Un
générique de nuit sur autoroute, au milieu une ligne jaune vif. Une chanson de
Bowie, I am deranged – dont les paroles font sens. Puis un plan sur un pavillon
tôt le matin. La caméra zoome. Une cassette vidéo posée sur le perron. Un homme
ouvre la porte de l'intérieur, se saisit de la vidéo et la met dans un magnétoscope.
On
voit alors un zoom qui s'approche de la maison. De chez lui.
Le
lendemain deuxième vidéo. La caméra entre dans la maison vide.
Le
surlendemain troisième vidéo. La caméra s'approche du lit ou il dort avec sa
compagne.
Il
y a donc une entité qui surveille, espionne et filme ton chez toi en t'envoie
les cassettes …
Nous
sommes à Los Angeles à proximité d'Hollywood. Là ou l’intime n'existe pas, là
ou il devient matière filmique, là ou tout un chacun porte un masque et joue un
rôle. L'homme est musicien de jazz, donc dans la comédie humaine locale, mais
davantage artiste que la moyenne. Indépendant mais intègre.
Un
soir il est invité à une réception. Se fait alpaguer par un homme au masque
blanc et aux lèvres ocres, qui lui dit qu’il est chez LUI et lui tend un téléphone
et lui dit APPELEZ-MOI.
Cet
homme incarne cette entité. Proprement satanique. Un tireur de ficelles qui a
le pouvoir d'être face a toi ET dans ta maison, en deux endroits différents. Ce
non-être fort inquiétant est tel un Diablo ex machina. C'est le programmateur,
c'est lui qui connaît le plan de l'autoroute perdue du titre. C est lui qui
garde sous le coude les codes de la matrice. Et c est lui qui menace.
Le
musicien sera arrêté puis exécuté. Puis – au milieu du film – se réincarnera –
par un petit coup de baguette magique à la MK Ultra … - en un autre individu,
physiquement dissemblable. Lequel va entrer en lutte avec une entité mafieuse,
un homme fort dangereux. Et va re-trouver son ancienne compagne non plus brune
comme dans la première moitié du film mais blonde. Blonde telle une Marylin
hollywoodienne, à laquelle la magnifique Patricia Arquette prête les traits.
Une Marylin qui – nous le savons – fut elle même victime de ce MK ultra.
Voilà
comment Lynch, plasticien constructeur de scenarii énigmatiques décrypte sous
des tonnes de maquillage le monde tel qu’on nous le cache. Il nous conduit
perdus sur une autoroute qu’il parsème de signes et de clefs difficilement compréhensibles
pour quiconque ne connaît rien à ce qu’on place dans les dossiers secrets de la
CIA. Parce que va comprendre Lost Highway si tu n'as jamais entendu
parler de ca, si tu te contentes de suivre l'actualité des grands médias, le
film demeure totalement hermétique, c'est ce qui s'appelle une œuvre pour initiés,
les autres de fait sont totalement largués et voient se dérouler des séquences
fortes sans signification compréhensible.
La
quasi totalité des films de Lynch depuis Blue
Velvet c'est ca. Sailor et Lula,
Lost Highway, Mulholand Drive, bien sur Inland
Empire – l'Etat profond. C'est par excellence le cinéaste de l'intuition et
du sens, celui qui joue sur nos sens, qui associe et dissocie sons et images, qui
déconstruit puis reconstruit le réel en désossant l'illusoire, qui joue avec
les symboles sur le plan de l'utilisation des couleurs. Qui montre un monde le
jour et son envers la nuit – souvenons-nous de Twin peaks. Qui expose la pièce avec les tireurs de ficelles sur un
damier qui parlent à l'envers sur fond de rideau ROUGE – scène que l'on retrouve
dans Eraserhead, dans Twin peaks, dans Mulholand Drive et dans Inland
Empire. C'est celui qui fait s'incarner sur l'écran les démons – l'homme de
la réception ici, le Bob qui prend possession du père de Laura Palmer, l'espèce
de yéti de l'autre coté du mur du fast food dans Mulholand Drive etc.
Avec
Lynch tout est plus que dit, tout est plus que montré. Encore faut-il
comprendre et savoir décrypter les images et les sons ! Et avoir fait l'effort
de décryptage de la matrice en utilisant sa tête !
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