jeudi 6 septembre 2018

Segolène et Francois - un extrait de SUNDANCE vol.4



Il la retrouva chez Taillevent aux environs de vingt-deux heures, une demi-heure en retard tout au plus, et l’apercut de loin, sirotant une coupe de champagne et feuilletant un magazine, vêtue comme Romy Schneider dans la célèbre scène du Vieux Fusil, soulevant une voilette noire pour tremper ses lèvres.
« Te voilà donc !
-       Dieu que tu es belle !
-       La beauté du diable, tu veux dire. J’ai fait quelques emplettes chez Saint Laurent avant de venir ici. Je te préviens, j’ai dépensé un bras.
-       Il ne manquerait plus que ma bourgeoise se prive ! », fit-il en l’embrassant à peine bouche.
Elle le dévora des yeux. De lui exultait un parfum de sexe tel qu’elle eut envie, là, de s’abandonner à lui couchée sur la table.
« Francois m’a parlé de ton entrevue avec Rocard.
-       Ca n’a pas trainé dis-donc, le vieux a ses antennes partout !
-       Andouille, vous étiez filmés, on vous a apercus au 19/20 sur la 3 !
-       Sympa le Rocard. Super poussiéreux, bien naif et sur de lui, mais sympa !
-       T’as l’intention de l’utiliser
-       Le gars m’invite à bouffer, j’accepte, ca va pas plus loin.
-       Pas con d’avoir la aussi un pied chez l’un puis chez l’autre. On se répartit les roles !
-       Pas vraiment envie de le rouer de coups comme tu te tapes le vieux, sourit Pierre. T’as couché avec
-       Pas cette fois non. On avait ni l’un ni l’autre la tête à ca. Je suis passée chez Chirac tout-à-l’heure sinon.
-       Et …
-       Bah, pas brillant le Chichi, tout frippé, une tête de hérisson sous tranxenne. Impossible de le dérider ».
Un serveur en smoking s’approcha, prit commande puis s’éclipsa.
« A toi mon amour ! A ta réussite !
-       Merci partenaire ! Tu es parfaite, je peux pas dire.
-       Chacun mon tour, coco. Je me délecte à rester dans l’ombre.
-       Telle l’araignée qui tisse sa toile …
-       Je n’ai aucun plan, figure-toi, je me laisse guider. Au fait, j’ai semé des cailloux pour toi. Tu intègreras le dispositif de campagne de Chirac à compter de 1992. Et j’ai fait biffer ton nom sur le truc de Toubon.
-       Je l’ai envoyé bouler. Débile, leur truc !
-       Evidemment l’idée venait de cette pute de Ballamou. Lequel vient tout juste de s’installer dans de luxueux bureaux dans le VIIème, on se demande bien pourquoi.
-       Ouais je suis au parfum. Devine qui est son visiteur favori …
-       Le petit Nicolas !
-       Bingo ma bourgeoise !
-       Celui-là, j’ai rencontré son oracle, tiens …
-       Attali !
-       La tête de hibou, en personne. Je te l’ai battu froid, il a du avaler sa kippa.
-       J’adore tes blagues antisémites.
-       Arrête, tu sais que j’aime le peuple juif, je parle des vrais. Mais celui-là et les autres du même accabit …
-       Pas la peine de développer, le truc du complot ca va je maitrise !
-       Donc d’ici 92 t’as trois ans et demie pour te faire mousser ici.
-       T’as des pistes …
-       La télé, chéri, la télé. T’as une gueule à crever l’écran. 7 sur 7 tu connais.
-       Ouais. Pas mal Anne Sinclair.
-       Très pro, vraiment. Pour moi la meilleure du PAF. Démerde-toi pour faire l’invité mystère un de ces quatre. Avant plus tard de faire un numéro complet !
-       Tu penses quoi des débats sur la deux.
-       A faire évidemment au moins une fois, mais ne va pas t’y user. Et débrouille-toi pour systématiquement fuir les plateaux ou Sarkozy y sera. Il risquerait de te faire de l’ombre !
-       Quoi, ce nabot !
-       Ne le sous-estime pas, il est certes infect mais c’est un animal politique de premier plan. Gros, très gros potentiel. Tiens d’ailleurs j’en ai repéré deux autres, que Francois m’a présentés.
-       Dis toujours.
-       Francois et Segolène !
-       La dinde du Poitou au chabichou ! Nan mais la blague, t’as vu le look !
-       On s’en fout du look. Ecoute, pas plus tard que ce midi j’ai eu un déjeuner en tête-a-tête avec elle à la demande expresse du prince. Elle m’a fascinée. Potentiel énorme. Gros égo certes, mais une intuition phénoménale, un culot d’acier, beaucoup de bon sens et surtout un courage qui force l’admiration.
-       Bigre !
-       En contrepoids son compagnon …
-       Francois Hollande …
-       A première vue on dirait un édredon. Joufflu, marrant, sympa, pas très charismatique. Mais si tu regardes le fond de son œil … Aussi froid et tranchant qu’elle. A eux deux, la baraka, crois-moi.
-       Tout le monde dit que l’avenir c’est Fabius !
-       Tout le monde se plante ! Ca sera Chirac, Sarkozy et le couple Hollande,  l’un ou l’autre ou les deux. D’ailleurs entre les trois derniers, devine le point commun !
-       Attali, je parie !
-       Gagné.
-       OK pas la peine de se creuser davantage la tête.
-       De toutes facons dis-toi une chose, Pierre. Si la presse à Paris dit blanc, dis-toi que ca sera tout sauf blanc. Ces vendus se plantent tout le temps et sont payés pour !
-       Ils le font exprès
-       Même pas, ils sont nuls c’est tout. Donc, si je peux me permettre, va voir ton Rocard, mais va aussi voir Hollande. J’en ai parlé à Ségolène, entre femmes ce genre de choses on peut … Il sera d’accord.
-       But de la manœuvre …
-       Toujours se rapprocher des meilleurs et le plus en amont possible !
-       Comme toi avec Chirac. Tu auras ta récompense après 95.
-       Je n’en veux aucunement, la vie au Château non merci on s’y emmerde copieusement. Claude et Bernadette se disputeront l’argenterie et les ors, je passerai en bonne copine pour tacher de les départager.
-       Bon, pourquoi pas. Purée, avec une capacité comme toi à imaginer l’avenir avec vingt ans d’avance, on va se faire copieusement chier à appliquer le programme !
-       Toi peut-être mais moi surement pas vu que j’ai l’intention d’improviser !
-       Tu veux dire …
-       Que j’en serai pas Pierre, sinon en filigranne et uniquement sur un mode privé. Le sceptre de l’ambition est entre tes mains dorénavant ! ».
Le serveur réapparut avec leurs plats et les servit avec méticulosité.
« Eh bien sur ces bonnes paroles ma bourgeoise, il ne nous reste plus qu’à faire une chose, dévorer ! »

Extrait de SUNDANCE - Livre 2 - Exode - volume 2 - chapitre 131
parution - fin septembre 2018 

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