Dans un petit pavillon d'une banlieue populaire, Julien et
Clémence, un vieux couple, se déchire après s'être longtemps aimé. Un jour,
Julien ramène un chat perdu auquel il vouera une profonde affection. Quand, par
jalousie, Clémence tue l'animal, Julien cesse de lui adresser la parole.
Sorti en 1971, Le chat
est la première des quatre adaptations de Georges Simenon par le cinéaste
Pierre Granier-Deferre, aidé par l'écrivain scénariste Pascal Jardin. Comme
pour La veuve Couderc, Le Train puis L'Etoile du nord, Le chat met en scène un couple d'acteurs vedette parfaitement dirigés,
dont la présence et le talent assureront au film un beau succès public. Le chat
sera l'unique collaboration entre ces deux monstres sacrés que sont Simone
Signoret et Jean Gabin.
Un succès populaire qui, avouons-le, n'est nullement dû à une
quelconque forme de distraction, tant le sujet et le traitement du film sont
déprimants au possible, et tant l'intrigue, minimaliste, nous enferme dans une
atmosphère étouffante et poisseuse, faite de haine ordinaire, de cris de rage, d'incommunicabilité
et de souffrances à peine rentrées.
Ce vieux couple à l'agonie qui autrefois s'est
aimé n'en finit pas de sombrer dans un de ces derniers pavillons un à
un détruits pour faire place aux tours du quartier de la Défense. Leurs
silences et leurs disputes sont couverts du matin au soir par le bruit des marteaux
piqueurs, des pelleteuses, des bulldozers et du fracas des maisons démolies.
On comprend qu’autrefois Clémence fut acrobate, qu’une chute interrompit
violemment sa carrière, et que depuis, la voici vissée à
domicile, aux cotés d'un époux qui du jour au lendemain, sans prévenir et sans
raison, lui annonça que le temps de l'amour était révolu et ne reviendrait
plus.
Tous deux cohabitent sans parler, font leurs courses l'un
après l'autre, mangent de dos sur deux tables de cuisine distinctes et dorment dans
deux lits séparés. Tandis que lui s'enferme dans un mutisme de taiseux en un tendre
face-à-face avec ce chat qu’il a recueilli, elle multiplie les provocations à
son encontre, l'espionne, tend l'oreille à chacun de ses déplacements et semble
quémander ou attendre quelque chose sans oser l'exprimer.
Au dehors, la destruction d'un monde, celui de leur époque et
de leurs beaux jours, au profit d'un autre, qu’ils ne connaitront jamais. Au-dedans,
à l'intérieur du pavillon, pire encore, la haine, de soi, de l'autre, de ce
qu’a fait d'eux le temps qui passe. L'avis d'expulsion résonne comme une
injonction à quitter les lieux dans tous les sens du terme et donc à mourir.
Lorsqu’il n'y a plus d'amour, plus d'envie d'échanger quoi que ce soit, plus
rien à dire, pas même la force de quitter celle ou celui avec lequel on s'était
juré à la vie à la mort, et que ne demeure qu’une forme de résignation
consistant à accepter le naufrage de sa propre vieillesse, alors à quoi
bon ? Et c'est dans ce cloaque que la présence de ce chat, qui devient aux
yeux de Clémence l'équivalent de la maitresse jalousée qu'il convient d'évincer,
va faire prendre conscience aux personnages, un peu tard, que malgré tout subsiste
en eux une once de sentiments.
Décor insalubre et froid qui sent la mort, ciel bouché,
paroles rares, regards qui se fuient, cris auxquels répond un haussement d’épaule
… Qu’elle est lourde, l’ambiance de ce drame conjugal aussi désespérant que
banal, auxquels Signoret et Gabin, indifférents à leur image, prêtent leurs légendes
et leur humanité.
Le film, en parallèle du récit de la dérive mortifère de ses
personnages, dénonce la construction de ces grands ensembles qui poussent de manière
tentaculaire et détruisent ce que fut autrefois la petite vie tranquille de Clémence
et de Julien. Cruelle, nostalgique, torturée et oppressante, cette
bouleversante adaptation de Simenon résonne comme une allégorie d'un monde
nouveau qui se construit tout en détruisant celui qui l'a précédé, accélérant
ainsi le naufrage de la vieillesse.
magnifique film, bien résumé et très bien écrit. Je l'ai vu et revu et chaque fois je ne m'en lasse pas! Bravo et merci cher Christophe de nous parler de ces beaux films. Recevez toute mon amitié, et tout plein de caresses à votre chatte Light.
RépondreSupprimerMerci beaucoup. Caresses transmises a l interessee !
SupprimerJ'ai adoré ce film.surtout grâce à l'excellente interprétation de Gabin et de Signoret: deux monstres du cinéma!! Merci Christophe de nous le décrire si bien....
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