jeudi 25 octobre 2018

Chefs d’oeuvre du 7ème art - The Ghost writer



Il – le personnage principal joué par Ewan McGregor n'a pas de nom, ce qui n'est aucunement un hasard vu son métier – est un ghost writer, un écrivain fantôme, c'est-à-dire un nègre, soit pour le système à la fois un écrivain raté et un non être n’ayant qu’une fonction et devant ainsi rester dans l'ombre. 

Cet écrivain fantôme va être embauché au cours d'un rituel de recrutement ou il parviendra en un tour de main à retourner le jury en sa faveur afin de remplacer au pied levé un premier nègre, un premier anonyme, mort non pas à la tache mais noyé à proximité de la demeure de celui dont il devait écrire les mémoires.

Le sujet, l'être central non du film, mais selon les normes sociétales, c'est le supposé auteur soit le sujet du livre biographique, à savoir un ancien premier ministre britannique, entre Tony Blair et Ronald Reagan, superbement interprété par Pierce Brosnan. Adam Lang est un personnage public qui passe sa vie dans les jets, sur les écrans de télévision, en représentation permanente ou en transit donc, y compris dans sa plus grande intimité. Sa propriété, moderne et minimaliste, posée en bordure de mer, fait penser par l'importance du verre à ce concept de transparence que l'on agite pour cacher ce qu’on a envie de cacher. L'homme public est donc un acteur, ainsi qu’il le contera à son nègre, un homme à la base absolument dénué de toute conviction ou idée politique, sorti de l'anonymat par une épouse aussi cérébrale que frustrée, et qui va le transformer en bête politique.

On est donc face à un mutant, une image, un faussaire, un acteur, créé de toute pièce, et qu’un nègre sans nom va avoir pour mission d'incarner. C'est-à-dire fabriquer de toute pièce en utilisant le vecteur émotionnel – la touche spéciale du personnage de Mc Gregor – un artefact, un faux. Le non-être crée donc un non-être prétendant au vrai, construit avec des anecdotes plus ou moins superficielles un être à partir d'une coquille vide. En cela il imite le métier de son sujet. Puis il va au gré des circonstances, par une succession de hasards drolatiques, être parallèlement conduit à découvrir au travers d'un scandale révélé et d'une menace de la Cour Pénale Internationale la vérité qui se terre sous le masque de la respectabilité.

Dilemme splendide pour cet écrivain fantôme non existant aux yeux du monde que de devenir à ses propres yeux un auteur, c'est-à-dire à partir d'un engagement au sein d'une quête de vérité prendre le chemin rigoureusement inverse de son métier, là ou il lui est imposé par des successions de documents juridiques une absolue confidentialité. Rupture du contrat il y aura dans les faits, c'est-à-dire affranchissement.

Le scénario, adapté d'un roman mais co-écrit par Roman Polanski, se réfère par allusions aux affaires mêmes du cinéaste, alors retenu de force en Suisse pour son propre dossier d'accusation de viol et placé deux mois sous les barreaux avant une libération conditionnelle. L'image du suspect, les accusations du tribunal médiatique, le vrai-faux, tous les thèmes y sont effleurés un à un sans que cela n'impacte sur l'hyper efficacité de ce grand film, un des meilleurs de son auteur, hitchcockien en diable.



2 commentaires:

  1. Film qui a sans doute accablé Polanski...trop juste trop direct : toute vérité n'est pas bonne à dire...

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  2. Bonjour, rien à voir :
    article en anglais qui intéressera peut-être : The pentagon's push to program soldier's brain (Michael Joseph Gross) -
    + livre qui m'a touchée "le chemin de la bête" Andrea Japp (volume 2) + voie digne d'intérêt "gene keys" - christophe, quelle est votre date de naissance ?
    BAV

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