Amarcord, en patois, je me souviens.
A compter de Huit et demie, tous les
films de Fellini, celui-ci encore plus que tous les autres, se réfèrent à un épisode
de sa propre vie, que le cinéaste du cirque et des clowns revisite avec sa caméra
stylo et ce style unique mêlant comedia dell arte, bouffonnerie et poésie pure.
Ici son enfance – quel plus beau
sujet pour un cinéaste que de revenir sur les pas d’une enfance entièrement reconstituée ?
– et les années trente dans une petite ville au bord de l’Adriatique qui
pourrait être Rimini. Le foyer familial, les années sur les bancs de l’école,
les personnages hauts en couleur de la petite ville, mais aussi la montée du
fascisme et de Mussolini. Tout un kaléidoscope de séquences en apparence décousues
et mises bout à bout comme des sketches, par le jeu de la petite madeleine que
l’on tremperait dans une tasse de thé et qui fait telle la mémoire revenir les
images.
La mémoire et ses splendeurs, la mémoire
qui magnifie et transforme par le seul talent du regard du cinéaste, lequel,
maitre chez lui, reconstitue ses propres souvenirs en studio en s’aidant de
bric et de broc. Tout est ici comme dans bien d’autres Fellini décor de cinéma,
tout ou presque, même la mer est artificielle lorsque l’immense navire de nuit
semble s’approcher des berges, ce navire d’E
la nave va qui symbolise presque
la possibilité de quitter le quai et partir sur les eaux à la découverte d’un
monde ouvert.
Le traitement du fascisme au travers
du prisme du ridicule vaut tous les discours politiques, Fellini débusque le
grotesque, tire à boulets rouges en usant de cette caricature qui rend les
petits personnages si risibles qu’ils en deviendraient presque sympathiques –
et qui vont jusqu’à tirer sur un gramophone qui diffuse L’internationale.
La femme, les femmes, encore une
fois sujets de fascination, les femmes évidemment à forte poitrine, hyper sexuées,
et que le petit Federico regarde les yeux exorbités de désir, et qui entrant
dans la sarabande de ses souvenirs gourmands fascinent autant qu’elles font
rires. Ces monstresses qu’il filme amoureusement telles les amazones de son
petit cirque personnel, sous la musique sublime de Nino Rota.
Eblouissements, émerveillements, éclats
de rires en cascade, et enthousiasme devant le magnifique spectacle offert par
un immense cinéaste qui, maitre de son art comme jamais, nous ouvre la boite
aux souvenirs et nous fait de scène en scène pénétrer son petit grenier
personnel. Entre Roma et Casanova, cet Amarcord,
intemporel chef d’œuvre, et un des plus beaux films jamais réalisés sur l’enfance.
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