Thomas
Babbington Levy, dit Babe, un étudiant new-yorkais, déploie plus d'énergie à
s'entraîner quotidiennement pour le traditionnel marathon annuel qu'à rédiger
la thèse qui réhabilitera la mémoire de son père, poussé au suicide par le
maccarthysme. A Paris, son frère, «Doc», échappe à un attentat après avoir
remis une mystérieuse petite boîte à un antiquaire. Peu après, Babe fait la
connaissance d'Elsa, une étudiante suisse dont son frère, revenu en hâte aux
Etats-Unis, lui recommande de se méfier. Une mort violente l'empêche d'en dire
plus. Babe ignore encore qu'un ancien tortionnaire nazi du nom de Szell tire
les ficelles de ces sinistres événements et qu'il est à présent en grand
danger...
Marathon
Man s'insère dans une série de films américains tournés dans les années 70 et
traitant tous de manière différente d'une forme de paranoïa et de haute méfiance
envers les gouvernants des Etats Unis et leurs différentes agences. Comme une théorie
du complot en somme appréhendée à la suite de l'assassinat de JFK et de la
guerre du Vietnam par des cinéastes engagés, curieux de leur époque, soucieux
de faire partager leurs craintes sur certaines dérives du pouvoir et révélateurs
de manipulations des opinions et des citoyens. Network, Les hommes du président, Les trois jours du Condor, Blow
out, Conversation secrète, les
exemples ne manquent pas.
Le
film culte de John Schlessinger mêle habilement plusieurs thèmes. Maccarthysme,
chasse aux communismes et limitation des libertés, judéité et Holocauste,
accointances entre agences américaines et anciens dignitaires et scientifiques
nazis. Le cocktail avouons-le est croustillant.
Ce
polar paranoïaque créant un personnage absolument terrifiant, sorte de Docteur
Mengele en liberté dans les rues de New York et capable de faire des expériences
de torture épouvantables au moyen de chirurgie dentaire soulève évidemment la
question de la coexistence partenariale entre le pays de Walt Disney et l'axe
du Mal à savoir leur collision. Le jeune marathonien contacté par son frère pénètre
dans un monde explosif de secrets à ne dévoiler sous aucun prétexte. MK Ultra
et les Paper-Clip c'est secret défense, et soulever le couvercle expose le
contrevenant à des risques maximum.
Haletant,
le suspens quasi étouffant – la scène ou Dustin Hoffman se fait coincer par
Laurence Olivier est absolument glaçante – est d'autant plus réussi qu’il est
traité de manière réaliste. Le coureur devient proie et la course synonyme de
fuite. Il n'y a guère de moyen pour la proie pour survivre que de traquer son
traqueur et de le réduire définitivement en silence. Les voies naturelles, je
veux dire par là légales, de la protection ne sont plus applicables, la souris
est lâchée dans la nuit de la Nueva York comme un insecte dans la gueule du
chat, et le premier ne peut compter que sur lui-même.
Ce
portrait d'une traque nocturne le plus souvent offre de l'Amérique un visage
profondément inquiétant. Les loups sont dans la place, protégés plus que
vraisemblablement, et les citoyens quelque peu éclairés sont en danger de mort,
laissés seuls face à une figure du mal capable du pire.
Telle
est la signification de cette œuvre qui avec le recul et surtout l'actualité –
post Patriot Act – se révèle prophétique. Ce qu’à l'époque on appréhendait
comme une œuvre de distraction était en définitive un appel du pied à l'éveil
des consciences.
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