Adonnés à un destin de console portative, d'hygiaphone à gourous et
de porte-serviettes bruyants, les supporters – ou militants – ont un besoin
viscéral de raccrocher leurs wagons à une
locomotive qui fait TUT TUT à leur place, leur indique la voie, les fait s'arrêter au
passage piéton, tonner du clairon à
volonté et siffler à tout va.
Rattachés à un leader, à un parti, à une centrale, à un club de
foot ou à une vieille Madonne liftée, ces sympathiques suiveurs ont remisé par devers eux toute velléité d'affranchissement, défendent le chef et sa ligne, tractent gratuitement, remplissent les
stades et versent leur obole sans moufter au 5 du mois.
Cette attache de type affectif est un lien et une
chaine qu'ils caressent voire lèchent en japant. Remettre le trousseau à autrui a le
mérite de se reposer sur l'autre, de le
laisser décider pour soi, de remplir à ras bord
parfois une existence pas trop bien définie. Alors le parti, le chef, la vedette, l'équipe de foot
décident et montrent la direction et le petit
supporter exécute. C'est simple, pas fatiguant, ca occupe et parait même que ca en
rend un paquet d'entre eux fiers.
Le truc c'est que le leader ou la tête de pont
peut se passer de toi, tu es interchangeable et anonyme dans cette foule, ce
fut toi mais ca pourrait sans rien changer tout à fait être un autre,
avec exactement la même soumission et le même système de
croyance. Le fan supporter, le petit militant – ils ne peuvent que s'illusionner
sur les intentions réelles de ce
chef distant qui leur dit à tous ce que chacun veut entendre mais ne fonctionne
que sur une illusion, celle de faire ca pour eux tous. Parce que sa foule, le
chef s'en fiche, elle est composée d'êtres sur lesquels il ne penche son regard que pour y
trouver ce qu'il y seme – de l'approbation, un vote, des applaudissements.
En face, ca attend, ca croit, ca espere, ca se fait
moult idées, ca rêve d'un moment intime avec Dieu le Père, un moment
qui ne viendra jamais, un moment qui n'existe pas, n'aura jamais
lieu. Car la seule fonction du supporter est de supporter, c'est-à-dire de
porter sur soi, de se faire homme sandwich, de rester le plus anonyme possible,
de servir les intérêts du maitre, de ne jamais faire que cela.
Alors celui qui tient la laisse fait croire, fait
espérer, retarde le moment, ne passe pas à la
casserole, tout son art est de créer un désir jamais satisfait et de maintenir la crête de ce désir aussi longtemps que possible.
Un jour le supporter tombera malade puis mourra. Le
chef, lui, lui survivra.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire