La journaliste polonaise Agnieszka – la géniale Krystina Janda -est persuadée que son idée est la bonne :
réaliser un reportage sur Mateusz Birkut, ce jeune maçon devenu héros national
dans les années 50, dont elle a retrouvé une statue abandonnée. Son directeur
d'études tente de la dissuader, mais la jeune femme s'obstine et finit par
découvrir le dessous des cartes. Un cinéaste réputé, Burski, lui raconte
comment Birkut a conquis sa gloire, en posant 30 000 briques en une journée.
D'autres témoins, elle apprend que son exploit lui a valu la haine d'autres
ouvriers...
Film-enquête, film sur l’histoire passée, sur le mythe construit de toute pièce par le régime communiste polonais, dont la meilleure compréhension permet de décrypter le présent, L’Homme de marbre, 1er et meilleur opus d un tryptique,
est la première incursion du grand Andzej Wajda dans le grand cinéma politique, en pleine décennie, les années 70, ou le cinéma politique, cf Costa Gavras,
Sidney Pollack, Yves Boisset, Francesco Rosi et tant d’autres, était un genre en soi.
Il s’agit donc pour le cinéaste s’identifiant entièrement à son enquêtrice héroine de soulever le mythe fabriqué de toute pièce à partir d’un Mateusz ouvrier réel à partir duquel le régime construisit un FILM de
FICTION. Et au moyen d’une enquête partant du personnage d’aller à la rencontre de l’individu, de sa vie réelle, ainsi que des conditions de la manipulation passée.
Cette statue d’Homme de
marbre, le film éponyme se donne donc pour cible de la faire vaciller de son socle et
de la briser en mille morceaux, acte en soi transgressif et bel en bien héroique, tant pour la journaliste dans le film que pour Wajda dans la
vie. Car c’est bien un metteur en scène, en l’occurrence le metteur en scène polonais le plus respecté et dans son pays et au monde qui de l’intérieur et ce sous un régime guère connu autrement que comme un regime totalitaire qu’il opère la fabrication, la mise en scène au vu et
au su de tous et donc la révélation d’une arme de destruction pointée sur la tête de l’Etat polonais.
Car en s’attaquant au mythe et donc au
mensonge au travers d’un symbole du passé récent c’est bien au présent qu il s’attaque par
ricochets puisque ce dernier est l’enfant du précédent. Il y a nous dit Wajda dans la longue enquête rythmée par la démarche fonceuse d’Agnieszka au coeur même des images et des messages
vehiculés par ce pouvoir absolument la même chose que
ce qu’il y avait dans les images créées de toutes
pièces par les nazis. A savoir du mensonge, de la mystification, une
utilisation des êtres à des fins politiciennes. Et un total travestissement du réel que moi, cinéaste engagé, je m’en vais littéralement détruire.
Le cinéma, nous le savons, est une arme à double tranchant. Pro-pouvoir et donc outil de
propagande pur – regardez les films hollywoodiens de nos jours – ET outil de réinformation placé dans les mains de créateurs libres et vaillants, artistes se donnant pour mission de
contribuer à remettre le cerveau de leurs contemporains à l’endroit.
Avec cet homme
de marbre, Wajda parvint à porter un coup décisif dans les chevilles du pouvoir polonais. Il récidivera en 1981 soient quatre ans plus tard avec sa suite, L’Homme de fer, couronné Palme d Or au Festival de Cannes. Dans lequel il
fera étonnamment comme une fiction propagande pro-Solidarnosc et pro-Lech
Walesa. C’est-à-dire en termes de cinéma l’inverse que dans l’opus précédent.
Il ne faudra alors guère que quelques petites années pour que le Colonel Jaruzelski
se résigne sous la pression populaire à rendre les clefs. Ce sera la premiere brique du bloc communiste à tomber.
La force du grand cinéma se donne à voir là.
Travailler directement à l’éveil des consciences et offrir le terreau de la rébellion des peuples.
La VRAIE fiction qui fait tomber la fausse.
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