Anciens professeurs de piano octogénaires,
Georges et Anna rentrent un soir d’un concert et trouvent la porte de leur
appartement forcée. Prémisse d’une tragédie en huis-clos. Très vite Anne a des absences,
qui vont donner lieu à une visite médicale et au diagnostic d’une maladie dégénérative.
Puis d’une opération, qui n’aura pas les résultats escomptés. Anne fait
promettre à son époux de la conserver chez eux et de ne pas la renvoyer à l’hôpital.
Ce que par amour il va faire. Jusqu’à la mort de l’aimée.
Sujet aussi banal que terrible que
la maladie puis la dégénérescence d’un être jusqu’à son décès, sous la
protection aigue d’un conjoint éperdu d attentions. Que le cinéaste va traiter
sans une once de pathos. Le cinéma d’Haneke, on le sait, est tout sauf léger,
il appréhende le réel le plus souvent avec une certaine froideur distante, y
compris face à des actes de violences barbares, souvenons-nous de Funny Games ou de Benny’s vidéo.
Ici, pour la première fois dans sa
filmographie, un sujet propre à l’émotion, qui ne se donne pas pour objectif de
soulever le tapis pour exhiber les horreurs de la bonne société occidentale. Au
contraire de magnifiques personnages avec lesquels le cinéaste, tout en pudeur,
s’inscrit en empathie. Sans épargner grand chose à ses spectateurs qui sur un
pareil sujet ou le processus d’identification est extrêmement simple à
effectuer, et qui parce que le sujet est dérangeant au possible, peuvent tout
simplement décider de se refermer comme une huitre.
Haneke nous enferme dans cet
appartement ou la mort fait peser son ombre de manière crescendo et cela sans
suspens aucun. Ce qui lui importe avant tout, ce n’est en rien de montrer la
maladie en actes en tant que telle mais les actes d’amour tangibles qui l’accompagnent,
ainsi que la permanence de celui-ci entre celui qui soigne et celle qui perd la
tête. Cela va des regards aux petits gestes, sans oublier une lutte acharnée
pour aider l’être en souffrance.
La souffrance d’Anne, les deux octogénaires
refusent d’en parler à des tiers, ils conservent à cet effet une pudeur
admirable, y compris envers leur propre fille. Le cinéaste ne joue en rien la
carte de l’émotion, il se refuse de vouloir tirer sur la carte lacrymale, son
humanisme ne se l’autorise pas. Ce couple, admirablement interprété par
Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva, a su non seulement perpétrer avec le
temps l’amour qu’ils avaient l’un envers l’autre mais l’épurer jusqu’au
sublime. De fait l’immense appartement ou seuls quelques cris de douleur
surgissent pour parfois rompre le silence devient le théâtre de la fin d’une
vie certes douloureuse mais digne, y compris pendant des séquences abordant l’incontinence.
La question du regard, sur un sujet
pareil et à propos de séquences pareilles qui renvoient chacun à chacun est déterminante.
Haneke, par l’infini respect avec lequel il accompagne le couple, tantôt
proche, tantôt à distance, parvient à rendre un hommage mérité à cet amour si
grand qu’il réunit les amants jusqu’au dernier souffle de la malade sous nos
yeux, sans jamais nous donner le sentiment de voyeurisme. Une sacrée gageure.
Bonsoir Christophe,
RépondreSupprimerJe suis surpris que le côté complètement irréaliste du film ne vous ait pas repoussé. Je ne parle principalement pas du thème (quoique ...), car si de tels comportements sont probablement assez rares, ils existent tout de même, dans leur principe du moins. Nous sommes là dans le monde des super-riches, du 0,01%. D'une part ces gens (j'en ai dans ma famille) n'ont pas du tout ce comportement d'intellectuel de gauche milliardaire probe (contradictoire) qui ne savent pas d'où vient la braise et n'ont pas à s'en occuper ni à y toucher. Il s'agit d'une totale vue de l'esprit. Il fallait que le réalisateur aille dans la classe moyenne inférieure un peu à la façon du cinéma italien de l'après-guerre. Il y a là parfois, rarement, des cas de dévouement héroïques qui sont méconnus et qu'il aurait été intéressant de montrer. Mais, vraiment, là, nous sommes dans un délire au pays de nulle part des bisounours milliardaires cultivés. Je ne vois vraiment pas l'intérêt pour le public. Mais peut-être est-ce une ode à "l'humanisme", lui-même tout aussi imaginaire, puisque "humanisme" est un mot flatteur et menteur utilisé par ses séides pour vendre le paganisme aux pigeons orgueilleux. Et le paganisme, c'est le culte de Baal, les sacrifices, etc.
Des milliardaires ? Auriez vous reve ?
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