Eux, ce sont les éternels oubliés, les sacrifiés de demain, ceux qu’on n’invitera pas sur les plateaux télévisés pour nous conter leur banale descente aux enfers - ou alors au détour d’un mini reportage à la fin d’un JT. Pour eux, pas de larmes de crocodiles, pas d’envolée lyrique de Madame Taubira, pas de tolérance pour cause d’émotion trans-nationale, pas de loi d’exception, mais un DEMERDEZ-VOUS, QUESTION SECURITE, ON S’EN LAVE LES MAINS sur un en-tête de la République signée de la main du Préfet Lallement .
Déjà mis à mal par des
mois et des mois de manifestations des GJ, contraints à fermer le rideau tous
les samedis et à protéger leurs biens des casseurs et des jets de LBD, victimes
de saccages et de dégradations, ces commerces qu’on appelle de proximité (bars,
restaurants, salons de coiffure ...) se sont vus contraints à deux mois de
fermeture non stop du fait d’une gestion sanitaire calamiteuse par nos
Diafoirus de l’état. Les aides financières mises en place par Bercy, beaucoup
n’y ont pas eu droit, les critères retenus, la faute à pas de chance, ne
passaient pas par eux, comme d’habitude. Les charges, elles, se sont
accumulées, les gratte-papiers de l’Urssaf font la sourde oreille aux demandes
de délais, la trésorerie est devenue comme une peau de chagrin, et les maladies
psycho-somatiques ont fait leur apparition, grignotant les systèmes
immunitaires comme un poison. Comme toujours, les banques et les compagnies
d’assurance ne leur accorderont rien, sinon pour les étrangler davantage. A
peine dé-confinés, voilà ces commerçants soumis à un ensemble de règles et de
contrôles tellement contraignants que beaucoup ont préféré ne pas rouvrir pour
travailler à perte. Et voilà que de nouvelles manifestations, interdites mais
étrangement tolérées, contribuent à verser sur ces quasi mort vivants une
nouvelle pelletée de terre. Des repris de justice prennent le pays en otage
hygiaphone en main en direct sous les caméras des chaines d’information
continue, à deux pas des fenêtres de travailleurs anonymes qui peinent à la
tache et somatisent sans rien dire.
D’ici quelques petits
mois, à compter de la rentrée, on commencera à voir fleurir ici et là dans nos
villes des tas de nouveaux écriteaux A LOUER et A VENDRE. Ceux qui seront
tombés sur le champ de bataille ne manifesteront pas, eux, ils ne feront pas de
bruit. Ils ne toucheront pas d’allocations ou pas grand chose, et iront grossir
en silence les rangs de Paul Emploi, où des employés débutants en CDD
prescriront à tous ces nouveaux Daniel Blake des bilans de compétences à
tire-larigot et des stages de rédaction de CV sous-traités à des boites privées
payées au rendement. Les banques saisiront leur bien sans trompettes ni
tambours, ça fera encore des divorces, des dépressions, des suicides et des
SDF. Et une chaine d’opticien rachètera pour une bouchée de pain le fond de
commerce.
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