La
marquise de Merteuil, le vicomte de Valmont, la jeune et frêle Cécile. Le trio
de Laclos mis en scène est posé par Stephen Frears, ses liaisons dangereuses
sont aussi haletantes qu’un polar de très haut vol, un polar ou l’on se joue
des sentiments, ou l’on piège par personnage interposé pour se venger de
l’amour qui se refuse une blanche colombe, ou les sans cœurs tirent les
ficelles et se jouent de leurs prochains.
Créer
par la séduction, par l’imitation des sentiments, par la chair qui semble
s’offrir l’illusion de l’amour, et créer de toutes pièces des liens, des
liaisons, des additions sentimentales auto destructrices, telle une araignée
qui tisse sa toile et attire à elle des moucherons. Le cynisme est de mise, la stratégie
conquérante, l’autre nié dans sa dimension la plus pure, renvoyé à une honteuse
solitude, celle de s’être fait berner par celui qu’on aimait, qui tel un
insecte vient, butine, s’en va, revient, rend fou.
Le
jeu des liaisons dangereuses, Laclos comme Frears le démontrent, est un
exercice d’équilibrisme malsain lancé par des êtres vides. Vides de sentiment,
vides de cœur, esseulés, simplement occupés à, comblant leur vide en vidant
autrui. Et in fine, car quiconque fait à autrui du mal se fait mal à lui-même,
se détruit.
Car
ce danger du titre, c’est bien eux qui le créent, détruire est leur œuvre, se
détruire soi quand on rejette à ce point la part noble en soi revient à
utiliser autant d’autres possibles pour ne pas pointer la gâchette sur ses
propres tempes et finir enfin un jour par le faire ou le faire.
Le
machiavélique duo formé par la marquise et le vicomte est comme programmé a ca.
L’un doit détruire d’abord l’autre pour ensuite mourir, il s’agit en effet d’un
combat à mort ou l’égo suprême se doit d’être humilié, piétiné, massacré. Car
le manque originel, cette fêlure de l’être, cette absence et de conscience et
de cœur est une réalité que le temps imposera tôt ou tard, songer y échapper
est vain, le châtiment est inscrit d’entrée de jeu, et de cette correspondance
mise en image par le cinéaste britannique demeure ca, la solitude, la mort, le
sentiment d’un désastre, d’une vie gâchée, sans signification aucune, que de
l’avoir, que des sentiments frelatés qui s’évanouissent dans la nuit noire
d’une chambre aux volets clos.
Admirablement
interprétées – John Malkovitch et Glenn Close à leur sommet, Michelle Pfeiffer
révélée, Uma Thurman parfaite en oie blanche – et mises en scène – tout,
musique, montage, photo, décors, costumes, tout est plus que parfait -, ces Liaisons dangereuses sont un des
sommets de la carrière de ce faux faiseur aux propos souvent modestes qu’est
Stephen Frears. Un authentique créateur de classiques, dont la filmographie
regorge de joyaux.
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