A la mort de leur mère, Michael Johnson et sa soeur Caroline
se retrouvent dans la ferme où ils ont passé leur enfance, dans l'Iowa. Ils
apprennent avec consternation que la défunte, Francesca, a demandé que ses
cendres soient répandues du haut du pont de Roseman. Une bizarrerie que la
lecture du journal intime de Francesca va expliquer. Jadis, au cours de l'été
1965, alors que son mari et ses deux enfants s'absentent pour quelques jours,
Francesca voit arriver une camionnette brinquebalante. Robert Kincaid, un
photographe sexagénaire, en descend et lui demande le chemin du pont de
Roseman. Plutôt que de le lui expliquer, Francesca décide de lui montrer le
chemin...
Quatre jours, quatre simples jours dans une vie. Ça s'est passé
l'été 1965, dans l'Iowa, ç'aurait très bien pu ne pas arriver, cette rencontre,
tandis que les siens lui ont laissée pour elle quatre jours, elle qui, quand
ils sont à table et qu’elle les a servis reste à la fenêtre et regarde au loin,
tandis qu’ils ne la regardent point. Les siens, son mari et ses enfants, sont
là qu’elle déjà semble ailleurs que dans cette vie qu’elle s'est choisie, pour
laquelle elle décida d'arrêter son métier, pour simplement être la femme de, la
mère de, et une femme au foyer, simple, banale, une femme américaine âgée de
quarante ans et quelques, une femme rangée comme il existe tant d'autres.
Sauf que le destin … L'apparition de cet homme qui n’a
jamais fait autre chose que suivre seul ses désirs au gré de son art, celui de
photographier, et qui vient en son comté en mission pour National Geographic.
Deux solitudes qui là, parce que l’évidence semble s'imposer à l'un comme à
l'autre, vont se frôler, se conjuguer, s'épancher – bref, pour quatre jours
seulement, les plus beaux jours de leurs vies, s'aimer.
Cet amour infini, cet amour qui correspond au rêve de toute
une vie, nous allons, par la grâce inégalée de la caméra de Clint Eastwood,
plus minimaliste et sensible que jamais, le voir s'éclore sous nos yeux au
travers de mille gestes aussi pudiques que bouleversants. Trois fois rien, une
bouche qui s'entrouvre, une main qui frôle un épiderme, un tourne-disques, une
chanson. Rarement, peut être dans In the
mood for love, a-t-on réussi au cinéma à traduire le frémissement amoureux,
cette quête des cœurs qui se correspondent, savent l'union de part les
circonstances de la vie impossible, et qui ne peuvent pour autant résister à de
somptueux élans aussi discrets que le bruissement de l'aile d'un papillon.
Les deux interprètes, Eastwood et Meryl Streep, tous deux admirables
à force de suggérer tant avec aussi peu d'effets, semblent ne pas jouer mais
être comme saisis au vol par la caméra d'un documentariste des coeurs les
accompagnant vivre pleinement et se découvrir, et au travers de cette
découverte de l'autre se découvrir eux mêmes comme jamais ils ne se sont connus
ni ne se connaitront après. Car, le prologue l'indique bien, ces quatre jours
renferment en eux tout le suc de la vie et éclairent passé et futur d'une
coloration aussi triste que mélancolique.
Aussi triste que cette pluie battante lorsque, des années
plus tard, tandis que son époux fait une course, elle aperçoit depuis son siège
dans la voiture conjugale la silhouette dans le véhicule juste devant de l'être
aimé, celui qui habite son cœur et l'habitera toujours. En ces dernières minutes,
saisissantes, où les amants secrets sont à quelques mètres l'un de l'autre,
figés l'un comme l'autre dans leurs vies respectives, lesquelles par un cruel
hasard les remet une dernière fois en présence, rejaillissent avec eux en nous
les images devenues mythiques, celles de cette heure et demie de pur cinéma
romantique et tragique dont le réalisateur américain nous a fait cadeau. Et
l'on en vient, tels les protagonistes, à vouloir nous aussi sortir de la
voiture, abandonner nos mornes vies, nous faire tremper par la pluie et oser
enfin vivre pour ne pas mourir le cœur lourd de regrets et de souvenirs jamais
enfouis.
Époustouflant ! Jamais un film ne m aura autant apporter de frissons et d'émotions...on entre gracieusement dans l'histoire pour en ressortir bouleversé ...Merci Christophe à ce partage frissonnant j adore!
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