Sur
le point de mourir, Earl Partridge, magnat des médias, n'a plus qu'un désir :
revoir son fils, Frank Mackey, qu'il a jadis abandonné. Son infirmier, Phil
Parma, est chargé de contacter Frank, devenu entretemps une vedette de la
télévision et un provocateur de premier plan. De son côté, la belle Linda, qui
a épousé Earl pour sa fortune, comprend brutalement à quel point elle s'est
attachée à lui. Pour Jimmy Gator, présentateur vedette sur la chaîne de
Partridge, l'heure est également aux bilans et aux remises en question. Atteint
d'un mal incurable, Jimmy veut absolument obtenir le pardon de sa fille
Claudia, dont il a abusé autrefois...
Film
mosaïque, film choral tel Short cuts
suivant en parallèle le destin de vingt personnages et quelques, tous californiens,
Magnolia, troisième film du cinéaste
indépendant Paul Thomas Anderson dresse le portrait en filigrane d’une société basée
sur la réussite, l’indépendance, le gout de parvenir aux sommets, l’ambition –
en clair The American Dream – qui plonge chacun de ses personnages, qu’ils
soient fortunés ou simplement à l’aise, dans les affres de la solitude, de l’échec
et du sentiment de vies gâchées.
Bien
plus empathique que le chef d’œuvre de cet entomologiste quelque peu froid qu’est
Robert Altman – dans Short cuts, les
personnages sont observés d’en-haut tandis qu’ici la caméra compatissante les
accompagne à hauteur d’homme -, ce portrait de groupe en chassés-croisés pose
des la première demi-heure l’apparence pour ensuite progressivement introduire
dans chaque destin individuel la petite faille du dispositif. Chacune et chacun
va donc traverser une épreuve qui aura pour effet la mise à nu et le déchirement
du voile.
Ce
sera ce prétentieux conférencier incitant les hommes à se conduire comme des
machos qui se verra soudain démasqué par une question toute simple que lui
posera une journaliste afro-américaine. Le regard de biais que lui adressera un
employé de pharmacie qui conduira le personnage de Juliane Moore – admirable –
dans une scène bouleversante à craquer en direct et ainsi livrer son être
profond, celui d’une épouse dévastée par le remords d’avoir tant trompé un mari
richissime en train de mourir et que sur le tard elle se découvre aimer. L’humiliation
de cet ancien enfant abonné aux jeux télévisées qui, devenu adulte, en pince
pour un jeune sportif.
Ces
destins, la vie américaine ne s’y intéresse guère et pousse chacun à occuper
une place sur un castelet sociétal artificiel. C est l’introduction du drame
qui rappelle chacun à son intimité la plus profonde, en rien l’apparence de la
vie sociale ne traduit l’être, lequel demeure seul, perdu, en quête de sens, de
pères et de repères. L’Amérique, surtout en Californie, ce n’est rien d’autre qu’un
reflet ou chacun se doit de jouer un rôle, et chacun de ses futurs échoués a
son propre masque, il donne le change, il se lève, travaille joue son rôle, se
rendort puis recommence, Jusqu’à ce que – intervention divine – l’essence lui
revienne.
Aux
trois quarts du film, suite à une succession de scènes en crescendo émotionnel
ou tous les personnages lors d’une nuit d’orage connaissent l’apogée de leur
crise – et c est peu dire que Magnolia
charrie alors une force émotionnelle impressionnante et que les acteurs, au
premier rang desquels Julianne Moore et Tom Cruise, mais absolument toute la
distribution est splendide, tous sans exception – tombe du ciel un miracle. Un
miracle biblique, comme un des sept châtiments de l’Exode – que sont les américains
sinon une juxtaposition de peuples dont les ascendants ont vécu un exode. Une
pluie de grenouilles ! Mais contrairement aux sept fléaux bibliques
celle-ci opère à la fois comme un avertissement, un marqueur temporel de la fin
des désespoirs individuels et un immense nettoyage.
Œuvre
profondément humaniste et généreuse, qui pourrait par certains cotés se référer
au cinéma de Claude Lelouch, Magnolia se
rattache d’une certaine manière à l’optimisme si cher au cinéma outre-Atlantique
puisque d une certaine façon tout est bien qui finit bien. Sauf que contrairement
aux produits habituels de l’usine à rêves hollywoodienne, ce film qui fut tourné
en dehors des grands studios avec l’aide au générique de stars ici à leur
meilleur ne verse en rien dans la guimauve et la candeur. Il y a eu avant le
nettoyage et le happy end expositions sans fards de ce que le pays profond dans
ses injonctions sociétales produit comme drames existentiels. The American
Dream est un fléau crée par les hommes contre eux-mêmes et seule une
intervention supranaturelle peut inverser la tendance mortifère.
Pas
vraiment un message compatible avec le drapeau étoilé … Et comme une invitation
discrète du réalisateur auteur à nous tourner individuellement vers quelque
autre autorité supérieure ne serait-ce que pour ne pas nous perdre et donc nous
re-trouver …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire