Un an après la libération
et son gouvernement, nous étions
de retour à Colombey. Pour douze longues années d’exil. Chassés par la conjuration des partis, mis à la porte par des politiciens de tous bords, ces
petits fabricants de combinations et conjurations ou l’on s’arrange en coulisses pour préparer les mauvais mets.
La France se mettant à la porte d’elle-même, se débarrassant
de sa grandeur pour y substituer ce qu’elle fait de plus médiocre. Une IVème faite de bric et de broc, sans cap, sans tête, un exécutif
s’auto-exécutant
tous les ans, un parlement parlementant en mentant à peu près tout le temps, un ramassis d’arsouilles venant prendre commande à la corbeille sans même se cacher. Sous différentes étiquettes,
des serveurs de la bonne soupe de la maison Rothschild et de ses affidés. Une armée de Mickey, du Walt Disney en lieu et place de Jeanne d Arc. Douze
années de dérives
et d’arrangements, pour ces élus d’eux-mêmes et non du ciel. Qui s’échouèrent sur leur plus grave échec, que dis-je, sur d’authentiques crimes de guerre commis de leur fait,
imposés à
nos soldats, en terre algérienne.
Là,
ces petits politicards perdus comme des garnements incapables d’éteindre le feu qu ils ont déclenché
s’en sont venus ici un à un quémander
une main secourable, celle qui avait libéré ceux qu’ils représentaient
si mal. S’essayant auprès de moi à
des contorsions, me faire accepter leurs compromissions, surtout rester dans le
navire, ne pas être jeté à l’eau, les pleutres, quelle bassesse. Quand je pense,
ma chère Yvonne, que vous leur servites personnellement le
thé … Vous restiez là à mes cotés sans un mot tandis qu’un à
un égrenait ses petites requetes empreintes de
mesquinerie. Vous leviez les yeux au ciel, je regardais votre visage assombri,
sans dire un mot vous m’invitiez à
ne pas ceder un pouce.
Ce que je fis.
Ces douze ans, quel calvaire. Nous eumes les enfants
à demeure, cela ce fut plus que beau. Mais nous n’eumes guère que ca, ca et mes ouvrages écrits, ce que d’aucuns nomment mes oeuvres, qui m’occupèrent bien. Que vous avez relu ligne à ligne, que vous m’avez aidé à amender par fines touches, toujours cet oeil, cette
précision toute féminine qui est votre sceau. Dieu du ciel, combien vous m’avez exaucé …
Il fallut donc en créer un, eh oui, un parti, un de plus, mais un pas comme
les autres, du moins tel était
le projet. Sauf que là encore,
comment se distinguer entièrement de la fange quand il nous faut composer avec
l’ame humaine, avec ses propres troupes, avec leurs
ambitions, leurs caractères, leurs lachetés parfois. Ah qu’il m’a si souvent fallu à Colombey recadrer d’un haussement de ton martial tel ou tel, leur
rappeler le dessein, remettre de la hauteur, manier la cravache mais aussi
flatter les égos, simplement pour que le bateau avance sur les océans.
Il y eut une ligne, celle d’un exécutif
fort et d’un refus absolu des accords et des compromissions
avec les autres partis d’ou qu ils viennent, il y eut l’affirmation coloniale, il y eut un refus viscéral de la ligne des communistes du fait de leur montée dangereuse. Il y eut, je dus faire avec, quelques
pétainistes qui rejoignirent nos rangs, j’étais pour la réconciliation nationale, les laisser sur le seuil eut été
leur permettre de prospérer par leurs
propres moyens, je préférai les amadouer et y parvins du fait de ma stature.
Il y eut des succès, puis des trahisons et des départs, puis des échecs, enfin une mise en sommeil. A compter de
laquelle je m’attelai avec davantage d’ardeur à
circonscrire les bases de ce qui deviendra plus tard la Cinquième République.
On parla de putsch, de dictature, de rapt du pouvoir
alors que je ne fis, à mes
conditions, que prendre le sceptre laissé au sol et inscrire mon action dans le droit fil de ce que les
institutions déclinantes m’autorisaient à faire. Ce coup d’état permanent, de la part d’un petit maitre en coups d’éclats déclinants,
quel angle d’attaque médiocre.
Celui-là, à
part s’évader puis se faire reprendre et passer d’un camp à
un autre… Quel petit bonhomme, vraiment, toujours obsédé à se pousser des coudes et à tacher d’atteindre une hauteur impossible pour lui. Se
rehausser sur De Gaulle, une douteuse plaisanterie à laquelle il fut le seul à croire …
Je revins donc, et nous pénétrames
ce palais de l’Elysée que, ma chère Yvonne, vous aimiez si peu. Ces grands salons
pompeux, ces décorums emprunts de grandiloquence, ces huissiers
ouvrant nos portes. Vous futes économe
et vous reglates rubis sur l’ongle tous nos frais. Nous fumes, bien évidemment, les seuls à le faire. Les dispendieux, ce fut pour après, et nous en sommes parvenus au plus parvenu de
tous.
Pauvre France …
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