Le
doyen Menou-Segrais, qui a pris sous sa houlette l'abbé Donissan, vicaire dans
un petit village de l'Artois, dont il pressent la sainteté, se voit dans
l'obligation de le réprimander. Mortifications et flagellations excessives n'y
font rien : le jeune prêtre montre trop d'orgueil à se châtier et à gagner les
faveurs de Dieu. Par un baiser du démon, l'abbé devient visionnaire et capable
ainsi de déchiffrer les pensées des humains. Dans la paroisse de Donissan,
Mouchette, une belle jeune femme qui a pour amant le marquis de Cadignan,
envisage de tout quitter pour lui. Lorsqu'elle annonce au marquis qu'elle est
enceinte, celui-ci esquive ses responsabilités...
Ciel
lourd, cieux plombants tombant sur les êtres et la campagne de ce nord de la
France ainsi que sur les épaules de cet abbé qui s'auto-flagelle pour – qui
sait -, endosser tous les péchés du monde et tendre vers la sainteté. Ici-bas
tout semble se livrer à Satan, le mal ne se niche plus dans les détails mais
dans le cœur même des hommes.
Adaptation
du magnifique roman mystique de Georges Bernanos, ce surprenant Pialat – qui
semble à première vue tourner a 180 degrés le dos à toutes ses œuvres
naturalistes précédentes, est l'œuvre d'un témoin attristé d'une époque sans
boussole ni repères, se livrant par distraction ou faiblesse au mal, telle
cette Mouchette – Sandrine Bonnaire dans un de ses rôles les plus forts – trop
sensible et qui va aller jusqu'au meurtre, et qu'on va retrouver morte sur l'autel
de l église …
Interprétant
lui-même le supérieur de Donissan-Depardieu – encore une incarnation magistrale
de notre Depardieu, tout de douleur contenu, au regard et à la voix d'une
incroyable douceur -, Maurice Pialat semble dans les face-à-face avec son
personnage-comédien fétiche interroger et s interroger sur le sens, sur le sens
de tout ce monde, sur la sainteté, sur l'utilité de souffrir ou de vivre
ici-bas, avec dans le regard une forme de désespérance détachée.
La
rencontre à la tombée de la nuit avec le diable tentateur se réfère évidemment
au séjour dans le désert de Jésus Christ ou lui aussi fut tenté, et qui comme
Donissan parvint à repousser ses assauts. Dans cette scène magistrale tournée
en nuit américaine, le ciel s'est incroyablement assombri, le diable se confondant
à une ombre s'appuyant avec perversion sur les épaules fatiguées de l'abbé, et
sa voix persifleuse, tantôt enjôleuse tantôt menaçante, nous glace. Ce fameux
soleil du titre du roman et du film, nous ne le verrons jamais, ou plutôt si, c
est un soleil noir, un soleil de suie et de glaise, cette non-lumière qui fait écran
entre les cieux et la terre, lumière de mort, luciférienne proprement.
Le
presbytère, l'église, les champs, l'intérieur
des maisons, les ruelles du village, les champs à perte de vue, tous sont
recouverts d'une ombre aussi désespérante qu'inquiétante. Et c'est au cœur de
cette nuit que Donissan, éclairé de l'intérieur, marchant à tâtons, cherche,
fouille, lit les ames, verbalise, soulève le corps ensanglanté de Mouchette,
retenant souffle et larmes.
Satan
semble avoir remporté la partie …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire