Pierre
Maury, ingénieur des Ponts et Chaussées et membre du conseil municipal d'une
petite ville de province située sur les bords de la Loire, trompe Clotilde, sa
femme perpétuellement neurasthénique. Sa maîtresse n'est autre que Lucienne
Delamare, l'épouse du député-maire. La passion des deux amants leur rend
bientôt insupportable la clandestinité de l'adultère. Ainsi, Pierre supprime
discrètement Clotilde, dont la mort ne surprend personne. Quant à Paul
Delamare, il se révèle autrement plus coriace. Il faut l'achever à grands
coups, en pleine nuit, au bord d'une route. Là encore, pourtant, l'impunité
semble totalement assurée au couple adultère...
Le
film s'ouvre sur une citation d'Eschylle tirée des Euménides (actes IV scène 1)
: Oreste: "Déesses, décidez si je suis innocent ou coupable. Quel que soit
votre arrêt, je m'y soumets". Minerve : "Cette cause est difficile.
Quel mortel oserait la juger ?". Chabrol, dans ce nième chef d'œuvre
datant de 1973, place son drame bourgeois des années Pompidou sous tutelle de
la mythologie grecque. Ses pantins désarticulés, amoraux pour certains, vivent
sous les ors et le faste sans rattachement aucun sinon à leur égo et leurs
petits pouvoirs terrestres. La chair, l'envie de chair, la volonté de gauchiser
son image pour l'épouse de ce fat deputé-maire et de mettre quelques petites
excitations dans la marmite du quotidien – jusqu’à créer un coït mis en
scène dans un château ! – va les conduire jusqu’au meurtre.
Faire
le vide autour de soi pour jouir en paix, ces noces sanglantes, rouge couleur
tartare, en effet sont balzaciennes et flaubertiennes, il y a du Monsieur et
Madame Bovary dans cette tragi-comédie grinçante ou l'on assassine
tranquillement une épouse infirme qui prend trop de place et on l'on massacre l'époux
devenu gênant.
Construction
en flash back entamée et clôturée par les klaxons, les amants sont nous le
savons depuis le début – cf. La femme d'à coté ! – pris la main dans le
sac. Quatre flashs back orchestreront la construction en silex de ce film qui
refuse la dramaturgie plan-plan d'un film enquête pour lui préférer la comédie
de mœurs ou l'on égratigne une province bourgeoise faite de fatuités et de faux
semblants. La description croustillante de la petite cuisine politique des
clochers s'ajoute au désossage de la morale dite bourgeoise, en définitive une
pantalonnade ou le cul est la valeur marchande numéro un, celle à laquelle on s'adonne
et pour laquelle on est prêt à tuer.
Magistralement
interprétées par un trio de choc – la regrettée Stéphane Audran, belle en diable,
élégante et cynique, Michel Piccoli tout en distinguée vulgarité et Claude
Pieplu, lequel endosse le ridicule de son personnage balzacien avec panache -,
ces sublimes Noces Rouges sont une
preuve parmi tant d'autres que Claude Chabrol fut le plus grand portraitiste de
son époque que la France ait jamais eu. Un cinéaste au regard vif et acéré
comme un scalpel, jamais aussi bon que quand il se montre grinçant.
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