L’Algérie,
ah, l’Algérie.
Que ce fut complexe que de trancher et d’agir pour le bien commun en état de guerre. Je dus là encore non pas faire les choses à la perfection mais tenir compte des évolutions, des forces en présence et aussi du sens de l’Histoire. Quitte à me
montrer intraitable, quitte à
sacrifier des hommes, quitte à
donner le sentiment de retourner une veste qu’en mon ame et conscience je laissais volontairement ouverte
et prête à être retournée. Car, en cela la formation militaire et l’exercice du commandement de la bataille y préparent, ce que l’on nomme stratégie est une réflexion en
action, qui s’adapte et sait profiter de reculades pour anticiper
le mouvement d’après. Général je suis, Général je demeurai. Et donc, de l’Algérie
Francaise à l’indépendance.
On oublie quand on raisonne avec ses nerfs que les
mots ont un sens, et que celui-ci, du fait de la richesse de notre langue, peut
être double voire triple. Je vous ai compris, cela
dans mon esprit ne signifiait en rien je vais faire ce que vous voulez. Cela au
contraire signifiait que De Gaulle vous a entendu et tiendra compte de vos aspirations.
Les francais d’Algérie etaient des francais, mais ils n’étaient en même temps que cela, or moi j’incarnais le pays. Et donc, observant les pertes en
dépit des répressions,
et constatant le jeu de forces réactionnaires,
je fis là aussi comme un assaut intérieur contre moi-même, contre cette histoire à laquelle j’avais été mêlé
et qui voulait que je conserve ma France, celle du passé. Or la France n’est point mienne, pas plus qu’elle n’est à
vous, elle est à elle-même pour etre ensuite à chacun, et pour cela, il convient, dans la subtile
compréhension des choses et y compris en usant de dureté, d’entendre son souffle, de comprendre sa voix, et de déciller son destin. Celui-là tendait vers le détachement, Colombey les deux Mosquées c’était ca, c’est pourquoi j’usais de ce vocable simple, auquel la plupart des
francais, y compris mes opposants, adhérèrent.
L’OAS et ces généraux à
la retraite – je fus intraitable. Quand on est investi d’une mission nationale, quand on appartient au corps
de l’Armée,
quand la tête de l’exécutif,
contrairement à 1940, tient, on obtempère. Ce furent des traitres, des traitres à leur mission qui est de servir et non de se servir
en confondant leurs désirs et la réalité du peuple francais. De Gaulle se montra à la fois dur et souple envers le FLN et
intransigeant envers l’OAS.
Les harkis … Ah les harkis. Ils furent une plaie en
mon coeur, je fus en effet intraitable envers eux aussi et les massacres furent
un prix lourd qui résonne étrangement en ma conscience. Vous tachates de m’alerter, ma chère Yvonne, sur leur cas, vous me disiez, acceptez le
rapatriement. Mais j’étais alors pris par un mouvement intérieur ou le bras est levé et tient un glaive et n’a guère de temps pour s émouvoir. Alors, et je le reconnais, je fus injuste,
et au travers de moi, la France se montra injuste envers certains de ses
enfants.
Il n’en reste pas moins que l’Algérie
est dorénavant souveraine, ce grand pays qui avait son
histoire a profité de sa situation coloniale, s’en détacher
était nécessaire,
les premières années
ne furent pas évidentes, pas plus que la France après 1789 d’ailleurs, mais les choses depuis se sont fort améliorées.
Je n’avais pas vocation à maintenir un joug sur le désir d’indépendance
d’un peuple dont l’ame exulte dans le regard des petites gens.
Donc ma chère Yvonne, en trois ans, je parvins à conclure par le haut un dossier, comme le disent
les politcards, qui avant moi était
une pétaudière. Nous pumes ensuite nous recentrer sur la France
et les francais et sur eux seuls, puisque telle est la mission d’un chef d’Etat, s’occuper de ses enfants, préparer leur avenir, les protéger parfois d’eux mêmes, et dresser un destin au-delà-des contingences de l’instant. Sur cette conclusion, je puis, me
retournant sur ces années, me dire
que j ai accompli ma tache dignement.
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