sont qu’invectives, croches pieds, noms
d’oiseaux et trahisons entre amis dans les bosquets. Un bel exemple
donné à des concitoyens qu’en temps normal ils n’ont de cesse
de réprimander comme on le fait envers une classe dissipée. Et un
signe manifeste qu’en ces jours où des tréfonds du royaume monte
la grogne et meurent en silence commerçants, artisans, personnels de
soins suspendus, SDF et petits vieux sans famille, rien ne prévaut à
leurs yeux que ces querelles de préau d’écoles indignes des
mandats qui leur ont été confiés.
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